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La fausse bonne solution pour rendre les navires plus “propres” : épurer l’air et souiller la mer

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épurateurs méditerannée

“Cette technologie diminue la pollution de l’air en la transférant dans la mer. Ça me choque profondément. Guillaume Picard, ex-commandant de ferry et cofondateur du collectif Stop Croisières, n’a pas de mots assez durs pour décrire les scrubbers, un nouveau type de pollution dévastatrice. Aussi nommée épurateur, cette technologie permet d’utiliser de l’eau de mer pour laver les gaz d’échappement des navires – bateaux de croisière, cargos, ferries – avant de rejeter l’eau sale sous forme de boue, avec des conséquences désastreuses pour les écosystèmes marins.

La méthode a été introduite en 2020 pour réduire les émissions de gaz toxiques des navires. Cette année-là, la convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires élaborée par l’Organisation maritime internationale (OMI) a baissé de 3,5 % à 0,5 % la teneur maximale autorisée des émissions en oxyde de soufre sorties des cheminées.

Mais un amendement a autorisé les compagnies maritimes à poursuivre l’utilisation de fioul dépassant ce seuil, à condition qu’elles équipent leurs navires de scrubbers pour filtrer les rejets de leurs cheminées. Une solution plus économique qu’écologique : “Le fioul lourd est le combustible le moins cher du marché car c’est un résidu de la distillation du pétrole, donc un déchet”, souligne Guillaume Picard.

 North Ridge Pumps
Systèmes d'épuration en boucle fermée et ouverte. | Source : North Ridge Pumps

Depuis 2022, l’utilisation des scrubbers à boucle ouverte est interdite en France au sein de la bande littorale des trois milles, soit à moins de 5,5 kilomètres des côtes. “Cette législation est bien trop permissive, les scrubbers n’auraient jamais dû exister”, dénonce Isabelle Vergnoux, avocate spécialisée en droit de l’environnement. Après en avoir fait la demande, la compagnie Corsica Linea bénéficie jusqu’au 1er janvier 2026 d’une dérogation accordée pour des motifs économiques par la direction des affaires maritimes pour l’utilisation des scrubbers dans la bande des trois milles. Contactée, Corsica Linea n’a pas répondu à Reporterre.

Jusqu’à 6 000 tonnes d’eau toxique par heure

“Légaliser un tel transfert de pollution est une aberration, nous sommes très clairement pour l’interdiction des scrubbers à l’échelle méditerranéenne”, soutient Sébastien Barles, adjoint au maire de Marseille délégué à la transition écologique.

Stéphan Rousseau, chargé de la sécurité marine à la Direction interrégionale de la mer Méditerranée – chargée de faire respecter la législation concernant les scrubbers – est du même avis. Mais au nom du réalisme et au vu des pressions des industriels, il milite seulement pour étendre la zone d’interdiction de l’usage des scrubbers en boucle ouverte jusqu’à douze milles (22,2 km) des côtes, ce qui sera selon lui suffisant pour pousser les armateurs à utiliser des combustibles très peu soufrés.

Les experts de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), qui ont analysé des rejets émis par onze ferries appartenant à la compagnie Corsica Linea et effectuant des trajets entre Marseille et la Corse, comparent la pollution annuelle de ces seuls navires “aux grandes marées noires”. “Sur les plus gros navires, ces laveurs de fumée peuvent pulvériser 6 000 tonnes d’eau toxique par heure”, explique le commandant Guillaume Picard. Près de 300 millions de tonnes d’eau de lavage seraient déversées dans les grands ports du monde entier chaque année, estime une étude de 2021 de l’International Council on Clean Transportation (ICCT), une ONG de recherche indépendante.

“Il y a aujourd’hui un consensus scientifique sur la dangerosité des rejets des eaux de scrubbers et sur leur utilisation à échelle massive”, affirme Jacek Tronczynski, ex-chercheur à l’Ifremer et co-auteur d’une étude sur la pollution générée par cette technologie en Méditerranée, publiée en 2022. Le rejet total des eaux de scrubbers dans la zone économique exclusive française en mer Méditerranée est estimé à 75 millions de tonnes par an.

Des rejets à 60 °C dans l’eau de mer

“Nous avons ignoré ces rejets pendant longtemps, parce qu’ils sont loin de nous”, déplore le chercheur. Une étude menée en 2023 par le consortium européen Emerge, réunissant dix-huit institutions de recherche, atteste qu’ils entraînent une acidification des eaux et une forte eutrophisation (enrichissement excessif par des nutriments), du fait de la présence de métaux lourds tels que le zinc, le vanadium ou le fer.

Ils sont également chargés en hydrocarbures aromatiques polycycliques – une famille de polluants émis lors d’un processus de combustion – qui “contribuent à plus de 85 % de la toxicité” des rejets, souligne Mira Petrovic, chercheuse et membre du consortium Emerge. Cette pollution chimique dévaste les organismes marins tels que les microalgues, le phytoplancton et les invertébrés comme les moules bleues et les oursins.

De plus, les eaux de rejet des épurateurs sont libérées à des températures comprises entre 35 et 60 °C, alors que la température de l’eau de mer varie généralement entre 5 et 28 °C, ce qui a pour effet de brûler les organismes à proximité.

“L’effet des scrubbers est amplifié en Méditerranée, car c’est une mer semi-fermée, avec un faible taux de renouvellement des eaux et sans le phénomène de marée permettant de “diluer” rapidement les éléments chimiques côtiers, explique Nicolas Briant, chercheur à l’Ifremer et spécialiste en contamination chimique des écosystèmes marins. “C’est aussi une mer oligotrophe [pauvre en nutriments], ce qui rend l’écosystème très sensible aux apports ponctuels de polluants.”

Sur les rives de la Méditerranée, les rejets de scrubbers inondent les ports de Barcelone et Rome-Civitavecchia, qui figurent parmi les plus pollués de la région, où aucune législation n’en limite l’usage à ce jour. Activistes et chercheurs militent auprès de l’Organisation maritime internationale pour une interdiction mondiale des scrubbers, mais les discussions sont sans cesse reportées. “L’OMI a favorisé l’émergence de cette solution technologique et n’est pas près de l’interdire”, analyse Stéphan Rousseau. Sollicitée par Reporterre, l’OMI n’a pas souhaité donner suite.

Le déni de l’industrie maritime

Malgré ces preuves accablantes, certains représentants de l’industrie maritime rejettent les conclusions scientifiques : “Il n’y a absolument aucun impact sur la vie marine [...] si ce n’est qu’ils [les rejets] sont légèrement acides”, déclare à Reporterre Chris Millman, vice-président de Carnival Corporation, l’un des principaux adeptes de cette technologie parmi les navires de croisière. Il affirme ne pas être d’accord avec les études scientifiques, leur reprochant de ne pas utiliser “de méthodes standard, ni de protocole” et de ne pas être “pertinentes, puisqu’elles n’effectuent pas leur propre échantillonnage”. Ce que les scientifiques contactés démentent, preuves à l’appui.

La recherche scientifique voudrait aller plus loin pour comprendre l’étendue des conséquences de l’utilisation des scrubbers. Les chercheurs de l’Ifremer tentent depuis plusieurs années de réaliser leur première étude embarquée, sans succès. “Nous voulions monter sur les bateaux et étudier directement les rejets des scrubbers, plutôt que de dépendre des données transmises par les compagnies maritimes. Mais la collaboration est compliquée et toutes nos demandes auprès des compagnies de fret sont restées sans réponse”, témoigne le chercheur Nicolas Briant, pour qui les scrubbers sont “une solution en réalité pire que le problème” qu’elle devait résoudre.

Cet article a reçu le soutien de Journalismfund Europe et du Earth Journalism Network. Il a été publié en partenariat avec IrpiMedia, Climática et Reporterre
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👉L’article original sur Reporterre

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