Il est 14 heures. Dans cette ruelle du quartier du Marais, les techniciens s’affairent au montage d’un décor. Celui d’une galerie d’objets de grande valeur tenue par un archéologue de renom. À l’intérieur, la mise en scène frappe par le soin apporté à l’aménagement, des armoires coulissantes au petit mobilier en passant par l’éclairage ou les sellettes sur lesquelles sont disposées des reproductions de masques, de figurines, de vases et autres curiosités. Au sol, une flaque de sang.

Celui du galeriste, disparu précipitamment ? La scène se joue entre Vincent Elbaz et Aure Atika. Il est Joseph Bellegarde, le personnage de flic idéal, pas très rigoureux mais intuitif, doué, protecteur, curieux. Elle est Élise Wagner, la directrice du département des antiquités orientales du Musée du Louvre. « Une femme politique et ambitieuse, dit-elle, pour qui la disparition du masque, alors qu’elle vient d’être nommée, s’annonce comme le plus gros enjeu de sa carrière. » Il est une lointaine émanation de l’enquêteur André Bellegarde, autrefois incarné par Yves Rénier. Elle procède du nouveau travail d’adaptation des trois scénaristes attachés au projet. On y suivra aussi Shirine Boutella, alias Hafsa Moreau, jeune restauratrice d’œuvres d’art fraîchement embauchée au Louvre et protagoniste de l’histoire, Tiphaine Daviot, Nicolas Briançon et le si sympathique Kad Merad.

Relecture contemporaine

Cette relecture moderne de Belphégor  semble piocher à la fois dans le best-seller du librettiste et écrivain Arthur Bernède (1927) et dans la minisérie de l’ORTF réalisée par Claude Barma sur un scénario de Jacques Armand (1965). Sans doute puise-t-elle aussi dans la version cinématographique de Jean-Paul Salomé, avec Michel Serrault dans le rôle de l’inspecteur et Sophie Marceau dans celui de l’héroïne possédée. Sans s’en défendre, les producteurs et auteurs de cette nouvelle mouture ont surtout pour ambition d’offrir un récit en phase avec l’époque et son style, le XXI^e siècle. Les rôles féminins auront plus d’épaisseur. Les questions abordées en toile de fond seront plus actuelles. La fantasmagorie intrinsèque à Juliette Gréco, égérie de la minisérie de 1965, laissera la place à l’ultra-contemporain. Le polar fantastique, lui, sera omniprésent. « Notre objectif : réinventer le récit, se fonder sur les fondamentaux du mythe, avec son fantôme, le Louvre, les meurtres, la jeune femme possédée et ce mystère à résoudre, pour construire une intrigue nouvelle, pertinente, actuelle, de sorte à captiver ceux qui connaissent la marque, mais aussi ceux qui ne la connaissent pas », souligne Aude Albano, la productrice et directrice du nouveau département séries de Pathé, dont c’est la première grosse production sérielle, en collaboration avec Max (bientôt rebaptisé HBO Max), ici primo-diffuseur, et M6.

L’enjeu, à l’évidence, est de taille. « Dès lors que nous touchons à la création, n’est-ce pas toujours le cas ? », souffle la productrice, pour qui Belphégor est aussi une madeleine de Proust. Et tout ici semble réuni. Moyens supérieurs, tournage de nuit dans les salles du Louvre, casting 5 étoiles, du polar, du surnaturel, et, comme support, un best-seller de la littérature populaire vieux de près de 100 ans. Au vu du succès remporté par les reprises récentes d’Arsène Lupin (Lupin, sur Netflix) ou du Comte de Monte-Cristo, dont l’adaptation en série, après le film, arrive sur France 2 très bientôt, sans oublier les deux productions annoncées des Misérables, il semble que ce Belphégor n’ait pas grand-chose à craindre.