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Soigner sa pénurie d’infirmières aux dépens des Philippines

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Pour beaucoup de membres du personnel infirmier des Philippines, la profession est un passeport vers l’étranger.

Formés dès le départ pour travailler à l’international, ils répondent aux appels de pays comme le Canada, en quête de renforts pour leur système de santé. Or, derrière les promesses de recrutement, un grand nombre d’entre eux se retrouvent seuls face à un parcours semé d'embûches administratives.

Le recrutement international s’est intensifié depuis la pandémie, et les Philippines font maintenant face à leur propre pénurie de personnel infirmier.

Pour ceux qui choisissent de rester, la charge de travail ne fait que s’alourdir. Les infirmières et les infirmiers sont épuisés, et beaucoup quittent la profession.

Prêts à l’embauche

Prêts à l’embauche

Prêts à l’embauche

15 avril 2025

C’est la dernière journée de cours à l'Université Philippine National avant la Semana Santa (la Semaine sainte), le congé national consacré aux célébrations pascales.

Mais ce n’est pas parce que les vacances approchent que les étudiants en soins infirmiers sont dispensés de cours. Ce jour-là, Andrea Magaling, professeure en sciences infirmières, enseigne à ses étudiants comment repérer les symptômes d’une pneumonie.

Debout à l’avant de la classe, elle sollicite leur participation. Qui peut me décrire les symptômes de la pneumonie?

Silence. Aucune main ne se lève.

Ils sont timides, dit-elle en riant. Sans se laisser démonter, elle désigne une étudiante pour lire la réponse affichée sur le tableau blanc.

Andrea Magaling dans une salle de classe aux Philippines, en mai 2025.La présentation Powerpoint d’Andrea Magaling n’est pas en filipino, la langue principale des Philippines, qui est un dérivé du tagalog, mais plutôt en anglais. Photo : Radio-Canada / Laurence Taschereau

Les cours sont donnés en anglais, un choix assumé à la National University, où l’ensemble du programme en sciences infirmières suit cette ligne directrice.

L’établissement privé mise sur une approche résolument tournée vers l’international. Son ambition est de former des infirmiers prêts à l’embauche sur le marché mondial.

Nous utilisons à la fois des manuels philippins et étrangers, précise Maria Lourdes Banaga, rectrice du département de la santé et des sciences. Et nous préparons nos étudiants à des examens reconnus à l’échelle mondiale.

Tous ces étudiants que vous voyez là, s’ils veulent devenir infirmiers, c’est pour partir au Canada, aux États-Unis ou au Royaume-Uni, confie Maria Lourdes Banaga, en désignant la cinquantaine d’étudiants assis sagement devant elle.

Pour tester ses propos, nous lançons la question à la classe : Qui ici rêve de travailler à l’étranger? Presque toutes les mains se lèvent, sans hésitation.

Un étudiant me demande, mi-figue, mi-raisin : Est-ce que vous êtes venue pour nous recruter pour le Canada? La salle éclate de rire. Une plaisanterie légère, mais révélatrice d’un désir bien réel : celui de partir.

Faire son devoir avant de partir

Ces dernières années, plusieurs provinces des Prairies canadiennes ont intensifié leurs initiatives en matière de recrutement dans l’archipel d’Asie du Sud-Est.

La Saskatchewan a été l'une des premières provinces à mettre en place un programme structuré pour recruter du personnel infirmier philippin. Depuis 2022, la province a mené deux missions de recrutement à Manille et à Cebu, offrant plus de 400 postes aux infirmières diplômées philippines.

L'Alberta lui a emboîté le pas en signant, en 2022, un protocole d'entente avec le gouvernement philippin pour faciliter le recrutement d'infirmières. Bien que Services de santé Alberta n'ait pas organisé de mission de recrutement ces dernières années, il a lancé plusieurs campagnes de recrutement numérique, comme le confirme le ministère de la Santé de l’Alberta. Selon l’Ordre des infirmières et infirmiers autorisés de l'Alberta, 40 % des candidats internationaux sont d’origine philippine.

Des délégations du Manitoba ont aussi effectué des voyages de recrutement. Le gouvernement manitobain indiquait en 2023 qu’il avait octroyé des lettres d’intention à près de 190 infirmières.

En 2024, les provinces canadiennes auraient recruté 339 infirmières philippines, d'après des données fournies par le Département des travailleurs migrants des Philippines, ce qui place le Canada au cinquième rang des plus grands recruteurs d’infirmières philippines, devant les États-Unis, mais tout de même loin derrière l’Arabie saoudite et Singapour.

Le Département des travailleurs migrants précise que le portrait pourrait être sous-estimé et fait l'objet d'une évaluation finale.

Les pays recruteurs sont plus entrepreneurs qu’avant [la pandémie], car ils ont leurs propres difficultés, mais nous aussi, nous avons ces problèmes, souligne Jocelyn Andamo.

Portait de Jocelyn Andamo,aux Philippines, en mai 2025.Jocelyn Andamo est la secrétaire générale de la Filipino Nurses United (Fédération des infirmières philippines) et une figure connue du militantisme pour les droits des travailleurs de la santé aux Philippines.  Photo : Radio-Canada / Laurence Taschereau

Les données de l'Organisation mondiale de la santé montrent que les Philippines compte environ 48 infirmières ou sages-femmes pour 10 000 habitants. Pour le Canada, cette proportion est deux fois plus importante, soit 96 pour 10 000.

« En réalité, les hôpitaux dépassent largement leur capacité d’accueil autorisée. Il y a un grave manque de personnel de santé. »

Jocelyn Andamo a travaillé pendant plus de 40 ans comme infirmière, principalement dans des milieux ruraux de son pays, où l’accès aux soins de santé est très limité. Elle a été une témoin de première ligne de l’impact du manque de travailleurs de la santé. Dans les hôpitaux publics, il y a de longues files de patients, et certains restent aux urgences pendant des jours, des semaines, voire des mois, car ils ne peuvent pas être admis, les lits étant tous occupés.

En 2023, la sous-secrétaire au ministère de la Santé, Maria Rosario Vergeire, tirait la sonnette d’alarme, affirmant qu’il manquait environ 350 000 infirmiers à travers le pays.

Le problème des Philippines ne s'est pas posé du jour au lendemain et il n'est pas apparu uniquement à cause du Canada. Il s'agit d'un problème de longue date, de politiques qui promeut l'immigration, précise Ivy Bourgeault.

Un bus recouvert de décoration dans une rue avec beaucoup de monde, à Manille, aux Philippines en mai 2025.

L’espoir comme moteur de départ

La capitale du pays, Manille, avec ses 15 millions d’habitants, est dynamique, mais bruyante. Les klaxons des jeepney, ces minibus colorés qui font office de transport en commun, se mêlent aux appels des vendeurs ambulants et aux moteurs des motos, dont le bruit trahit un besoin urgent d’entretien.

Le béton, omniprésent, exacerbe la chaleur écrasante de l’été qui débute. Entre les immeubles serrés, la ville semble étouffer sous son propre poids.

Dans les rues, certains enfants dansent et rient tandis que leurs parents s’affairent aux stands de nourriture. D’autres n’ont pas le luxe de pouvoir jouer. Ce sont des enfants de la rue.

En fait, la pauvreté ne fait aucune distinction. Dans ce pays où le filet social est quasi inexistant, elle frappe les jeunes comme les vieux. Selon un rapport de la Banque mondiale, près de 20 millions de Philippins vivent sous le seuil international de pauvreté, fixé à 2,25 dollars américains par jour.

C’est cette réalité qui pousse nombre d’entre eux à quitter le pays. 

Et si le désir de partir n’est ni caché ni mal vu, c’est parce qu’il s’accompagne souvent d’un engagement tacite : celui d'être utile à son pays d’abord.

C’est cette conviction qui retient encore Joseph Matthew Sanchez aux Philippines. Infirmier dans la vingtaine, il travaille au département des maladies infectieuses de l’Hôpital national pour enfants, en plein cœur de Manille.

Joseph Matthew en tenue d'infirmier avec un masque, dans une salle d'hôpital pour le personnel infirmier, à Manille, aux Philippines, en mai 2025.Joseph Matthew Sanchez prépare les médicaments prescrits à ses jeunes patients, souvent des enfants atteints de maladies infectieuses comme la tuberculose pulmonaire, la varicelle ou encore le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).  Photo : Radio-Canada / Laurence Taschereau

Il n’a pas encore de date précise en tête, mais il espère entreprendre bientôt les démarches pour partir à l’étranger.

Je vois sur Internet la différence de salaire, et c’est ce qui me pousse à vouloir partir. Je veux pouvoir aider ma famille financièrement, confie-t-il.

Mais, cela ne veut pas dire que je n’aime pas mon pays, ajoute Joseph Matthew Sanchez qui n’hésite pas à parler ouvertement de son départ éventuel devant les quelques collègues groupés derrière le comptoir du poste de travail de l’étage.

Il existe une culture de la migration, constate la professeure au département d'études sociologiques et anthropologiques de l'Université d'Ottawa Ivy Bourgeault. Elle a visité les Philippines dans le cadre de sa recherche pour le Réseau canadien des professionnels de la santé.

Dans les familles, on s’attend à ce que les enfants reçoivent une formation en soins de santé, émigrent et envoient de l'argent à leur famille. Le phénomène est ancré dans le système, dit-elle.

Retenir l’exode

Retenir l’exode

Retenir l’exode

Il est midi passé. Sous un soleil d’avril implacable, la chaleur s’accumule dans la cuisine commune du dortoir adjacent au Lipa Medix Medical Center, un hôpital situé à deux heures au sud de la capitale philippine.

Pour environ 37 dollars canadiens, Beverly Hernandez et Rachel Ramos logent à deux pas de leur lieu de travail. Si ce tarif peut sembler dérisoire comparé au coût moyen des loyers au Canada, il représente pourtant l’équivalent de trois jours de salaire pour les deux infirmières.

Encore en pyjama, elles sirotent leur premier café de la journée : un mélange en poudre de café instantané et de crème déshydratée et de sucre. Dans quelques heures, elles prendront leur quart de nuit.

Nous étions à l’horaire de jour hier. Donc, nous n’avons pas été capables de faire la grasse matinée, explique Beverly, étonnamment souriante pour quelqu’un qui sera debout durant les 20 prochaines heures.

L’hébergement à rabais est un avantage offert par Lipa Medix à son jeune personnel, souvent fraîchement diplômé et endetté, pour tenter de le retenir.

L'hôpital Lipa Medix, situé à deux heures au sud de la capitale philippine, Manille. 
L'hôpital Lipa Medix, situé à deux heures au sud de la capitale philippine, Manille.  Photo : Radio-Canada / Laurence Taschereau

« On ne peut pas les empêcher de partir, mais en les incitant à rester un an ou deux, on peut planifier la transition. »

Au Canada ou aux États-Unis, elles gagnent en une journée ce qu’elles font ici en un mois, constate le Dr Jose Rene De Grano, directeur médical de Lipa Medix. Son expérience en tant que président de l’Association des hôpitaux privés des Philippines lui a appris qu’il est impossible d’arrêter l'exode. Il mise donc sur son ralentissement.

Or, la solution n’est pas magique, et le roulement constant du personnel crée de l’épuisement chez ceux qui restent.

Un bâtiment des urgences à Manille avec des passants, aux Philippines, en mai 2025.

Nous sommes dans le négatif

Chaque année, des milliers de jeunes infirmières comme Berverly et Rachel quittent les Philippines peu après avoir obtenu leur diplôme en soins infirmiers.

Selon le secrétaire à la Santé, Teodoro Herbosa, près de 10 000 infirmiers sont diplômés chaque année, et environ 13 000 quittent le pays durant la même période. Nous sommes dans le négatif, dit le politicien, anciennement médecin urgentiste.

Il admet la gravité de la situation. Il y a une pénurie d'infirmières.

Jocelyn Andamo de dos assise dans une salle des urgences en train de discuter avec quelqu'un, à Manille, aux Philippines, en mai 2025.Certains hôpitaux privés, face à cette pénurie, sont contraints de fermer des ailes, faute de personnel. « Mais nous vivons dans une démocratie, on ne peut pas empêcher les gens de partir », explique le secrétaire à la santé, Teodoro Herbosa.  Photo : Radio-Canada / Laurence Taschereau

De son côté, Jocelyn Andamo croit que le gouvernement philippin est complice de cet exode. Il ne fait rien pour améliorer les conditions de travail et les salaires, car il tire un bénéfice de ces départs.

Chaque année, les travailleurs philippins envoient l’équivalent de près de 6 milliards de dollars canadiens à leurs familles, une somme qui alimente l’économie nationale.

Le secrétaire à la santé, Teodoro Herbosa, soutient qu’il a mis en place certaines mesures pour tenter de ralentir l'exode, comme l’augmentation graduelle des salaires dans le secteur public. Il convient cependant qu’il détient un produit très en demande qui lui confère un levier à l'échelle internationale.

J’essaie de bâtir un système de santé à l'image de celui du Canada, et si le Canada est notre ami, il doit aussi nous offrir quelque chose en retour. Cela ne peut pas être à sens unique.

Ivy Bourgeault, qui étudie la question depuis plusieurs années, soulève la question éthique de ce phénomène. Notre équipe du Réseau canadien des professionnels de la santé travaille avec les décideurs pour trouver des solutions plus durables.

Je comprends que, à court terme, il puisse y avoir un besoin de recrutement et je sais que le Canada est un pays où les gens veulent émigrer, mais il y a tout de même des conséquences [pour les Philippines].

Ceux qui restent

Dans son minuscule appartement de 8 mètres carrés, Nicolito Oba fait tremper du riz pour le souper. S'il n'avait ne serait-ce qu’une seule fenêtre chez lui, il pourrait apercevoir l’hôpital National pour enfants, où il travaille.

Il a choisi ce logement justement pour sa proximité avec l’établissement. L’infirmier, au début de la quarantaine, fait partie des travailleurs de la santé dévoués. Dans les moments difficiles, il se répète que son métier, c’est sa vocation.

Nicolito Oba est en train de se servir du riz dans une toute petite cuisine, aux Philippines, en mai 2025.

Je me sens plus heureux quand je travaille avec les enfants, ils arrivent et ne peuvent pas jouer, ils n’ont pas d’énergie. Quand on les soigne, ils retrouvent un peu de leur vitalité, et cela n’a pas de prix.

Le parcours de Nicolito n’a rien d’un long fleuve tranquille. Issu d’une fratrie de 10 enfants, dans une famille avec des moyens financiers très limités, il a dû surmonter d’importants obstacles pour obtenir son diplôme en soins infirmiers. J’ai eu des professeurs qui m’ont permis de passer des examens, même si je n'avais pas d’argent. Ils me laissaient payer [les frais d’examen] plus tard, se rappelle-t-il.

Nicolito Oba à l'hôpital en train de parler a une proche d'un bébé allongé sur un lit d'hôpital, à Manille, aux Philippines, en mai 2025.

Aujourd’hui, il veut rendre à la communauté ce qu’il a reçu. J’ai plus de valeur en restant ici. C’est mon obligation envers mon pays, mes patients. Ma profession est très utile ici.

Ce n'est pourtant pas les offres de l’étranger qui manquent. Sur les réseaux sociaux, Nicolito voit défiler presque quotidiennement des campagnes de recrutement.

Mes camarades de classe — on était près d’un millier à obtenir un diplôme — sont presque tous partis. Et je ne les juge pas, je suis content pour eux, explique-t-il.

Il rentre souvent chez lui avec le sentiment du devoir accompli, mais aussi une fatigue tenace. Le manque chronique de personnel le place régulièrement dans des situations critiques.

Nicolito Oba se regarde dans un miroir, l'air absent, aux Philippines, en mai 2025.

Il lui est déjà arrivé d’être le seul infirmier en poste pour toute une unité.

J’avais plus d’une vingtaine de patients sous ma responsabilité [...] Trois sont tombés en arrêt respiratoire.

Il marque une pause, puis ajoute d’un ton grave : Je me suis senti vraiment impuissant. Je ne pouvais pas être partout à la fois. Je n’ai que deux bras pour faire la réanimation.

Ce genre de situation, trop fréquente dans les hôpitaux des Philippines, est justement ce que dénonce la militante Jocelyn Andamo.

Il y a des infirmiers qui n’ont jamais envisagé de partir, mais, face à la situation devenue insupportable, ils choisissent de partir travailler ailleurs, explique-t-elle.

 plus facile à dire…

Partir : plus facile à dire…

Partir : plus facile à dire…

De l'autre côté du globe, le chemin de l'infirmière Lhesley Silapan, maintenant au Canada, s'est révélé semé d'embûches.

Après avoir travaillé pendant trois ans aux Philippines dans l’un des plus grands hôpitaux privés de Manille, il lui aura fallu près de cinq ans pour obtenir son permis d’exercicer en Alberta.

En 2017, elle a entamé les démarches auprès du Service national d’évaluation infirmière (SNEI), l’organisme chargé de vérifier les compétences des infirmières formées à l'étranger, et a soumis tous les documents requis pour commencer le long processus.

Portrait de Lhelsey Silapan, à Calgary, en mai 2025.Lhelsey Silapan travaille souvent de nuit. La lumière qui envahit le rez-de-chaussée est un véritable réconfort lorsqu’elle profite de ses après-midi en famille. Photo : Radio-Canada / Laurence Taschereau

Lhesley Silapan pense avoir dépensé autour de 20 000 $ pour venir à bout du processus d'obtention de son permis d’exercice comme infirmière enregistrée en Alberta. Cela comprend notamment les frais administratifs dans les différentes provinces, les examens et les tests de langues et les droits d’inscription aux programmes passerelles.

L'année suivante, elle a pris la décision de rejoindre son conjoint, installé à Calgary. Quelques mois après avoir posé ses valises dans ce pays qu’elle commence à apprivoiser, elle a enfin reçu son résultat du SNEI : ses compétences étaient jugées plutôt comparables à celles du personnel infirmier albertain.

Pour obtenir sa licence auprès de l’Ordre des infirmières et infirmiers autorisés de l'Alberta, elle devra suivre un programme passerelle d’un an.

Elle s’est alors inscrite au programme d’un an proposé par l’Université Mount Royal, à Calgary, et au Center for Nursing Studies, à Saint-Jean de Terre-Neuve, à l’autre bout du pays. Mais les deux établissements l’ont placée sur une liste d'attente.

En attendant, toujours sans emploi, elle a décidé de tenter sa chance en Ontario. L'Ordre des infirmiers de la province a étudié son dossier avant de l’informer qu’elle devra passer un examen d’environ 2000 $ pour obtenir le permis.

Elle a hésité à dépenser cette somme. Je préférais à l'époque attendre d’avoir une réponse pour mon admission au programme passerelle à Calgary. Elle ne se doutait pas que l’attente allait encore durer deux longues années.

À ce stade, elle avait trois demandes en cours dans trois provinces différentes.

Lhelsey Silapan joue avec sa petite fille dans sa chambre avec des jouets et un petit fauteuil d'enfant, à Calgary, en mai 2025.En 2022, Lhelsey Silapan a donné naissance à sa fille. La même année, elle s’apprêtait à baisser les bras en Alberta et à déménager dans une autre province. « Mais, après discussion avec mon mari, dont l’emploi est à Calgary, ce n’était pas réaliste de déménager avec ma fille qui avait quelques mois à peine », explique-t-elle.  Photo : Radio-Canada / Laurence Taschereau

En 2022, Lhesley Silapan a commencé à être submergée par le découragement. Quatre ans s'étaient écoulés depuis son arrivée au Canada.

En désespoir de cause, elle a décidé d’écrire directement à l’Ordre des infirmières et infirmiers autorisés de l’Alberta.

J’ai exposé ma situation. J'ai expliqué que j’avais passé l'examen NCLEX, l’examen final des étudiants en soins infirmiers au Canada et aux États-Unis, réussi les tests de compétence en anglais et qu’il ne me manquait plus que l’admission à la formation passerelle.

Après quelques semaines, enfin, l’Ordre de l'Alberta lui a répondu et apporté une lueur d’espoir : on lui accordait un permis sous condition.

Elle a dû travailler 225 heures sous la supervision d’un précepteur. À Strathmore, à 45 minutes de route de chez elle, un employeur a accepté les conditions imposées par l’Ordre. Une porte s’ouvrait enfin.

Aujourd’hui, Lhesley Silapan a retrouvé ses repères. Elle exerce de nouveau en oncologie, la spécialité dans laquelle elle a fait ses premiers pas, mais cette fois, à 11 000 kilomètres de sa terre natale, à l’Hôpital pour enfants de l’Alberta.

Des années et des milliers de dollars plus tard

Si c'était à refaire aujourd'hui, le parcours de Lhelsey Silapan serait sans doute plus facile.

Depuis 2023, l'Ordre des infirmiers et infirmières de l’Alberta offre plus d'options pour démontrer les équivalences de compétences. Cependant, les exigences elles-mêmes n'ont pas changé, et il n'y a pas de voie de candidature accélérée ou allégée, précise l’Ordre.

Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un investissement financier important de la part des candidats.

Après avoir effectué les démarches pour obtenir un permis de travail du côté fédéral, et un permis d’exercice du côté provincial, il n’y a pas d’emploi garanti au bout du compte.

Récemment, après avoir signé une entente avec le Syndicat des infirmières de l’Alberta, le ministre des finances, Nate Horner, annonçait que la province serait moins dépendante du recrutement d’infirmières formées à l'étranger.

Par ailleurs, ce qui est vrai en Alberta ne le sera pas nécessairement dans d'autres provinces ou territoires. Ainsi, en Saskatchewan, dès que le personnel soignant recruté par l’Autorité de la santé met les pieds dans la province, il est déjà placé et sait où il travaillera, comme l’explique la présidente de la Faculté des sciences infirmières à la Polytechnique de la Saskatchewan, Monica Gretchen. Elle a participé à la mise sur pied du programme d'équivalence des compétences de 14 semaines.

Un accueil qui contraste avec le parcours à obstacles de Lhesley Silapan en Alberta.

Lhelsey Silapan en train de préparer un repas pour sa petite fille, dans sa cuisine, à Calgary en mai 2025Selon l'agence de statistique, 37 % des Canado-Philippins vivent dans les Prairies. Photo : Radio-Canada / Laurence Taschereau

Aujourd’hui installée dans sa nouvelle maison à Calgary, l’infirmière ne compte plus repartir. De sa cuisine, elle aperçoit les premières feuilles du printemps qui sortent à travers les grandes fenêtres du salon qui s’élèvent jusqu’au plafond du deuxième étage.

Le fait de repenser à tout cela me rend émotive, dit l’infirmière après notre discussion. Les larmes lui montent aux yeux quand elle regarde autour d’elle. Je regarde ce que j’ai, ma maison, ma fille [...] Cela n’a pas été facile, mais je ne regrette rien.

Des étudiantes en infirmerie en train d'étudier dans un laboratoire, aux Philippines, en mai 2025.

Ce reportage a été réalisé aux Philippines grâce à une bourse du Fonds québécois en journalisme international.

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