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Tout commence là. Des êtres frêles qui ne savent rien du monde, mais en portent déjà à la fois la violence et la tendresse, toute la charge invisible. Ce sont des bébés, oui. Mais peut-être - et c’est là l’intuition bouleversante du film - sont-ils déjà ces petits personnages vus dans les autres films des frères Dardenne. Déjà Igor, déjà Rosetta, déjà Lorna ou Cyril. Avant l’abandon. Avant la fuite. Avant l’exil. Avant l’effondrement.
Jeunes mères est comme une genèse. On comprend soudain, dans un frisson étrange, que ces nourrissons sont peut-être les mêmes que ceux que l’on a connus jusqu’alors dans leurs films, errant dans les friches de Seraing, courant entre les ruines sociales, les poings serrés et le cœur en vrac. Car tous les personnages des Dardenne semblent venir de là : d’un amour hésitant, d’un geste fragile, d’une origine blessée mais vivante. D’une maternité précaire.
Quand tout commence
Ce film serait un peu le retour au point de départ des histoires qu’ils ont filmées jusqu’ici. Le chant d’ouverture de toute leur œuvre. On ne regardera plus Rosetta qui avait révélé Émilie Dequenne comme avant après avoir vu Jeunes mères. On imagine le bébé qu’elle fut, son corps qu’on apprenait à tenir, sa tête qu’il fallait soutenir, les bras qui l’ont un jour bercée… ou pas.
Tout se passe comme si les frères Dardenne invitaient à regarder ici à ce qui a précédé, dans un film matriciel de leur cinéma qui a toujours raconté l’enfance et l’adolescence fragiles, blessées, le déterminisme social qui va avec. La prédisposition au premier cri de la vie. Et cet avant a le visage endormi d’un nourrisson blotti contre une jeune mère encore incertaine d’elle-même. Elles sont cinq, dans leur film, adolescentes ou jeunes filles devenues mères sans y être tout à fait prêtes, et que l’on voit apprendre non pas à jouer la maternité, mais à l’apprivoiser et à la vivre. Le devenir-mère.
Les bébés, maîtres de la narration
La mise en scène épouse leur maladresse comme une grâce. Rien n’est figé, tout est mouvant. Chaque scène semble être un miracle arraché à l’imprévu. Car ici, le réel est un partenaire exigeant du cinéma : un bébé pleure, et le récit vacille. Il faut attendre. S’adapter. Renaître avec lui. Jeunes mères filme la vie, non comme une ligne droite, mais comme une respiration heurtée. Un hoquet d’émotion.
Les bébés, filmés sans artifice, deviennent les maîtres de la narration. Par leurs gestes inécrits par le scénario, leurs larmes impromptues, leurs sourires esquissés. Chaque scène, chaque plan semble suspendu à leur naturelle incertitude. Et dans cette instabilité - dans cette vérité organique - les Dardenne trouvent la pulsation exacte de ce qu’est devenir mère : une inquiétude incessante, un amour maladroit, un instinct qui surgit sans mode d’emploi.
Luc et Jean-Pierre Dardenne abandonnent ici leur légendaire et précis contrôle au profit d’un lâcher-prise. Moins de prises, plus d’attente. Moins de maîtrise, plus d’acceptation. Le chaos de la naissance y est accueilli avec douceur, la fiction y devient perméable au vivant. Le cinéma, enfin, cède la place à la vie.
Et peut-être est-ce cela, le miracle de Jeunes mères : faire du tout-petit non pas un sujet filmé, mais un acteur du monde. Un être de cinéma et un commencement d’humanité. Chaque pleur y devient une réplique. Chaque regard, une révélation. Et chaque silence, un manifeste. Les Dardenne ont osé remonter à l’origine. Et dans cette origine, il y a la peau chaude d’un bébé. Il y a l’inquiétude d’un bras jeune. Il y a l’idée vertigineuse que peut-être, tout ce que l’on devient, nous l’avons été dès les premières secondes. Notre destin.
Jeunes mères de Luc et Jean-Pierre Dardenne, en salles dès ce vendredi 23 mai. Durée : 1 h 45.