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L’Orchestre symphonique de Montréal et Rafael Payare mettaient une touche finale à la saison 2024-2025, mercredi, avec Le chant de la terre de Mahler, concert très attendu comme toutes les prestations mahlériennes de notre chef. Hélas, les astres ne se sont pas vraiment alignés pour faire de cette soirée de clôture un grand concert.
On peut dire que Montréal a réussi à se distinguer sur la scène musicale internationale mercredi soir. Le concert « Le chant de la terre de Mahler par Payare » était enregistré et filmé par Mezzo Live HD (pour une diffusion le 4 juin) et Medici.tv. Eh bien, on a parlé bien longtemps (et à juste raison) des œuvres inspirées par les Premières nations en début de concert, mais on n’a pas prévenu les invités ou néophytes que Le chant de la terre c’est une œuvre en six parties où l’on applaudit à la fin (et aussi une œuvre sur le sens de la vie, où on ne rit pas, ne bavarde pas ou ne tousse pas toutes les 20 secondes, mais ça c’est encore autre chose).
Résultat, la planète entière va avoir à la télévision Le chant de la terre de Mahler en provenance de Montréal façon tour de chant, où une partie de l’assistance fait la fête après chaque « chanson », comme on dit chez Apple ou Spotify. Détail ? Pinaillage ? Que non ! Outre le fait que cela enrage les mélomanes, qui risquent de se lasser d’aller au concert, et déconcentre les protagonistes, il faut songer aux efforts, aux moyens (financiers et autres) mobilisés pour générer et mettre sur pied ces projets de captations vidéos censés dorer l’image de l’OSM et de la métropole. C’est très cher payé la frilosité de ne pas donner quelques règles de conduite aux non initiés.
Mimiques
Puisque nous parlons du Chant de la terre, restons-y. Ce qu’on en retient, ce sont les couleurs mises en valeur par la direction de Rafael Payare, très en verve en deux endroits. D’abord le passage central du 4e mouvement (« De la jeunesse »). De toutes façons, comme dans le registre grave fortissimo on n’entend rien de Michelle DeYoung, le chef n’avait pas à se gêner à ce moment-là. Il y avait aussi le grand morceau de bravoure du milieu de « L’adieu », avec un traitement magistral des cuivres. Dommage, de manière générale, qu’il y avait peu de liant dans le continuum sonore des cordes graves entre violoncelles et contrebasses et que la cymbale était plutôt discrète.
Le problème de ce Chant de la terre était le choix des chanteurs avec un mot d’ordre qui les rassemblait : la qualité des mimiques ne fait aucunement la qualité ou pertinence du chant. Le ténor autrichien Nikolaï Schukoff participe à tout ; il accompagne de ses expressions faciales le jeu de l’orchestre, use de gestes étudiés, comme si plus aucun soupir de la partition n’avait de secret pour lui. Il a aussi la voix du rôle. C’est donc quasiment un gag d’entendre dans son expression vocale si souvent quasiment l’inverse de ce que le texte exprime ou signifie.
Il parle du « petit pont de jade » non comme quelque chose de fragile et poétique mais comme un hussard qui va seller son cheval et on est étonné de l’entendre égrener certaines phrases du 1er mouvement de manière si syllabiques. Schukoff attaque ainsi « Dunkel ist das Leben » (sombre est la vie) avec tant de dureté et de manière si inexpressive, alors que Mahler indique une nuance piano « sehr getragen » (c’est-à-dire assurément une attaque douce et un son qui enfle). Sur les trois occurrences de cette phrase clé, Schukoff ne chante la « bonne attaque » que la dernière fois. On passera aussi sur le fait que le chanteur presse le tempo ici et là. Bref, il a la vaillance mais, sauf dans le 5e volet (« L’ivrogne au printemps ») pas le contenu, malgré l’expressivité de la gestique.
Des femmes
Michelle DeYoung connaît son affaire, assurément. Elle avait fait forte impression dans l’enregistrement du Chant de la terre d’Eiji Oue à Minnesota paru en… 1999. Depuis lors, Michelle DeYoung est au Chant de la terre en Amérique du Nord ce qu’Emanuel Ax est au 1er Concerto de Brahms ou au 3e Concerto de Beethoven, c’est-à-dire une sorte de distribution « attendue et obligée » pour les institutions qui ne veulent pas se creuser la tête et faire « aussi bien que le voisin » (d’ailleurs, dans le genre, on va se coltiner le 3e de Beethoven, avec Ax, évidemment, l’an prochain).
Après plus d’un quart de siècle on peut se demander si c’est vraiment le rôle de l’OSM d’entrer dans une telle danse, surtout connaissant notre vivier vocal. Ce qui reste du Chant de la terre de Michelle DeYoung en 2025 culmine dans « L’adieu », car la chanteuse est à l’aise au centre de son registre et vers le haut et dans les nuances au dessus du mezzo-forte. Il manque désormais de la tonicité dans des passages plus ardents, de la ligne de chant dans « Le solitaire en automne » et du soutien sonore dans les pianissimos. Il y a encore de très belles choses, et, forcément, une vraie intelligence du texte, mais nous ne voyons aucune raison pour un orchestre canadien ou un chef comme Payare de ne pas tenter une autre distribution inventive et plus jeune.
On retiendra donc la première partie, puisque le concept de « terre » a amené l’OSM à penser aux Premières Nations. Après une déconcertante cérémonie du tambour en innu, deux œuvres ont été créées. Un cri s’élève en moi de Ian Cusson sur un texte de Natasha Kanapé Fontaine rend hommage aux femmes. Le principe de l’œuvre, très consonante, est de créer de grandes envolées sur ces paroles fortes (le concept de fécondation, puis la fin sur le pouvoir des femmes).
Mais c’est la partition d’Ana Sokolovic qui touchait au plus juste, œuvre vocale également. Alors qu’Élisabeth St-Gelais avait chanté Cusson, c’est Emma Pennell vivait le texte en Mi’kmaq, particulièrement poignant puisqu’il célèbre la mémoire des enfants victimes des pensionnats autochtones. Dans la tradition, la mort est une continuation de la vie, mais seulement si l’inhumation est appropriée. L’œuvre est donc un « tombeau » au sens le plus noble du terme, offrant un « espoir que ces enfants puissent quitter la Terre en paix ». Le tout était accompagné des dessins en direct de la poétesse Michelle Sylliboy.
C’est peu dire que le poids des mots et des sons était autour de la mémoire de ces enfants, mercredi.