Un ancien membre de l’équipe canadienne de hockey junior fait semblant d’ignorer des détails qui pourraient être préjudiciables à cinq de ses anciens coéquipiers actuellement jugés pour agression sexuelle, ont fait valoir les procureurs mercredi.

La Couronne demande le contre-interrogatoire de l’un de ses témoins, Brett Howden, sur 18 points de son témoignage qui, selon elle, sont incompatibles avec ses déclarations antérieures et ses messages textes.

Parmi ces points figurent des détails dont Howden a assuré mardi ne pas se souvenir, même après avoir examiné ses déclarations précédentes. La Couronne soutient que sa perte de mémoire sur ces points n’est « pas sincère », soulignant qu’il semble se souvenir d’autres détails liés à la plaignante et à son comportement ce soir-là.

Howden n’a aucun problème à se souvenir que la plaignante ait flirté ou ait incité à des activités sexuelles, par exemple, mais il ne se souvient pas de l’avoir entendue pleurer à un moment donné ni que certains hommes lui aient dit « oh non, ma puce, ne pars pas » lorsqu’elle a commencé à s’habiller pour partir, a soutenu la procureure Meaghan Cunningham.

« Il ne s’agit pas d’une perte de mémoire totale. Il se souvient de certains détails, mais pas de ceux qui sont particulièrement accablants pour ses amis et coéquipiers », a pointé Me Cunningham.

Les avocats de la défense demandent au juge de rejeter la demande, arguant que l’absence de souvenirs de Howden est réelle et que la plupart des détails mis en évidence par la Couronne ne sont pas incohérents.

L’avocate de la défense Megan Savard a soutenu qu’il serait prématuré de tirer une conclusion négative sur la crédibilité de Howden.

Michael McLeod, Dillon Dube, Alex Formenton, Carter Hart et Callan Foote ont plaidé non coupables d’agression sexuelle. McLeod a également plaidé non coupable à une accusation supplémentaire de participation à l’infraction d’agression sexuelle.

Howden affirme avoir vu la femme supplier pour avoir des relations sexuelles

Les accusations portent sur une rencontre avec une femme dans une chambre d’hôtel de London, en Ontario, au petit matin du 19 juin 2018.

Les procureurs allèguent que McLeod, Hart et Dube ont obtenu des relations sexuelles orales de la femme sans son consentement et que Dube lui a giflé les fesses alors qu’elle se livrait à un acte sexuel avec une autre personne.

Foote est accusé d’avoir fait le grand écart sur son visage et d’y avoir effleuré ses parties génitales sans son consentement. Formenton aurait eu des relations sexuelles vaginales avec la plaignante sans son consentement dans la salle de bain.

La femme a témoigné qu’elle était nue, ivre et effrayée lorsque des hommes ont commencé à entrer dans la chambre d’hôtel où elle avait eu des relations sexuelles avec McLeod. Cette première rencontre avec McLeod n’est pas prise en compte dans le procès, qui se concentre sur ce qui s’est passé après l’arrivée des autres.

La plaignante, dont l’identité est protégée par une ordonnance de non-publication, a déclaré qu’elle avait l’impression que les hommes s’attendaient à une « scène porno » et qu’elle n’avait d’autre choix que de se plier à leurs désirs. Elle se sentait engourdie et en mode « pilote automatique » lorsqu’elle se livrait à des actes sexuels, a-t-elle déclaré.

Au cours des jours de contre-interrogatoire, les avocats des joueurs ont suggéré que la femme cherchait l’attention des hommes et les a incités à plusieurs reprises à avoir des relations sexuelles avec elle, allant même jusqu’à les provoquer par moments.

Brett Howden, qui joue maintenant dans la Ligue nationale pour les Golden Knights de Vegas, a déclaré au tribunal mardi qu’il s’était rendu dans la chambre de McLeod pour commander à manger et passer du temps avec ses coéquipiers et qu’il avait été surpris d’y voir une femme.

La femme a commencé à « supplier » les hommes d’avoir des relations sexuelles avec elle, a-t-il dit, et a pratiqué du sexe oral sur Hart et McLeod. Il a mentionné que Dube avait « fessé » la plaignante, mais ne se souvenait pas de l’avoir vu lui-même.

À un autre moment, il s’est souvenu que Formenton avait demandé à d’autres personnes quelque chose du genre : « Devrais-je faire ça ? » alors qu’il se dirigeait vers les toilettes avec la femme. Il a ajouté que les joueurs avaient laissé la décision à Formenton, mais il ne se souvient pas si quelqu’un avait répondu à sa question.

Cet échange est l’un des éléments que la Couronne cherche à examiner lors du contre-interrogatoire.

La Couronne pointe des incohérences

Dans une déclaration de 2018, Howden a indiqué que Formenton avait demandé aux autres : « Vais-je avoir des ennuis pour ça ? Est-ce que ça va si je fais ça ? » et « Ai-je le droit de faire ça ? », a relevé la procureure Cunningham dans ses observations.

La Couronne a souligné qu’il a décrit sa réponse dans la même déclaration : « Si elle veut avoir des relations sexuelles avec vous, disons, je suppose que c’est correct… mais je me suis dit, je ne sais vraiment pas. Je me suis dit, si elle consentait et qu’elle vous voulait, alors oui. Mais je me suis dit, je ne sais pas. »

Le témoignage de Howden selon lequel il n’a pas vu Dube gifler les fesses de la plaignante est également différent de ce qu’il a dit par le passé, ont soutenu les procureurs.

Lors d’un échange de textos en 2018, Howden a confié à un autre coéquipier, Taylor Raddysh, qu’il était heureux d’avoir quitté la chambre d’hôtel à ce moment-là, a mentionné Me Cunningham. « Pendant que je partais, “Duber” (Dubé) frappait les fesses de cette fille si fort qu’on aurait dit que ça faisait très mal », avait raconté Howden, selon la Couronne.

La Couronne souhaite également contester le témoignage de Howden concernant deux appels téléphoniques, l’un avec Dube et l’autre avec Foote, au cours desquels il a affirmé que les joueurs lui avaient demandé de ne pas les aborder lors de son entrevue avec les enquêteurs de Hockey Canada.