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Les émojis, utilisés dans les messages ou sur les réseaux sociaux, n’ont pas toujours le sens de leur image. S’ils ont l’air inoffensifs, certains ont un double sens relevant du cyberharcèlement ou de la pédopornographie.
Audrey Vermorel - Aujourd'hui à 07:45 - Temps de lecture :
Nous en utilisons quotidiennement à travers nos échanges par téléphone. Les émojis, souvent employés pour ponctuer ou réagir à des messages ou sur les réseaux sociaux, n’ont pas toujours la signification de leur image. Derrière leur apparente simplicité peut se cacher un langage codé et des doubles sens parfois lourds, suivant le contexte dans lequel ils sont utilisés.
C’est le cas, par exemple, du cercle violet, un émoji codé pour désigner un viol ou une agression sexuelle. L’émoji pilule, représenté par une pilule rouge et jaune, fait référence au mouvement ''red pill'' (référence au film Matrix), issu de l’extrême droite américaine et repris par les masculinistes, renvoyant à une soi-disant « prise de conscience » selon laquelle la société favoriserait les femmes alors que les hommes seraient « oppressés ». Cet émoji est utilisé par les sphères masculinistes ou à l’inverse pour les dénoncer.
Du cyberharcèlement par langage pictural
Un sujet qui est d’ailleurs abordé dans la mini-série Netflix Adolescence, dans laquelle un garçon de 13 ans est accusé d’avoir poignardé sa camarade de classe et soupçonné, avec d’autres camarades, d’adhérer aux discours misogynes diffusés sur internet. Jamie, le personnage, évoque lui-même la signification détournée des émojis, comme le ''100'' qui évoquerait la règle du 80/20 selon laquelle 80 % des femmes ne seraient attirées que par 20 % des hommes, popularisée par l’influenceur masculiniste Andrew Tate. Il parle également de la signification des couleurs : un cœur rouge pour une relation amoureuse, violet pour l’attirance physique, rose pour de l’intérêt mais sans relation sexuelle, jaune pour dire à quelqu’un qu’il nous plaît.
Si vous êtes déjà perdu dans ces significations, vous n’êtes pas le seul… Selon une étude réalisée par l’Ifop pour Allianz (*), 75 % des Français pensent comprendre le langage SMS et les émojis utilisés par les jeunes. Mais dans les faits, seuls 1,3 % d’entre eux réussissent à décoder correctement six émojis et expressions les plus fréquents chez les ados.
Par exemple, une personne interrogée sur deux pense que l’émoji avec une tête de clown a une signification positive, alors qu’il est plutôt utilisé pour se moquer de quelqu’un de naïf. Les émojis à double sens sont encore nombreux : le vernis sur les ongles pour se moquer de la féminité d’un homme (souvent utilisé dans un harcèlement à caractère homophobe) ; le mouton désigne quelqu’un de suiveur, sans personnalité ; la sucette est utilisée pour quelqu’un de fayot ou lèche-botte ; le rat pour quelqu’un de radin ; le cochon pour quelqu’un de sale ou de pervers ; l’arbre peut aussi être un mot codé pour parler d’une personne d'origine maghrébine.
Une alerte de la gendarmerie nationale
D’autres symboles peuvent être utilisés pour parler de façon détournée de la drogue : une feuille d’érable pour désigner le cannabis, un flocon pour parler de la cocaïne, le ballon pour le gaz hilarant.
Un peu plus connus du grand public, d’autres émojis font référence à la sexualité : l’aubergine pour pénis ou la pêche pour les fesses. Moins connu, l’épi de maïs (corn en anglais) est aussi un jeu de mots évoquant le porno. Enfin, si le symbole pizza ne signifie rien d’autre pour vous qu’une pizza, son double sens éventuel fait froid dans le dos : il peut servir d’indicateur aux prédateurs sexuels pour détecter des contenus à caractère pédopornographique.
Pour comprendre la signification, il faut remonter à la traduction anglaise du mot : ''cheesy pizza'', dont les initiales sont CP, sont les mêmes que ''child porn'', soit pédopornographie en français. Cette utilisation de la part de pizza n’est pas un cas isolé, puisqu’il y a quelques semaines, la gendarmerie nationale a alerté sur ce sujet dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux : « Beaucoup de ces comptes servent à attirer des individus vers des plateformes comme Telegram ou des contenus pédocriminels sont monnayés », explique-t-elle. Si vous croisez ce genre de comptes, plutôt que de continuer à scroller, il est très important de les signaler à la plateforme de signalement en ligne Pharos.
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Tous ces codes et sens cachés permettent de passer à travers les algorithmes de modération des réseaux sociaux et pour les adolescents de communiquer dans un langage que ne comprennent pas (ou peu) les adultes. La difficulté est aussi de suivre l’évolution de ce langage pictural très souvent en mouvance, d’autant que régulièrement, de nouveaux émojis intègrent la banque de pictogrammes existante, après avoir été validés par le Consortium Unicode.
(*) Étude en ligne réalisée par Occurrence (Groupe Ifop) en mai 2025 pour Allianz France auprès de 1 008 Français âgés de 18 ans et plus, représentatifs de la population française (méthode des quotas).