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«Une dérive du syndicalisme judiciaire mine les fondements de l’État de droit»

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FIGAROVOX/TRIBUNE - Parfois exagérées, les critiques sur la politisation de la justice témoignent d’un malaise compréhensible face à la tournure que prend l’engagement syndical au sein de la magistrature analyse l’ancien magistrat Jean-Claude Magendie.

Jean-Claude Magendie est premier président honoraire de la cour d’appel de Paris.


Il n’est de jour sans dénonciation des atteintes qui seraient portées à l’État de droit dans une des composantes de cette notion polymorphe : l’indépendance de la justice. Les illustrations de ce phénomène dépassent nos frontières, qu’il s’agisse des États-Unis du fait de l’immixtion décomplexée du président Trump dans le fonctionnement judiciaire ou de la mainmise du président Orbán sur la justice hongroise.

La France serait menacée du même danger, on en fait même des livres ! La justice y serait indûment accusée de politisation et la critique des décisions du pouvoir judiciaire serait le symptôme de la dégénérescence de notre démocratie libérale et de sa régression vers une forme illibérale qui refuse que les règles découlant de l’État de droit puissent limiter les pouvoirs du parlement souverain ; on parle même de populisme anti-juges.

Même si le risque existe – en se gardant toutefois de considérer que la justice ne peut être critiquée – comparaison n’est pas raison : la France n’est ni les États-Unis, ni la Hongrie ! Parler sérieusement de notre justice impose de tenir compte de notre histoire institutionnelle comme de la nature de notre droit. C’est se condamner à ne rien comprendre que d’omettre de rappeler que, tant sous l’Ancien régime que depuis la Révolution et jusqu’à la Ve République, l’histoire des relations entre la justice et la politique est faite de méfiance, souvent de mépris, d’une lutte sourde toujours. C’est dire combien la question du pouvoir considérable que confère au juge l’État de droit y est particulièrement sensible.

Porter un diagnostic sur ce dernier nécessite de se pencher sur le respect des règles intangibles qui en constituent le socle, au premier rang desquelles figure la séparation des pouvoirs – l’exécutif, le législatif et le judiciaire y sont distincts et indépendants – ainsi que l’égalité de tous devant la loi garantie par une justice impartiale.

La justice, quoique qualifiée d’« autorité » par la Constitution, s’impose aujourd’hui comme un pouvoir du fait de son indépendance. Les critiques dirigées contre ses décisions, spécialement celles impliquant des personnalités politiques, participent du débat inhérent aux sociétés démocratiques à travers le comportement éthique exemplaire attendu de ses dirigeants ; les réactions apparaissent stéréotypées suivant un schéma partisan en fonction du sens de la condamnation.

Refusant par principe la neutralité qui conduisait traditionnellement le juge à se placer à distance de la vie politique, le Syndicat de la magistrature ne considérait la justice que comme un levier utile pour contribuer à un changement radical de société

Jean-Claude Magendie

Ces jugements à l’emporte-pièce éludent deux questions essentielles : si notre justice est indépendante, qu’en est-il du respect par celle-ci de l’indépendance des autres pouvoirs, exécutif et législatif, et de l’impartialité du juge, autre face de son indépendance qui conditionne sa crédibilité ? La confiance envers l’institution est-elle au rendez-vous ?

C’est une réponse inquiétante que délivre l’analyse objective de la situation présente ; et si c’était là que réside le véritable danger pour l’État de droit plutôt que celui découlant de l’accroissement des pouvoirs du juge fondé sur la hiérarchie des normes et de la protection par celui-ci des droits fondamentaux ? Force est de constater qu’une dérive du syndicalisme judiciaire mine les fondements de l’État de droit et finit par répandre le poison du doute sur la neutralité et l’impartialité des juges.

On ne peut pourtant pas dire que l’on n’était pas prévenu. En effet, dès l’émergence de la forme syndicale au sein de la magistrature succédant à la structure associative dans les années 1970, la spécificité du syndicalisme judiciaire avait été affirmée par le président de l’Union syndicale des magistrats (USM) en ces termes : « Cette spécificité exclut notamment tout engagement politique comme son rattachement à une structure syndicale et interdit au juge certains gestes, certaines actions et certaines paroles et commande au syndicalisme judiciaire de ne pas user des formes d’action inconciliables avec cette mission ». Le président Ropers avait à l’évidence à l’esprit le contre-exemple du tout jeune Syndicat de la magistrature (SM) et la conscience des périls redoutables qu’il faisait courir à la justice.

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En effet, celui-ci, dès sa création en 1970, affirmait sa volonté de se servir du droit pour contester « l’ordre bourgeois ». Refusant par principe la neutralité qui conduisait traditionnellement le juge à se placer à distance de la vie politique, il ne considérait la justice que comme un levier utile pour contribuer à un changement radical de société. Cette stratégie décrite dans sa bible, Au nom du peuple français…, ne devait guère trouver d’obstacles dans son accomplissement.

La complaisance ou le manque de courage politique, suivant les alternances, se sont trouvés aggravés par le fait que le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), constitutionnellement chargé de protéger l’indépendance de la justice comme de faire respecter la déontologie des magistrats qui en est le corollaire, n’a pu jouer son rôle du fait du pouvoir prédominant des magistrats syndiqués en son sein.

Contestant, depuis sa création, l’obligation de réserve qui constitue la pierre angulaire du statut de la magistrature, qu’il ne manque toutefois pas d’invoquer lorsque cela lui est utile, le SM a pu se livrer impunément à la déconstruction méthodique de l’édifice qui fonde l’office du juge.

Le SM ne s’est guère montré soucieux du respect de l’État de droit lorsqu’il a violé la séparation des pouvoirs en n’hésitant pas à s’immiscer dans les prérogatives de l’exécutif par la diffusion de contre-circulaires prenant le contre-pied de celles émanant du garde des Sceaux, notamment celles prises en application de la politique pénale du gouvernement, en critiquant les expulsions d’immigrés illégaux notamment à Mayotte, en appelant, sous la présidence Hollande, à la solidarité envers les syndicats « luttant contre la politique d’austérité du gouvernement ».

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La sphère de compétences du Parlement n’a pas fait l’objet de plus d’égards, allant même jusqu’à conduire un magistrat syndiqué, alors qu’il présidait une audience, à délivrer des tracts contre « la loi liberticide Perben  » en discussion devant le Parlement. Plus récemment, c’est le projet de loi Macron relatif au plafonnement des indemnités de licenciement qui a été dans le viseur du SM, allant jusqu’à la stigmatisation dépourvue d’analyse juridique contre une décision de la Cour de cassation validant ce plafonnement.

Et ce n’est pas le moindre paradoxe, le SM, n’a pas hésité, dans une démarche contre-nature, à intervenir devant la Cour de cassation, à côté de la Ligue des droits de l’homme, contre un arrêt se prononçant sur l’âge physiologique d’un étranger. Des magistrats contestent ainsi en justice une décision rendue par leurs pairs !

La neutralité et l’impartialité du juge, consubstantielles à sa mission, ont été méconnues lorsque le SM a appelé à voter contre la réélection du président Sarkozy en 2012, en participant à la manifestation des sans-papiers ou à celle contre les violences policières après avoir tenu un stand sur le même sujet à la fête de l’Humanité et en éditant un guide du manifestant. Les policiers qui peuvent être déférés devant la justice comme auteurs ou comme victimes de violences pourront-ils sérieusement croire que la justice leur garantit un procès équitable ?

Une fraction du corps judiciaire oublie que l’État de droit est aussi une contrainte pour le juge, lequel trahit alors son office de gardien de la paix publique et perd toute légitimité

Jean-Claude Magendie

La dérive de la justice, de sa fonction de gardienne du droit vers le champ politique du fait de l’engagement partisan d’une minorité agissante en son sein (le SM représente 30 % environ des magistrats syndiqués) a immanquablement généré un sentiment de défiance du corps social envers cette institution dont il attend la neutralité, dans une société démocratique naturellement traversée par des courants antagonistes. Le « choix de camp » revendiqué par le SM a pour conséquence que toute décision risque de n’être plus perçue qu’au travers de l’appartenance idéologique et politique supposée de ceux qui l’ont rendue ; il en va tout spécialement ainsi des décisions concernant le monde politique.

Par la violation délibérée et revendiquée de l’obligation de réserve prescrite par le statut de la magistrature, laquelle par définition s’applique à tous les magistrats indépendamment de leur engagement syndical, le SM a frontalement porté atteinte à l’impartialité inhérente à la fonction de juger qui constitue la condition du procès équitable européen. Le devoir de dignité ainsi que l’obligation de loyauté qui font partie du serment des magistrats ont aussi été mis à mal ; que l’on pense au lamentable épisode du « Mur des cons » sur lequel était affichée la photo du père d’une jeune victime.

Et ce n’est qu’au prix d’une subtilité qui heurte le bon sens que le CSM a récemment affirmé que les positions prises par le SM ne pouvaient mettre ses adhérents en infraction avec leur obligation d’impartialité, comme si les prises de position de l’un restaient étrangères aux autres. À suivre ce raisonnement, les magistrats syndiqués devraient être protégés ès qualités sans que celle-ci puisse en revanche les engager à titre individuel ; c’est faire litière du principe de l’impartialité objective proclamé par la Cour européenne des droits de l’homme, fondé sur l’apparence d’impartialité du juge aux yeux des justiciables et de la société et qui veut que cette apparence ne puisse conduire à la défiance.

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Ainsi, alors que les atteintes à l’État de droit sont généralement imputées à des violations de l’indépendance de la justice, c’est en réalité à une inversion paradoxale de cette problématique que conduit la situation objective ci-dessus décrite du fait du mépris de la logique institutionnelle par une fraction du corps judiciaire. Celle-ci oublie que l’État de droit est aussi une contrainte pour le juge, lequel trahit alors son office de gardien de la paix publique et perd toute légitimité.

La restauration d’une justice rendue « au nom du peuple français », à l’abri d’une attitude partisane et d’un parti pris idéologique qui emprunte à la doxa de l’extrême gauche qui mine la confiance en finissant par nourrir le sentiment qu’il y aurait opposition entre droit et démocratie, ne pourra faire l’économie d’une réforme du statut de la magistrature et de la définition d’un syndicalisme judiciaire compatible avec la mission de juger ainsi que de la création d’un CSM placé en surplomb et dégagé des pressions corporatistes. Sinon, il est à redouter que cette dérive institutionnelle, spécialement dans le contexte politique présent, nourrisse les extrémismes et finisse par leur donner la clef de notre destin.

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