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La petite musique qui accompagne en sourdine la question des retraites et monte contre les seniors ne constitue pas seulement un dérivatif face à une situation de déficit public, mais aussi l'ultime variation d'un psychodrame échafaudé en plusieurs actes à la recherche de boucs émissaires faciles.
Faut-il mettre à contribution les retraités pour sauver notre modèle social, fragilisé par le vieillissement de la population ? C’est la question taboue à laquelle votre journal a tenté de répondre dans un grand dossier pour ouvrir le débat et proposer des pistes de réflexion. Comme elle s'y était engagée dans son éditorial « Aux anciens : prenez votre part ! », la directrice de la rédaction de Marianne Ève Szeftel vous donne la parole. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que ce sujet passionnel vous fait réagir. Nous publions ce lundi 30 juin un courrier de Gérard Teulière, maître de conférences honoraire, ancien diplomate culturel et président de PenserAgir.
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Le premier s'est joué lors de la pandémie du Covid, lorsque des âmes bien intentionnées ont placé sur un même niveau de gravité les risques encourus par nos vieillards, qui avaient le mauvais goût de mourir en masse, et les inconvénients du confinement pour les autres classes d'âge. "Protéger les vieux ne signifie pas sacrifier la jeunesse" entendit-on alors dans la bouche de ces vertueux moralistes — phrase qu'il fallait évidemment interpréter à l'envers. Les mêmes, détournant le sens du mot sacrifice, oubliaient que les seniors n'étaient pas les seuls à mourir et que la détresse psychologique de nombre d'étudiants était surtout due au mur de déshumanisation que le tout numérique dressait devant leurs études et examens.
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Le deuxième acte a été constitué en marge des débats sur la réforme des retraites. Nombre de polémiques se sont déchaînées à cette occasion sur le poids des seniors dans l'économie : salauds de vieux qui ont l'outrecuidance de vivre plus longtemps et qu'il faut entretenir à grands frais.
Le troisième acte, instillé par certains journalistes, comme François de Closets, a renchéri sur la responsabilité que porteraient dans l'état de la France une génération de « boomers » égoïstes et prédateurs, ou plus récemment une classe de « vaches sacrées responsables du déficit » voire de « faux vieux » vautrés dans les loisirs. Un point de vue dans lequel les créatifs libéraux se sont engouffrés en rivalisant d'inventivité (gel des pensions, suppression de l'abattement fiscal, taxation des retraités les plus "aisés", etc.)
Recyclage de vieux
On distingue, en filigrane des arguties déversées en ces occasions, comme une scorie de préjugés plusieurs fois millénaires sur la valeur et le rôle des anciens. Or l'exacerbation actuelle de la polémique est moins radieuse que cette plaisante littérature, car la gérontophobie et la démagogie sont multiformes et comportent des conséquences.
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Les réseaux sociaux transpirent aujourd'hui de la haine des retraités. Il n'était que d'entendre voici quelques mois, dans l'émission politique L'Evénement, qualifier le gouvernement Barnier de "recyclage de vieux, surtout de vieux". On s'étonne que nul n'ait protesté que le recyclage concerne par définition les déchets. On pourrait ajouter de nombreux exemples à ce tableau, comme une récente proposition de loi visant les conducteurs âgés alors que la proportion d'accidents mortels est bien plus élevée selon les statistiques chez les 18-24 ans. Ou encore les discours reprochant aux anciens la possession de leurs biens immobiliers, comme s'il n'était pas légitime (et souhaitable) de détenir davantage de patrimoine après une vie de labeur qu'au début de celle-ci.
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Plus qu'à gérer, on cherche à montrer du doigt. Ainsi, la désignation d'une catégorie de citoyens artificiellement circonscrite allume les prodromes d'une guerre générationnelle où chacun oublie que la vie est évolution et nourrit un imaginaire social inquiétant où les retraités risquent d'apparaître comme ceux que, jadis, les calomnies raciales désignaient comme des riches et des profiteurs. On connaît les conséquences monstrueuses de ce genre de stigmatisations irresponsables.
Smicardiser les pensions
Dans un tel contexte, sabrer les pensions encouragerait les actifs - comme l'espèrent divers lobbies économiques, Medef en tête, - à se tourner pour leur avenir vers des solutions privées qui hypothèqueront les retraites de demain au lieu de faire nation par la solidarité intergénérationnelle.
Épargner les petites retraites pour justifier la spoliation de toutes les autres, comme le proposent en demi-mesure des âmes bien intentionnées, ouvrirait notamment la porte d'une smicardisation larvée de l'ensemble et constituerait un très mauvais signal pour une société qui fait de l'émulation professionnelle l'un de ses ressorts et ne ferait qu’entériner une discrimination catégorielle : pourquoi un retraité « aisé » devrait-il objectivement contribuer davantage qu’un actif « aisé », à moins de considérer que les retraités sont des parasites de la nation ?
Une telle politique serait contraire au pacte républicain puisque les retraités ont cotisé, en leur temps d'activité, exactement au taux qu'il fallait pour payer les retraites d'alors. Il est donc fallacieux de s'adonner à des calculs comparatistes destinés à savoir s'ils reçoivent, en quantité absolue, plus ou moins que ce qu'ils ont cotisé.
Contraire au principe de solidarité
Les retraités fournissant les mêmes efforts que les autres Français à travers l'impôt, rien ne justifie que des ponctions supplémentaires leur soient appliquées d'autant qu'il existe des familles vivant sur une seule pension. Ainsi, on feint d'ignorer que l'abattement fiscal de 10 % compense partiellement la baisse de pouvoir d'achat par rapport au dernier salaire, et n'est pas une déduction forfaitaire pour frais professionnels (qui subira elle-même le prochain coup de rabot). Mettre en avant les dépenses de santé des anciens est également contraire au principe de solidarité, surtout depuis que le taux des remboursements diminue, et préfigure la taxation de toute catégorie de citoyens que l'on désignera un jour arbitrairement comme coûteuse.
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Une telle politique est indéfendable moralement et relève de la lâcheté politique, visant des proies faciles qui ne peuvent décréter (comme l'aurait souhaité un personnage de bande dessinée Mafalda une "grève générale et illimitée des retraités". Une telle politique est politiquement périlleuse. Elle risque de confirmer l'attrait des extrêmes qui s'érigent désormais en défenseurs des pensions alors que jusqu'aux dernières années les plus de 65 ans assuraient la stabilité de l'édifice électoral.
Une telle politique est enfin hasardeuse économiquement car affaiblir le pouvoir d'achat d'un quart de la population par des mesures discriminatoires aurait des conséquences sur la consommation, l'aide directe aux jeunes, l'action caritative, etc, et pourrait engendrer de leur part de puissantes réactions de ressentiment, comme il ressort malheureusement des réseaux sociaux.
Brandir, comme certains, un "nouveau contrat social" confiscatoire pour les vieux relève en réalité davantage de l'égoïsme thatchérien que de l'héritage de Rousseau. La retraite représente l'un des plus grands progrès humains en ce qu'elle prend en charge ceux en qui décroît la force de la vie et insère un bref âge d'or dans l'existence humaine, à défaut de pouvoir l'instaurer dans l'Histoire. À cet égard, les efforts que doit supporter une nation républicaine sont un continuum dont les retraites font partie intégrante - au même titre que l'éducation, le renforcement de notre système de santé ou de défense, qui s'annoncent impérieux. Ils doivent être donc être assumés sur une base contributive générale, comme le stipule la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (art.13) et sur nul critère catégoriel.
Enfin, et surtout, ceux qui vilipendent aujourd'hui les anciens et s'attaquent aux pensions oublient tout simplement qu'ils préparent leur misère future.