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Habituellement, le festival international de journalisme de Pérouse est le lieu où, chaque année, la petite famille – le petit monde diront certains – du journalisme se retrouve pour partager exploits, succès, tuyaux, échecs et espoirs. Malgré un temps clément et un nombre record d’événements – trop diront certains – l’édition de cette année avait toutefois par moment des airs de thérapie de groupe : entre l’arrêt brutal du soutien financier des Etats-Unis à un nombre surprenant de médias dans des endroits du monde où la presse indépendante est menacée, les difficultés économiques auxquelles elle fait face et la répression croissante dont elle est l’objet un peu partout, l’humeur était souvent assez morose.
Autour d’un énième espresso ou d’un nouvel aperitivo, les participants partageaient le même constat : le journalisme et les médias traversent – encore ! – une mauvaise passe, qui risque d’être fatale pour nombre d’entre eux. Une sensation que confirmait quelques jours plus tard le rapport 2025 de Reporters sans frontières et son indice de la liberté de la presse dans le monde.
“Si les exactions physiques contre les journalistes sont l’aspect le plus visible des atteintes à la liberté de la presse, les pressions économiques, plus insidieuses, sont aussi une entrave majeure”, note ainsi l’ONG basée à Paris. Pour ce qui concerne l’Europe, “les médias indépendants […] font face à une crise économique sans précédent, accentuée par l’arrêt brutal de l’aide américaine et le renforcement de la propagande russe”, peut-on lire dans son rapport. “Les coupes budgétaires de l’administration Trump – notamment la suspension du financement de Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL) et de l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID) – ont fragilisé un secteur déjà vulnérable, en particulier dans les pays confrontés à des régimes autoritaires, à la corruption ou à la guerre.”
Cette “asphyxie économique” frappe plus particulièrement les médias indépendants des pays de l’ancien bloc soviétique – Ukraine, Géorgie, Arménie, Biélorussie, Russie et Azerbaïdjan – sur place ou en exil. Certains dépendent pour plus des deux tiers de leurs ressources financières de cette aide et se sont retrouvés sans financement quasiment du jour au lendemain.
Bien qu’en tête des régions du monde où il fait relativement bon être un média ou un(e) journaliste, l’Union européenne et les Balkans n’échappent pas à la tendance globale à la baisse de la liberté de la presse suite aux pressions économiques et politiques. Une analyse que confirme le rapport 2025 de l’ONG Civil Liberties Union for Europe, qui dénonce entre autres la concentration des médias en Croatie, France, Hongrie, Malte, Pays-Bas, Slovénie, Espagne et Suède, un manque de transparence dans la propriété en Croatie, en République tchèque, en Hongrie, en Italie, à Malte et aux Pays-Bas et une baisse de confiance vis-à-vis des médias en Bulgarie, Croatie, République tchèque, Grèce, Hongrie, Malte, Slovaquie et Espagne. Autre problème auquel font face les journalistes, les procédures-bâillon, qui visent à les intimider et qui “demeurent un problème en Belgique, Allemagne, Bulgarie, Croatie, France, Grèce, Hongrie, Italie, Lituanie, Pays-Bas, Slovaquie et Slovénie”.
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L’un des biais de pression pesant sur la liberté de la presse est exercé par les gouvernements au travers du modèle économique majoritaire dans les secteurs médiatiques de certains pays. Peter Erdelyi, du Centre pour les médias durables, prend l’exemple de la Hongrie et décrit un système qu’il estime applicable à de nombreux autres pays post-communistes. La vente d’espaces publicitaires dans leurs colonnes constitue pour beaucoup de médias l’unique source d’entrée de fonds.
Or, l’Etat y reste l’un des principaux annonceurs : les médias aux lignes éditoriales collant à celle du gouvernement se voient octroyer de nombreux contrats, au détriment des organismes plus critiques de ce dernier, qui peinent donc à maintenir leurs finances à flot. Une plainte a été déposée à la Commission européenne à ce sujet, pour aide gouvernementale illégale à certaines publications et distorsion du marché et de la concurrence. Un argument qui ne devrait pas laisser indifférent au niveau de l’Union européenne, à qui la libre concurrence tient terriblement à cœur. Les enjeux pour la liberté de la presse sont de taille : “Si les autorités (et par conséquent les tribunaux) jugent [la pratique] légale, elle constituera un modèle d’interférence pour des régimes similaires”, écrit ainsi Peter Erdelyi. À l’inverse, si l’Etat hongrois est condamné, cela pourrait signifier la ruine de l’empire médiatique de Fidesz, comme le rapporte HVG.
Un deuxième type de pression financière s’exerce indirectement sur la presse indépendante par le biais de lois dites “sur les agents étrangers”. Dans The Guardian, Antonio Zappulla alerte sur ce type de loi qui fleurissent à travers le monde : Géorgie, Biélorussie, Kirghizstan, Russie, Venezuela, Turquie, Paraguay, ne sont que quelques exemples. Ces textes obligent les médias et ONG financés à 20 % ou plus par des aides étrangères à se déclarer comme tels. En Géorgie, cela prend la forme d’une mention très explicite, un véritable repoussoir pour de potentiels lecteurs : “agissant dans l’intérêt d’un agent étranger” doit figurer en tête de toute publication.
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Zappulla écrit : “Alors que les campagnes de désinformation et les cas d’ingérence électorale se multiplient, de nombreuses démocraties envisagent ce type de législation - l’Italie et le Royaume-Uni, pour n’en citer que deux”. Le danger ne réside donc pas dans ces lois elles-mêmes ou dans ce qu’elles prétendent combattre, mais dans l'ambiguïté de leur formulation : des définitions intentionnellement vagues permettent d’entraver les activités de n’importe quel journaliste, activiste ou encore média indépendant. De par le stigma social que ces mentions représentent, elles poussent aussi ces acteurs de l’information libre à l’exil, où ils ne peuvent toujours pas lui échapper. Elle dissuade aussi bon nombre de lecteurs restés dans leur pays d’origine.
Outre la censure immédiate que cela implique, Zappulla souligne : “L’impact sur les générations futures de journalistes en devenir de ces pays est également dévastateur, limitant leurs aspirations et leur aptitude à développer des compétences professionnelles dans un secteur discrédité, laissant un vide dans lequel il n'y a pas de contestation de la propagande d’Etat.”
Les attaques personnelles répétées que subissent certains journalistes contribuent également à ce phénomène, ainsi qu’à l’auto-censure que pratiquent certains et certaines par peur de représailles. Un rapport de Marta Frigerio et Gianluca Liva pour l’Observatoire des discours diffamatoires à l’encontre des médias, portant sur l’Italie, révèle l’existence d’un réseau informel de comptes de réseaux sociaux affiliés à l’extrême droite et entreprenant de vastes campagnes de harcèlement en ligne visant des journalistes alertant sur la changement climatique.
Il ressort aussi de ce rapport que les pigistes sont particulièrement vulnérables à ce genre d’attaques et de réductions au silence. Frigerio et Liva concluent : “Ce rapport a deux objectifs principaux. Premièrement, commencer la construction d'un réseau de soutien pour les journalistes indépendants qui font souvent face à ces menaces seuls, afin qu'ils sachent qu'il existe des organisations prêtes à les soutenir. Deuxièmement, susciter un débat public et sensibiliser à la vague croissante de haine en ligne, car le silence ne fait que la propager et l'amplifier”.
En effet, face à ces menaces grandissantes, la sensibilisation reste une arme de choix. Comme le partage justement Natalia Antelava de retour de Pérouse : “Il est clair que l'objectivité a toujours été un luxe réservé à quelques privilégiés. Pour beaucoup de ceux qui travaillent depuis toujours sous la menace, la neutralité n'a jamais été une option. Aujourd'hui, alors que le sol se dérobe sous nos pieds, leur expérience et leurs stratégies de survie deviennent des leçons primordiales pour l'ensemble de la profession.”
Elle soulève également l’importance de la préservation d’espaces protégés : dans le tumulte d’un environnement global toujours plus menaçant, la survie d’îlots de liberté d’expression, aussi isolés soient-ils obligés de rester pour le moment, est cruciale. Ces espaces peuvent constituer une garantie de survie de la presse libre : une fois l’orage passé, ils pourront se régénérer et retrouver leur force de frappe perdue.
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