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FIGAROVOX/TRIBUNE - Dans un rapport pour l’Institut des Français de l’Étranger, le chercheur Marc Le Chevallier compare le système social français à celui d’autres pays européens et se demande comment passer d’une «dépendance passive» à une «solidarité active», afin de responsabiliser les citoyens.
Marc Le Chevallier est chercheur au UCL Policy Lab. Il vient de publier, à l’IFE, le rapport intitulé «Pour un Nouveau pacte social : passer de la dépendance passive à la solidarité active via la responsabilisation citoyenne ».
«Connaître un pays, c’est n’en connaître aucun.» Cette citation du sociologue américain Seymour Martin Lipset prend tout son sens lorsqu’on observe les débats actuels en France autour de la réforme de notre modèle social. À en croire nombre de commentateurs, il n’existerait qu’une seule manière d’être solidaire : par un État-providence centralisé et onéreux, redistribuant à des millions de citoyens passifs. Il suffirait pourtant de traverser la Manche ou de voyager en Europe du Nord pour comprendre qu’une autre voie est possible. En effet, trois pays – le Royaume-Uni, les Pays-Bas et le Danemark – ont compris que sauver un modèle social en crise ne pouvait évidemment pas passer par une énième réforme technocratique imposée par le haut, mais par une transformation radicale venue du bas : la responsabilité citoyenne.
Ces trois pays – pourtant aux traditions sociales très différentes – ont développé une critique similaire du modèle d’État-providence traditionnel. Pour eux, ce modèle maintient les plus vulnérables dans la même situation de précarité chronique, et trahit ainsi le but de la solidarité : restituer l’autonomie au citoyen. Cette critique est tout autant morale que financière. L’insoutenabilité du modèle social s’explique en grande partie par le défi sisyphéen que s’impose l’État-providence : être la réponse à tous les maux dans une société de plus en plus complexe.
Ils ont donc élaboré une ligne de réforme qui part d’une idée simple : ceux qui sont directement confrontés aux problèmes sont les plus aptes à les résoudre. De cette idée s’est développée une logique de responsabilisation exhaustive que l’on peut décliner en trois dimensions : responsabilité individuelle, collective et administrative.
Au début des années 1990, avec un taux de chômage à 11,9 %, l’État-providence danois devenait financièrement insoutenable. Pour résoudre ce défi, une commission parlementaire esquisse pour la première fois un concept d’obligations réciproques entre les services sociaux et le citoyen. Premier germe du fameux concept de flexisécurité, les Danois estimaient que pour sortir le citoyen de sa situation de dépendance, il lui fallait retrouver le goût de la responsabilité et de la contribution au bien commun. Au cœur même donc de la notion de responsabilité individuelle se trouve une équation difficile mais nécessaire à trouver : lier étroitement droit et devoir.
Cette logique de responsabilisation individuelle a également été suivie par le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Ainsi, contrairement à la France qui impose très peu de sanctions aux chômeurs, ces trois pays ont introduit des exigences claires : obligation de candidater à plusieurs offres par semaine, interdiction de refuser une proposition d’emploi, ou encore conditionnement des aides sociales à des activités bénévoles. Résultat : le chômage au Danemark est aujourd’hui à 2,6 %, 3,9 % aux Pays-Bas, et 4,5 % au Royaume-Uni, contre 7,4 % en France.
Mais responsabilisation ne signifie pas individualisation du modèle social – c’est même l’inverse. Être responsable signifie d’abord être responsable pour les autres. Un citoyen ne peut être responsabilisé que s’il est entouré, soutenu, et acteur d’un cadre social et collectif. De la Big Society au Royaume-Uni à la «société participative» («participatiesamenleving») aux Pays-Bas, en passant par les négociations collectives au Danemark, les trois pays ont redonné le pouvoir à la société civile et aux communautés locales.
À l’inverse d’un État centralisé nécessairement éloigné du terrain, le modèle social des trois pays se base sur des échelons administratifs autonomes et proches des citoyens
Là où l’État français phagocyte progressivement le sens de responsabilité collective des citoyens en agissant pour et sur eux, ces pays leur donnent au contraire les moyens d’être des acteurs autonomes et solidaires du bien commun. Pour ne prendre qu’un exemple, aux Pays-Bas, des équipes d’infirmiers travaillent main dans la main avec la famille des patients pour qu’ils en assurent eux-mêmes la prise en charge. Bilan : 30 % de satisfaction en plus et une durée moyenne de soins réduite de deux mois.
Enfin, responsabiliser signifie aussi responsabiliser l’administration elle-même. Or, tout modèle de responsabilisation suppose un lien étroit et clair entre le responsable et sa responsabilité. À l’inverse d’un État centralisé nécessairement éloigné du terrain, le modèle social des trois pays se base sur des échelons administratifs autonomes et proches des citoyens (collectivités locales, fonctionnaires de terrain). Là encore, le changement repose sur un renversement radical : sortir d’une logique de contrôle centralisé pour instaurer une logique de confiance aux acteurs de terrain. Des Britanniques, par exemple, ont fixé un objectif ambitieux : que 80 % du temps des agents publics soit consacré au contact direct avec les citoyens, et seulement 20 % à des tâches administratives – soit l’exact inverse de ce qui prévalait jusque-là.
Notre modèle social est en crise. Pour le sauver, il faut surmonter ce faux dilemme entre solidarité et responsabilité. Le Royaume-Uni, les Pays-Bas et le Danemark nous montrent que les deux se renforcent mutuellement. Plutôt qu’entretenir une dépendance passive via un État-providence obèse, il est temps pour la France de renouer avec l’esprit authentique de solidarité : celui qui responsabilise, qui fait confiance, et qui donne aux citoyens les moyens d’être pleinement acteurs du bien commun.