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La pression s’accentue sur la police et le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) au Nunavik, où 16 personnes sont mortes à la suite d’interventions policières depuis 2016, dont 2 par des tirs policiers dans les 6 derniers mois. À ce jour, et bien que certains dossiers soient toujours à l’étude, aucune de ces enquêtes n’a donné lieu à des accusations contre les policiers.
Mark R. Annanack résistait à son arrestation, armé d’un couteau, lorsqu’un policier lui a tiré dessus, entraînant sa mort. C’était à Kangiqsualujjuaq, il y a quelques jours à peine. En novembre dernier, à Salluit, Joshua Papigatuk est décédé et son frère jumeau Garnet a été gravement blessé lorsque des policiers ont fait feu lors d’une intervention qui a tourné en bagarre.
Ce sont les dernières victimes d’une longue liste de personnes décédées ou blessées gravement aux mains des policiers au nord du 55e parallèle, selon un décompte effectué par Le Devoir.
Le BEI a ouvert 16 enquêtes pour des décès après des interventions policières au Nunavik. De ce nombre, cinq sont décédés sous les balles des policiers. Cinq sont morts en détention. Deux se sont suicidés pendant que la police négociait avec eux. Une adolescente a fait une embardée mortelle au volant de son VTT en fuyant les policiers. Dans un autre cas, un véhicule policier mal stationné a roulé sur un homme blessé alors que les policiers couraient après l’agresseur. Deux autres sont décédés alors que la police les cherchait ou leur avait rendu visite plus tôt dans la journée.
Douze autres Inuits ont été blessés gravement dans des circonstances similaires.
Aucune accusation
Dans tous ces dossiers, le BEI a fait enquête et remis son rapport au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP). Le fait qu’il n’y ait encore aucune accusation porte ombrage au BEI, constate Lyne St-Louis, consultante pour le développement de la justice communautaire au Nunavik. « Les Inuits se disent : [les policiers] se couvrent l’un l’autre. Ils n’ont pas confiance. »
Pourtant, ce n’est pas le BEI, mais le DPCP qui décide s’il y a lieu ou non de porter des accusations.
Contrairement aux enquêtes des corps de police, qui se tournent vers le DPCP uniquement lorsqu’ils ont de bonnes raisons de croire qu’un crime a été commis, le BEI a l’obligation d’enquêter sur toutes les interventions menant à un décès ou à des blessures graves impliquant des policiers. Il doit présenter le dossier au DPCP, qu’il juge qu’il y a matière ou non à porter des accusations, explique le porte-parole du BEI, Jérémie Comtois.
« Le nombre d’accusations n’est pas une métrique qu’on suit ou qui va réglementer notre travail, comparativement à d’autres corps de police, affirme-t-il. C’est la même chose pour la province au complet. On a 450 enquêtes au Québec, mais on n’a que 2 accusations. »
Questionné sur la possibilité de biais — à savoir que les enquêteurs croiraient davantage la version d’un policier que celle d’un Inuit —, il assure que dans « la grande majorité des cas », les enquêteurs ne se limitent pas à aller chercher deux versions contradictoires, mais ils vont s’appuyer également sur des rapports d’expertise, des vidéos et d’autres témoins.
Le service de police du Nunavik et l’Administration régionale Kativik (ARK), dont relève le corps policier, n’ont pas voulu accorder d’entrevue au Devoir en raison des enquêtes en cours.
Demande de réforme
Le manque de confiance des Inuits — et des Autochtones en général — à l’endroit des policiers et du BEI n’est pas nouveau.
Le fait qu’il y ait d’anciens policiers au sein du BEI et le manque de représentativité et de transparence alimentent la perception de plusieurs Autochtones voulant que ce soit un organisme qui est là pour protéger les policiers, résume la chercheuse Fannie Lafontaine, qui a agi comme observatrice indépendante dans l’enquête sur les policiers de Val d’Or en 2015. « Ce qu’on entend, ce qu’on perçoit, c’est un manque de confiance », affirme-t-elle.
Mais les deux derniers décès par tirs policiers ont mis le feu aux poudres. En novembre dernier, des manifestations ont eu lieu devant les postes de police de toutes les communautés du Nunavik. L’Administration régionale Kativik avait alors annoncé la création d’un nouveau comité chargé de revoir les pratiques policières.
Après le décès de Mark R. Annanack, le ton a monté d’un cran. L’organisme politique Makivvik dénonce « une tendance alarmante et intolérable de recours excessif à la force » et « exige la refonte immédiate des protocoles de formation et d’intervention policière ».
Dans la même veine, l’ARK « demande au gouvernement du Québec de procéder à une réforme des enquêtes afin d’améliorer considérablement la transparence et la réactivité des enquêtes menées au Nunavik par le BEI ».
« C’est exactement ça, c’est au cœur du problème », s’exclame Fannie Lafontaine, qui avait déjà mentionné plusieurs de ces problèmes dans ses rapports précédents. Elle insiste sur le besoin de transparence en général, mais aussi, de façon plus spécifique, avec les communautés qui sont touchées par ces tragédies.
Lyne St-Louis aussi dénonce les délais d’enquête et le manque de communication, en particulier du côté des policiers, qui sont tenus au silence pendant tout le temps de l’enquête. « Personne n’en est encore revenu de la mort d’un des jumeaux, d’autant plus qu’il n’y a pas eu de réponses. Ça fait plus de 6 mois. On est encore dans le silence. Ça augmente la tension, les gens se disent : on nous garde dans le noir. »
Pouvoir de recommandation
Le Bureau des enquêtes indépendantes a répondu à l’Administration régionale Kativik par lettre mardi, se disant « sensible à l’impact des délais procéduraux sur l’ensemble des personnes affectées et touchées par ces événements », mais rappelant ses « obligations légales ». Il s’engage à rencontrer la communauté lorsqu’une décision sera rendue et à traduire ses communications en anglais et en inuktitut.
Le BEI indique enfin qu’il souhaite désormais utiliser son pouvoir de recommandation pour tirer des leçons des événements et proposer des améliorations, même lorsqu’il n’y a pas matière à porter des accusations criminelles envers les policiers.
En entrevue au Devoir, Jérémie Comtois indique que le rapport d’enquête sur le décès de Joshua Papigatuk devrait sortir prochainement. Il se dit également ouvert à une réforme du BEI, si tel est le souhait de Québec.
Hausse des plaintes
Le nombre de plaintes envers les policiers du Nunavik a plus que doublé l’an dernier, selon des données obtenues en vertu de la Loi d’accès à l’information. En plus de faire la lumière sur toutes les interventions policières ayant mené au décès d’un civil ou à des blessures sévères, le BEI a également le mandat d’enquêter sur toutes les plaintes de citoyens autochtones qui dénoncent des infractions criminelles de la part de policiers. On peut parler de voies de faits, de menaces ou d’agressions sexuelles. Sous ce deuxième mandat, le BEI a reçu un total de 66 plaintes depuis 2016, avec un record de 21 plaintes en 2024, contre 9 en 2023. Du lot, 3 enquêtes ont donné lieu à des accusations criminelles et 9 étaient toujours à l’étude en novembre dernier. Le service de police du Nunavik n’a pas voulu accorder d’entrevues au Devoir en raison des enquêtes du BEI. De son côté, le BEI ne commente pas ces statistiques pour des raisons de confidentialité. Selon Lyne St-Louis, cette augmentation témoigne du fait que les Inuits sont davantage encouragés à faire des plaintes et bénéficient d’un meilleur soutien pour le faire.