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  • « On est touchés par la sécheresse dans le Nord » : les agriculteurs face à un ...

Il a plu bien plus que la normale entre Montpellier, Menton et l’Ardèche depuis février tandis que les départements du Nord enregistrent un déficit de précipitations de 60 %. Dans cette météo sens dessus dessous, aggravée par le dérèglement climatique à plus large échelle, les agriculteurs français abasourdis font face comme ils peuvent. Direction le Pas-de-Calais, où l’exploitation de Clément Cuvillier est dans la zone d’alerte sécheresse, quelques mois après avoir été sujette aux inondations monstres de l’hiver 2023-2024.

Dans le Pas-de-Calais, Maëlle Le Dru - Aujourd'hui à 06:02 - Temps de lecture :

Les champs de betteraves sucrières de Clément Cuvillier, à Ferfay (Pas-de-Calais) sont craquelés du fait du manque de précipitations au printemps. Photo EBRA/M.L.D.

Les champs de betteraves sucrières de Clément Cuvillier, à Ferfay (Pas-de-Calais) sont craquelés du fait du manque de précipitations au printemps. Photo EBRA/M.L.D.

Il pleut ce mardi 27 mai sur les champs de betteraves sucrières de Clément Cuviller dans le Pas-de-Calais. Jusqu’ici, rien d’anormal, au contraire. Ce qui l’est, c’est que Ferfay, la commune de l’agriculteur, n’a reçu qu’environ 80 mm de précipitations de février à avril, contrairement aux 180 mm moyens habituels, poussant les autorités à déclarer le premier niveau de l’alerte sécheresse pour toute sa vallée, à l’instar de tout le département du Nord voisin. Du jamais vu depuis 1976. Et ce ne sont pas les 24 mm de pluie tombés depuis samedi ou attendus ces jours-ci qui vont inverser la situation. « D’habitude, à cette période-là, j’ai déjà des betteraves qui sortent, on a trois semaines de retard », montre Clément Cuvillier, en pointant un champ craquelé par la sécheresse aux plants inégaux.

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Des implications en chaîne

L’exploitant en polycultures et éleveur, par ailleurs secrétaire général adjoint de la FDSEA de son département, est également préoccupé pour son « maïs qui n’a pas levé », ses « pommes de terre qui manquent d’eau » et pour la nourriture de ses bêtes. « Il y a très peu d’herbe à pâturer dehors. Le mélange de maïs ensilé et de pulpe de betteraves que je leur donne correspond à des rations d’hiver », se désole celui qui a une soixantaine de vaches laitières, en prenant la mixture dans ses mains.

  • Certaines parties du champ de betteraves sucrières de Clément Cuvillier n’ont jamais démarré par manque d’eau. Il en cultive 18 hectares en tout, donc espère que le reste finira par sortir. Photo EBRA /M.L.D.

    Certaines parties du champ de betteraves sucrières de Clément Cuvillier n’ont jamais démarré par manque d’eau. Il en cultive 18 hectares en tout, donc espère que le reste finira par sortir. Photo EBRA /M.L.D.

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  • Clément Cuvillier donne un mélange de maïs ensilé et de pulpe de betteraves à ses vaches, mais il prévoit de moindres réserves cette année avec la sécheresse. Photo EBRA /M.L.D.

    Clément Cuvillier donne un mélange de maïs ensilé et de pulpe de betteraves à ses vaches, mais il prévoit de moindres réserves cette année avec la sécheresse. Photo EBRA /M.L.D.

Au milieu des plants de betteraves sucrières Ferfay, de nombreuses mauvaises herbes se sont par ailleurs invitées. « On fait deux pulvérisations d’insecticides sur les betteraves », explique Clément Cuvillier, aussi engagé en faveur de la loi Duplomb [pour la « simplification » du quotidien des agriculteurs, NDLR]. « Pour que le produit soit bien absorbé dans le sol, il vaut mieux qu’il soit un peu humide, donc j’attends. » Et celui qui gère 120 hectares de terres n’est pas si mal loti, par rapport à certains de ses confrères qui ont choisi de cultiver du lin : « Les plants sont en train de crever. J’ai un collègue qui a dû aller pomper une rivière avec son tracteur ce week-end… » [il s’est fait arrêter par l’Office français de la biodiversité, NDLR].

Trop d’eau, ou pas assez

Il y a un an et demi, Clément Cuvillier subissait déjà un autre événement climatique extrême : les inondations de novembre 2023 et janvier 2024, qui avaient fait de nombreux sinistrés. « J’ai eu 10 % de rendement de moins sur les céréales de l’an dernier », glisse l’exploitant de 45 ans, qui estime là non plus n’être « pas le plus à plaindre » dans la région.

À choisir, l’agriculteur « préfère » peut-être même trop d’eau que pas assez. « On peut à peu près gérer l’excès d’eau avec des machines de drainage alors que la sécheresse, je ne vois pas ce que je veux faire », soupire-t-il, de sa voix grave. Quant à installer un système d’irrigation sur ces parcelles, comme c’est le cas pour 4 % des surfaces agricoles des Hauts-de-France, il n’est pas prêt à passer le pas. « C’est un gros investissement et il faut des parcelles plates », souligne celui qui compte de nombreux terrains en pente.

Depuis samedi, Clément Cuvillier enregistre une vingtaine de millimètres de pluie bienvenus en cette période de sécheresse dans le Pas-de-Calais. Photo EBRA/M.L.D.

Depuis samedi, Clément Cuvillier enregistre une vingtaine de millimètres de pluie bienvenus en cette période de sécheresse dans le Pas-de-Calais. Photo EBRA/M.L.D.

« On fait jamais deux fois la même année »

Mais l’adaptation fait partie du quotidien des agriculteurs. « Cette année, on a planté le maïs 15 jours en avance. L’an dernier, on n’a pas labouré. On fait jamais deux fois la même année », souligne Clément Cuvillier. « Globalement, depuis les années 70, on a gagné trois semaines sur les plantations car il fait chaud plus tôt et il y a moins de gel tardif », met en perspective Thérèse, la mère de Clément, et ancienne exploitante de la ferme. « Y a quand même un réchauffement, c’est sûr », abonde, à leurs côtés, Michèle, la grand-mère, elle-même propriétaire de l’exploitation il y a plusieurs décennies.

On est loin d’être dans du doigt mouillé : la température moyenne à Boulogne-sur-Mer a augmenté d’environ 2 °C depuis 1955 et elle devrait encore prendre 1,5 °C d’ici 2050, avec des épisodes plus extrêmes tant du côté des précipitations que de la sécheresse, selon les prospectives de Solagro. « Finalement, dans le Nord on est aussi touchés », réalise Clément Cuvillier, avant d’ajouter, combatif : « L’adaptation permanente, c’est l’essence de notre métier. »

Des événements climatiques extrêmes chaque année en France depuis 2016

  • 2016 : excès de pluie et inondations majeures au printemps (Île-de-France et Centre essentiellement).
  • 2018 : l’une des années les plus sèches de la décennie, notamment pour les régions Grand Est, Bourgogne-Franche-Comté, Auvergne-Rhône-Alpes et Hauts-de-France.
  • 2019 : épisodes de chaleur extrême en juin et juillet.
  • 2020 : sécheresse persistante au printemps et en été, affectant les cultures de printemps et les prairies.
  • 2021 : gel tardif exceptionnel en avril et excès de pluie en été dans certaines régions.
  • 2022 : été le plus sec et chaud depuis 1947.
  • 2023 : répétition de sécheresses et canicules.
  • 2024 : année très pluvieuse, inondations et sols saturés pendant plusieurs mois, notamment dans le Nord et l’Ouest.