Les exercices militaires Han Kuang 2025 de Taïwan dureront deux fois plus longtemps que les années précédentes et, pour la première fois, simuleront des réponses aux tactiques dites « de zone grise » du régime chinois qui, selon les responsables de Taipei, pourraient précéder une invasion à grande échelle.

Lors d’une conférence de presse tenue le 1er juillet, le général de division Tung Chi-hsing, directeur de la Division de planification des opérations conjointes du ministère de la Défense nationale de Taïwan, a déclaré que les exercices de tir réel de cette année se dérouleraient du 9 au 18 juillet, ce qui représente une extension significative par rapport au format habituel de cinq jours et quatre nuits.

M. Tung a déclaré que les exercices commenceront par un scénario simulé de « harcèlement en zone grise », qui, en cas de conflit réel, déclencherait les protocoles de transition de Taïwan de la paix à la guerre. Il s’agit notamment d’activer la préparation au combat d’urgence et de modifier le dispositif opérationnel conformément aux procédures de temps de guerre.

Dans le contexte des tensions entre la Chine et Taïwan, le terme « zone grise » désigne les actions qui ne constituent pas une guerre ouverte, mais qui visent à atteindre des objectifs stratégiques en recourant à des pressions et à des provocations. Le département américain de la Défense décrit ces activités comme se déroulant dans un espace « ni totalement en guerre, ni totalement en paix ».

Bien que Pékin n’ait pas officiellement adopté la terminologie « zone grise » dans sa doctrine militaire, il utilise des concepts connexes dans le cadre de sa stratégie des « trois guerres » (guerre juridique, guerre psychologique et guerre de l’opinion publique) depuis début 2003.

Un exemple concret est celui de l’Armée populaire de libération (APL) qui envoie régulièrement des avions militaires dans la zone d’identification de défense aérienne de Taïwan, obligeant Taipei à déployer des avions de chasse en réponse. Certains analystes affirment que cette stratégie vise, au moins en partie, à épuiser les ressources de l’île et à désensibiliser la population taïwanaise aux activités militaires chinoises, ce qui pourrait, à son tour, saper le soutien public aux dépenses de défense.

M. Tung a décrit les tactiques de zone grise pour les prochains exercices comme englobant la guerre juridique, la tromperie, les provocations et les tentatives d’épuisement des ressources militaires taïwanaises.

« Chacune de ces mesures est une action que le Parti communiste chinois pourrait mener contre Taïwan avant d’entrer en guerre », a-t-il déclaré aux journalistes.

Après la simulation de zone grise, l’exercice passera à une phase d’invasion simulée, comprenant un assaut amphibie simulé de l’APL à travers le détroit de Taïwan. À partir du 13 juillet, les forces taïwanaises s’entraîneront à assurer une supériorité aérienne partielle, à intercepter des frappes de missiles, à exécuter des contre-attaques de précision et à repousser les débarquements ennemis sur des points côtiers clés, a déclaré M. Tung.

Selon M. Tung, la dernière partie de l’exercice simulera une phase de « défense en profondeur » au cours de laquelle l’APL poussera vers l’intérieur des terres. Les troupes taïwanaises devront alors établir des zones de défense à plusieurs niveaux en utilisant le relief naturel et les structures urbaines afin d’empêcher les envahisseurs d’accéder aux infrastructures critiques telles que les ports, les aéroports et les renforts débarqués.

Outre les opérations de combat, l’exercice comprendra des mesures de défense civile telles que l’évacuation en cas de raid aérien, les opérations de sauvetage et la mise en place d’abris, autant d’efforts visant à renforcer ce que M. Tung a qualifié de « résilience défensive de l’ensemble de la société ».

Les propos de M. Tung interviennent alors que le président taïwanais Lai Ching-te a entamé une tournée nationale de conférences afin de rallier l’unité publique face à l’agressivité croissante du Parti communiste chinois (PCC). Bien que le PCC n’ait jamais gouverné Taïwan, il proclame que Taïwan est une province rebelle chinoise et s’est engagé à unir l’île démocratique au continent autoritariste.

M. Lai prévoit de prononcer 10 discours, qui ont débuté le 22 juin et qui se poursuivront dans les semaines à venir. Dans les trois premiers, il a appelé à l’unité entre deux groupes démographiques clés : la jeune génération, qui s’identifie de plus en plus uniquement comme taïwanaise et rejette tout lien avec la Chine, et la génération plus âgée, dont beaucoup ont fui la Chine pendant la guerre civile chinoise et ont tendance à s’identifier à la République de Chine, qui est le nom officiel de Taïwan.

Au fil des ans, le PCC a cherché à exploiter l’identité chinoise persistante chez les Taïwanais plus âgés afin de promouvoir la réunification sous le régime communiste. Mais M. Lai, dont le Parti démocratique progressiste tire l’essentiel de son soutien des électeurs qui s’identifient fortement comme Taïwanais, s’est opposé à ces tactiques et a mis en garde les citoyens contre le risque de se laisser séduire par le programme de Pékin.

« Ceux qui s’identifient à Taïwan doivent défendre Taïwan, et ceux qui s’identifient à la République de Chine doivent résister au PCC », a déclaré M. Lai dans son deuxième discours.