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Le 24 juin dernier, jour de notre fête nationale, le Québec a perdu dans une discrétion presque totale l’un de ses plus grands monuments culturels. Serge Fiori s’est éteint à l’âge de 73 ans. Membre fondateur du groupe légendaire Harmonium, cet artiste qui n’aura réalisé que quelques albums demeure pourtant l’un des piliers de la chanson québécoise issue de la Révolution tranquille. Sa disparition résonne d’autant plus fort à un moment où de grandes décisions de société attendent les Québécois.
Harmonium n’a plus besoin de présentation. Bien que le groupe n’ait produit que trois albums officiels (sans compter les rééditions et concerts), ils figurent parmi les plus marquants de l’histoire musicale du Québec. L’album Si on avait besoin d’une cinquième saison est même régulièrement cité dans les listes internationales des meilleurs disques progressifs, malgré un fort biais anglophone. La pièce de 17 minutes Histoire sans paroles est devenue mythique pour tous les amateurs de rock progressif.
Mais Serge Fiori, c’était aussi un homme profondément discret, farouchement opposé aux projecteurs. Il s’est retiré au sommet de sa gloire pour collaborer avec d’autres artistes, notamment autochtones. Il estimait avoir tout dit, tout donné, en quelques albums — et ne souhaitait pas trahir cette œuvre pour des raisons purement commerciales.
Nous sommes loin de ces artistes qui pressent citron sur citron pour faire rouler la machine, au mépris de la qualité. Serge Fiori, lui, n’a jamais été de ceux-là. Il a même refusé, à l’époque, un million de dollars pour produire L’Heptade en anglais, affirmant que sa musique ne pouvait exister qu’en français.
Un pari risqué, mais réussi : même lors de sa tournée aux États-Unis, Fiori est resté fidèle à lui-même. Alors que d’autres artistes québécois ont tenté de percer à l’international en changeant de langue, parfois suivi d’un succès mitigé, lui est resté enraciné dans la sienne. En ce sens, il rejoint Victor-Lévy Beaulieu ou Lucien Francoeur parmi ces « derniers des Mohicans » qui auront incarné une culture québécoise sans compromis.
Ces hommes issus de la génération du baby-boom ont durablement transformé notre culture. Ils l’ont faite passer d’un folklore figé et d’une anglomanie souvent honteuse à une culture francophone, vivante, originale et résolument moderne — parfois même universelle. Victor-Lévy Beaulieu s’est longtemps identifié aux géants de la littérature mondiale — Nietzsche, Joyce, Voltaire, Melville. Lucien Francoeur, quant à lui, nous a réconciliés avec notre américanité, à une époque où l’intelligentsia québécoise ne jurait que par la France.
Fiori a poursuivi ce travail de fond, en le portant encore plus loin sur le plan musical. Si Jean-Pierre Ferland et Robert Charlebois ont ouvert la voie, Fiori a tracé un sentier unique. Il nous a prouvé que la qualité peut l’emporter sur la quantité, et qu’on peut entrer dans l’histoire avec une œuvre en français, malgré les appels parfois tentants du monde anglophone.
Il ne s’agit pas de dénigrer les jeunes générations d’artistes, mais peut-on leur reprocher d’être incapables de porter les souliers de ceux qui les ont précédées — et qui s’en vont un à un ? Serge Fiori est parti sans ultime adieu, dans son sommeil, entouré des siens, au lac Saint-Jean. Qui pourra prendre la relève de ces monuments qui nous quittent ?
Quoi qu’il en soit, que Serge Fiori repose en paix, entouré de ses amis artistes partis avant lui. Nous lui serons éternellement reconnaissants.