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Dans une tribune, Didier Leschi, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), avait accusé Terra Nova de « néocolonialisme » : le think tank estimait dans une note que notre économie aurait besoin de 300 000 nouveaux travailleurs immigrés par an. Thierry Pech, directeur général de Terra Nova, et les auteurs de l'étude Hakim El Karoui et Juba Ihaddaden, lui répondent.
Didier Leschi, directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, a publié une réfutation de l’étude que nous avons réalisée sur l’immigration de travail. Faute d’avoir lu attentivement la note, il lui fait dire ce qui l’arrange. Il finit ainsi par se fabriquer un ennemi idéal et par faire passer pour des préférences idéologiques des conclusions issues d’un effort de description du réel à partir des statistiques publiques. Or pour définir et appliquer des politiques publiques efficaces, il faut accepter de voir ce que l’on voit. Voici un bref un inventaire des erreurs, contradictions et approximations.
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D’abord, et c’est essentiel, ce travail n’exprime pas une préférence. Il fait une prévision. Ce n’est pas Terra Nova qui, par conviction, souhaite faire venir 300 000 immigrés par an. C’est une analyse des données démographiques et économiques qui conduit à cette conclusion : la société française, son fonctionnement, son économie vont demander un apport de main-d’œuvre étrangère, y compris si l’extrême droite arrive officiellement au pouvoir. C’est très différent.
Didier Leschi écrit que « Terra Nova veut faire venir chaque année 300 000 travailleurs étrangers » ? Outre la confusion entre préférence et prévision, Didier Leschi confond ici entrées brutes d’immigrés et solde net de travailleurs étrangers. Le chiffre cité mesure les entrées brutes. Elles ne comprennent donc pas que des travailleurs. Inutile de nous faire la leçon sur le regroupement familial : nous y avions pensé ! Soit dit en passant, le surcroît réel de population serait, non pas de 300 000, mais de 110 000 à 165 000, c’est-à-dire un solde migratoire voisin de ce que nous avons connu entre 2016 et 2020. Ni plus, ni moins.
Ces 300 000 travailleurs étrangers viendraient du Maghreb et d’Afrique subsaharienne « puisqu’il est peu probable que les rédacteurs Hakim El Karoui et Juba Ihaddaden aient en tête la venue de ressortissants qualifiés de l’Union européenne », selon la formule de Didier Leschi ? Faux. Nous n’exprimons (ni ne cachons) aucune préférence quant à l’origine géographique ou culturelle des migrants. Qu’ils viennent d’Afrique, d’Asie, d’Europe ou d’ailleurs nous indiffère. C’est là un pur procès d’intention. Nous disons même que divers pays européens mettent en œuvre des politiques d’immigration de ressortissants venus d’Asie.
Discriminations au travail
Ces 300 000 travailleurs étrangers seraient des immigrés qualifiés ? Encore raté ! Nous écrivons que les besoins de l’économie française se situeront aux deux bouts de l’échelle. Les métiers en tension sont et seront à la fois des métiers peu qualifiés et des métiers très qualifiés. D’un côté, les métiers du care (garde d’enfants, soin aux personnes âgées, etc.), certains métiers du BTP ou de l’hôtellerie-restauration ; de l’autre, les métiers de la santé (médecins, infirmiers…), de l’informatique… et des prêtres catholiques.
Didier Leschi s’interroge ensuite : pourquoi faire venir de la main-d’œuvre étrangère alors que nous avons des millions de chômeurs ? Nous étions accusés de vouloir faire venir des immigrés qualifiés et voilà qu’il nous oppose des chômeurs qui sont en majorité peu qualifiés (seuls 5 % des bac + 2 sont au chômage contre 14 % de ceux qui n’ont aucun diplôme). Passons.
Le taux de chômage est aujourd’hui de 7,4 % Si nous étions au plein-emploi (5 % ou moins), il y aurait encore environ 1,5 million de chômeurs. Près d’un million de personnes sont ainsi disponibles pour travailler et ne trouvent pas de travail. C’est significatif mais certainement pas à la hauteur du problème que nous cherchons à résoudre : tenir la population active à un niveau tel que le ratio actifs/inactifs se maintienne au niveau où il se trouve aujourd’hui. Car la population active pourrait se vider de 3 à 5 millions de personnes d’ici 2070 tandis que le nombre d’inactifs augmentera, lui, de plusieurs millions (les plus de 70 ans pourraient être 5 millions de plus…).
Même en mettant au travail 2 millions de personnes en plus, chacun peut aisément comprendre qu’on ne répondrait pas aux besoins. Idem si l’on poussait l’âge légal de départ à la retraite à 66 ans (ce qui revient aussi à augmenter le nombre d’actifs)… Idem encore si l’on alignait le taux de chômage des immigrés sur celui des natifs : cela ne « rapporterait » que 150 000 travailleurs en emploi de plus. À ce titre, il faudrait d’ailleurs que le gouvernement s’attaque au fléau de la discrimination dans l’accès au travail dont sont victimes les immigrés et leurs enfants : elle est parfaitement documentée, crée du désespoir chez ceux qui la subissent… et n’intéresse personne.
Armée de réserve ?
Les chiffres sont têtus : s’il est très important de faire baisser le chômage et plus largement d’accroître le volume de la population en emploi, c’est à l’évidence tout à fait insuffisant pour stabiliser le ratio actifs/inactifs en longue période.
D’autant que l’on peut avoir simultanément du chômage et des pénuries de main-d’œuvre, soit que les actifs ne veuillent pas prendre certains emplois, soit qu’ils n’aient pas les formations nécessaires. C’est la situation dans laquelle nous nous trouvons. L’analyse des emplois occupés par les immigrés montre d’ailleurs souvent la complémentarité plutôt que la concurrence avec les natifs. Enfin, nous avons de nombreux exemples en Europe de pays entrés plus tôt dans « l’hiver démographique » et qui, bien qu’au plein-emploi, font venir des travailleurs immigrés en grand nombre pour satisfaire leurs besoins économiques et sociaux. Selon Eurostat, en 2023, en nombre de personnes pour 1 000 habitants, le solde migratoire italien est deux fois supérieur au nôtre, celui de l’Allemagne quatre fois supérieur au nôtre, celui de l’Espagne six fois…
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Didier Leschi nous oppose enfin le vieil argument marxiste selon lequel l’immigration sert d’armée de réserve au capitalisme pour faire baisser les salaires ouvriers. De deux choses l’une : soit les immigrés travaillent beaucoup moins que les autres, ce que déplore Didier Leschi, et alors ils ne pèsent que marginalement sur le niveau des salaires ; soit ils font peser sur le marché du travail une offre assez massive pour déprimer les salaires, mais alors il faut renoncer à les décrire comme des populations structurellement en marge du travail. La vérité est que, beaucoup d’entre eux travaillant dans des métiers en tension, les immigrés ne risquent pas tellement de faire baisser les salaires : les difficultés de recrutement, voire les pénuries pourraient au contraire les tirer à la hausse.
Repenser l'intégration
Didier Leschi cite enfin le Japon comme exemple de pays qui a refusé de faire appel à l’immigration de travail pour compenser la contraction de sa population active. L’archipel, qui perd désormais près de 600 000 habitants par an, a en effet longtemps refusé de recourir à l’immigration. Mais la contrepartie a été une dégradation rapide des conditions de vie des plus âgés. L’âge effectif moyen de départ à la retraite y est aujourd’hui de 68,5 ans pour les hommes et 67 ans pour les femmes. Près de 10 millions de Japonais de plus de 65 ans cumulent emploi et retraites et 20 % sont sous le seuil de pauvreté. Dans le même temps, les pénuries de main-d’œuvre n’ont jamais été aussi fortes : 60 % des PME signalent des manques de personnel. Des tensions qui, ajoutées à une dépression de la demande intérieure (beaucoup préfèrent épargner pour leurs vieux jours que consommer ou investir), pénalisent l’activité : la croissance est faible et fragile (0,1 % en 2024…). Résultat, contrairement à ce que suggère Didier Leschi, le Japon a fini par se convertir à l’immigration de travail : le pays compte aujourd’hui 2,3 millions de travailleurs étrangers contre moins de 0,5 million en 2008, et ce chiffre connaît des croissances à deux chiffres ces dernières années.
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Cet exemple n’est pas isolé. Tous les pays vieillissants ou presque se tournent vers l’immigration de travail quelle que soit la couleur politique de leur gouvernement. La coalition CDU/SPD en Allemagne, les socialistes en Espagne, l’extrême droite en Italie ou en Hongrie… Et les contre-exemples habituels du Danemark ou du Royaume-Uni ne tiennent pas : ces deux pays n’ont décidé de réduire l’immigration qu’après avoir accueilli des flux entrants massifs pendant plusieurs années. Le Royaume-Uni a enregistré plus de 1, 2 millions d’entrées en 2023 ! Et le Danemark a un solde migratoire pour 1 000 habitants supérieur au nôtre depuis 10 ans. Face à cette réalité, il serait temps de mettre en œuvre des politiques d’intégration sérieuse qui aujourd’hui n’existent tout simplement pas : mis à part les demandeurs d’asile, les nouveaux arrivants s’installent toujours dans les mêmes endroits où les services publics sont défaillants. On laisse les maires se débrouiller face à des difficultés que nous ne sous-estimons pas, bien au contraire.
Reste l’accusation de politique néocoloniale. Didier Leschi nous accuse de vouloir voler les cerveaux de pays en mal de développement. C’est grotesque. Nous disons au contraire qu’il va falloir repenser les politiques migratoires de fond en comble. Face aux besoins des pays du Nord, les pays du Sud auront d’ailleurs un levier de négociation puissant. Il nous faudra mettre en place des stratégies de coopération plus avancées, notamment pour participer aux coûts de formation de la main-d’œuvre qualifiée et aligner les intérêts du Nord et du Sud. Ce sera le sujet d’un prochain travail.