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  • « Un désastre » : l’arrêt de "Questions pour un champion" en semaine suscite l’indignation

L’émission de France Télévisions Questions pour un champion, lancée en 1988, ne sera plus diffusée en semaine et se cantonnera au week-end. Ce changement, qui aura lieu à la rentrée, marque la fin d’une époque pour de nombreux téléspectateurs, attachés à leur rendez-vous quotidien de culture générale.

Delphine Bancaud - Aujourd'hui à 20:01 - Temps de lecture :

Après plusieurs décennies de présence quotidienne sur les écrans, Questions pour un champion ne sera plus diffusée en semaine sur France 3. Capture d'écran YouTube/QPUC

Après plusieurs décennies de présence quotidienne sur les écrans, Questions pour un champion ne sera plus diffusée en semaine sur France 3. Capture d'écran YouTube/QPUC

« L’arrêt de cette émission culte et culturelle en semaine est un scandale », fulmine Danielle, 77 ans, de Riedisheim (Haut-Rhin). Les fans de Questions pour un champion ne se remettent pas de l’annonce de France Télévisions en juin de cesser la diffusion quotidienne de ce programme dès la rentrée, même si l’émission sera maintenue le week-end sur France 3. Diffusé depuis 1988 et animé depuis 2008 par Samuel Étienne, « ce jeu est une institution. Et sa suppression en semaine est une vraie déflagration », tempête Dominique, 67 ans, de Sury-le-Comtal (Loire). Une pétition, rassemblant déjà presque 49 000 signatures mercredi soir, a été lancée pour demander le maintien de l’émission.

Nos lecteurs n’ont pas de mots assez forts pour exprimer leur colère : « C’est un désastre de nous priver de cette bouffée d’oxygène ! », s’époumone Brigitte, 84 ans, d’Illkirch-Graffenstaden (Bas-Rhin). « C’est une défaite face aux sirènes de la bassesse et un refus d’assumer la mission première du service public : le maintien d’une qualité de programmation », fustige aussi Corentin, 41 ans, d’Amiens (Somme).

Plusieurs générations à l’unisson

Une déception à la hauteur du plaisir qu’ils ont à se plonger tous les soirs devant leur petit écran : « Avec ma compagne, nous regardons quasiment tous les jours ce programme. Il permet d’entretenir notre mémoire et notre agilité intellectuelle, tout en acquérant de nouvelles connaissances », explique François, 72 ans, de Saint-Martin-d’Uriage (Isère). Un loisir partagé et intergénérationnel pour Pascale, 59 ans, de Waldolwisheim (Bas-Rhin) : « C’est un moment de culture générale partagé avec ma mère de 84 ans. Elle l’attend avec impatience. En supprimant cette émission en semaine, la direction de France Télévisions isole complètement les personnes âgées. » Jean-Pierre, 71 ans, de Cormatin (Saône-et-Loire) renchérit : « Je pense aux milliers de personnes âgées des Ehpad qui attendent cette émission. Sans doute sera-t-elle remplacée par un feuilleton stupide. »

Mais la disparition de Questions pour un champion (QPUC) en semaine n’attriste pas que les seniors. « Ce n’est pas un jeu, c’est une ouverture sur le monde, un phare culturel. Il permet un accès à la culture générale », s’enflamme ainsi Clément, 28 ans, de Grury (Saône-et-Loire). « Le jeu est assez populaire chez les plus jeunes, notamment grâce à Samuel Étienne, présent sur Twitch et au streamer Étoiles, qui y a participé », souligne Jeanne, 37 ans, de Montbard (Côte-d’Or).

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« On privilégie des émissions d’une bêtise stupéfiante »

Camille, 33 ans, qui vit en Allemagne, apprécie aussi le programme : « Les questions balayent des thèmes variés, parfois ce sont des thèmes classiques (les rois de France, la mythologie…) et parfois plus originaux (les sportifs, la gastronomie). »

Si la direction de France Télévisions a justifié son choix par des contraintes budgétaires, l’argument ne passe pas. « Je comprends que France Télévisions doive faire des économies, mais je pense que l’on peut toucher à d’autres émissions moins importantes », estime Clément, déjà cité. Marie-Reine, 77 ans, d’Oderen (Haut-Rhin), enfonce le clou : « Tout ce qui est culturel n’est plus au goût du jour. On privilégie des émissions d’une bêtise stupéfiante, mais qui semblent plaire. Alors haro sur la réflexion, la lecture, la culture. Pauvre France ! »

Une « manœuvre » pour supprimer le programme ?

Chez Dominique, déjà cité, la colère gronde : « France Télévisions n’écoute pas ses téléspectateurs et sous prétexte de rajeunir ses programmes supprime le jeu le plus difficile et le plus regardé. Madame Ernotte [la présidente de France Télévsisions, NDLR], écoutez la voix du peuple regardez autour de vous : il y a des clubs de QPUC dans toute la France. C’est un signe non ? », interroge-t-il.

Certains voient dans cette déprogrammation en semaine un mauvais présage, à l’instar de Nicole, 71 ans, de Saint-Vincent-la-Commanderie (Drôme) : « Réduire QPUC à une diffusion le week-end va vraisemblablement conduire à faire baisser l’audience, puis à supprimer purement l’émission. Une manœuvre pour la faire oublier. »

Pour beaucoup, l'émission reste associée à son présentateur historique (de 1988 à 2016) Julien Lepers, remplacé par Samuel Étienne. Photo d'archives Sipa/Benaroch

« L’émotion est vive parce qu’on touche à une dimension affective et nostalgique »

Lien historique et intergénérationnel, ancrage local… Céline Ségur, enseignante-chercheuse à l’Université de Lorraine et spécialiste de l’audiovisuel, décrypte les raisons de l’attachement des Français à Questions pour un champion.

Pourquoi y a-t-il un tel attachement à Questions pour un champion, dont la fin de la diffusion en semaine fait beaucoup réagir ?

« L’attachement est très profond car, pour un très grand nombre de téléspectateurs, l’émission fait partie de l’identité, de la mémoire de la télévision. Questions pour un champion appartient à ce type de programmes dont on a l’impression de les avoir toujours connus et… qu’on aurait imaginé ne jamais voir disparaître. Son succès tient aussi dans le fait qu’il remplit les trois objectifs originels de la création de la télévision en France : informer, éduquer et divertir. »

L’émission a-t-elle une dimension intergénérationnelle ?

« Oui, parce qu’elle existe depuis longtemps, elle ravive chez certains des souvenirs d’enfance, d’adolescence. Des moments figés où on visionnait l’émission avec ses parents, avec ses grands-parents qui, parfois, ne sont plus là. L’émotion est vive parce qu’on touche ici à une dimension affective et nostalgique. »

« C’est un monument du patrimoine culturel français qui s’écroule »

Elle a aussi une dimension locale…

« L’émission venait chercher ses candidats aux quatre coins du territoire français, ce qui créait de facto du lien à l’échelle nationale. Aussi, des groupes scolaires de toutes provenances étaient invités à assister à l’émission dans le public. Le programme avait su se détacher d’une image parisienne qui aurait pu lui être reprochée. Il faut aussi savoir que, partout en France, il existe des clubs Questions pour un champion où les participants se réunissent, s’entraînent, s’amusent et créent du lien. C’est un monument du patrimoine culturel français qui s’écroule et, avec lui, des traditions qui sont menacées. Les changements sont toujours difficiles à vivre. »

On parle de la télévision publique… ça amplifie l’indignation ?

« La télévision publique, ce sont nos chaînes à tous, il y a un rapport particulier des Français au service public. Ils en attendent beaucoup, à juste titre, et notamment qu’il nous cultive et ne cède pas à la tentation de spectacularisation que l’on peut observer sur des chaînes privées. Avec la déprogrammation de Questions pour un champion, c’est l’espace donné à la culture qui diminue. »

Propos recueillis par Étienne Ouvrier