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FIGAROVOX/TRIBUNE - Le rejet par le Sénat de l’impôt plancher sur la fortune, dit taxe Zucman, est une bonne nouvelle, argumente le professeur de droit fiscal Frédéric Douet. Mais son soutien par une partie de la classe politique témoigne de la déconnexion de celle-ci, ajoute-t-il.
Passer la publicité Passer la publicitéFrédéric Douet est professeur à l’Université Rouen-Normandie.
La loi sur l’impôt plancher sur la fortune (IPF) qui a été rejetée par le Sénat le 12 juin dernier en dit long sur l’état d’esprit de ceux qui l’ont portée et votée. À les écouter, le taux d’imposition des contribuables français ayant un patrimoine supérieur à 100 millions d’euros serait outrageusement faible. Il suffirait donc de soumettre leur fortune à un impôt plancher de 2 % dans l’espoir de récupérer 20 milliards d’euros par an. Pour séduisant qu’il puisse être, le raisonnement de nos révolutionnaires en peau de lapin ne résiste pas à l’analyse. Il est inquiétant que ceux-ci soient parvenus à entraîner dans leur sillage un certain nombre de parlementaires.
Tout d’abord, l’IPF est symptomatique d’un mal français endémique. Il reflète une pensée politique stérile dont l’impôt est l’alpha et l’oméga. Cela rappelle Gamelin d’Anatole France, triste sire auquel celui-ci prête la pensée suivante dans Les Dieux ont soif : «Gamelin réclama de nouveau la taxe comme le seul remède à ces maux». L’IPF pourrait être entendable à condition de servir un projet structuré. Or rien sur la réforme de l’État et des collectivités territoriales, la lutte contre les fraudes fiscale et sociale et sur les principales préoccupations des Français, à savoir la sécurité, l’éducation et le pouvoir d’achat. De plus, il faut faire preuve d’un certain angélisme pour croire que 20 milliards d’euros de recettes supplémentaires permettraient à la France de sortir de l’ornière dans laquelle elle s’enlise chaque jour davantage. Cela pèse peu par rapport à une dette publique de plus de 3 300 milliards d’euros, une charge budgétaire de cette dette d’environ 60 milliards d’euros et un déficit public de l’ordre de 175 milliards d’euros en 2025.
L’idée est que les contribuables concernés détiendraient des sociétés holdings qui feraient office de tirelire dans laquelle ils pourraient puiser en franchise d’impôt. Cette approche est erronée. Les utiliser à des fins personnelles est répréhensible pénalement et fiscalement
Ensuite, les partisans de l’IPF sont démocrates, mais uniquement avec ceux qui adhèrent à leur narratif. Preuve en est qu’ils ont diffusé sur les réseaux sociaux la liste des sénateurs ayant voté contre cet impôt. Ces méthodes totalitaires traduisent un profond mépris du jeu démocratique. Selon leur petite musique complaisamment reprise par bon nombre de médias, les parlementaires en question feraient le jeu des hyper-riches en s’opposant à un impôt qui serait symbolique de la lutte contre les inégalités. L’idée est que les contribuables concernés détiendraient des sociétés holdings qui feraient office de tirelire dans laquelle ils pourraient puiser en franchise d’impôt. Cette approche est erronée. Elle omet de tenir compte de la personnalité morale de ces sociétés. Les utiliser à des fins personnelles est répréhensible pénalement et fiscalement. En dehors des cas relativement marginaux d’abus de biens sociaux, les sommes distribuées font l’objet d’un phénomène de double imposition. Elles sont d’abord soumises à l’impôt sur les sociétés entre les mains de la société, puis à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux entre celles de leurs bénéficiaires. Cela permet de comprendre que l’IPF méconnaît le principe d’égalité devant les charges publiques proclamé par l’article 13 de la Déclaration de 1789, principe dont découle l’exigence constitutionnelle de prise en compte des facultés contributives. En effet, il reviendrait à imposer les actionnaires à raison de sommes dont ils n’ont pas la libre disposition.
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Enfin, les chantres de l’IPF rabâchent ad nauseam que la courbe de Laffer – théorie selon laquelle trop d’impôt tue l’impôt – serait une vue de l’esprit. En divisant son produit espéré (20 milliards d’euros) par le nombre de contribuables concernés (1 800), cela représente plus de 11 millions d’euros par foyer et par an, de quoi songer à s’exiler vers des cieux fiscaux plus cléments. Nos Robespierre en culottes courtes n’apprennent jamais de leurs erreurs ni de celles des autres. En voulant taxer les riches, le Royaume-Uni a fait fuir 4 400 dirigeants et 110 milliards de dollars. Le même phénomène s’est produit en 2021 en Norvège après une légère hausse de l’impôt sur la fortune. Les ultra-riches vivent dans un monde ouvert. Preuve en est également la taxe sur les yachts qui a péniblement rapporté 60 000 euros en 2024 alors que les prévisions de recettes étaient de 10 millions d’euros par an. S’il avait vu le jour, l’IPF aurait été rebaptisé l’Invitation à Partir de France, tout comme en son temps l’ISF qui était devenu l’Invitation à Sortir de France. La conclusion de ce psychodrame est que la passion triste pour l’argent des autres est un luxe de pays riche dont la France n’a plus les moyens. Il est temps de sortir des débats clivants et de la stigmatisation et de préférer le pragmatisme fiscal. Il s’agit d’une cause nationale qui transcende le petit théâtre politico-médiatique. Si la France ne se réforme pas volontairement, elle pourrait être contrainte de le faire dans la douleur si d’aventure elle se retrouvait sous la tutelle du FMI. L’actuel locataire de l’Élysée ne dispose plus du temps suffisant. Il reste à espérer que les candidats à sa succession prennent l’entière mesure de la tâche qui les attend.