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L’immigration comble-t-elle la pénurie de main-d’œuvre ? À quel point est-elle bénéfique pour l’économie ? Le système est-il vraiment brisé ? Dans une étude rarement aussi fouillée et chiffrée à propos de ce sujet délicat, l’économiste de HEC Montréal Pierre-Carl Michaud démêle le tout.
Le premier constat est sans appel. « On est dans une situation anormale », synthétise-t-il en entrevue.
Le volume des nouveaux arrivants au Québec a oscillé entre 5 et 10 pour 1000 habitants durant plusieurs décennies. Après 2016, et davantage après la pandémie, le taux d’immigration (permanente comme temporaire) a explosé. Ce niveau était rendu à 25 immigrants pour 1000 en 2023 au Québec.
Cette explosion revient surtout aux résidents non permanents, qui, avec environ 615 000 personnes, forment près de 7 % de la population québécoise. « Sans intervention », ce nombre augmentera jusqu’à atteindre un million d’ici quelques années.
Deuxième constat : l’immigration n’a comblé qu’une petite partie de la pénurie de main-d’œuvre.
En effet, la région métropolitaine continue d’accueillir près de 80 % de tous les nouveaux venus. Or, « Montréal a reçu énormément d’immigration, mais ce n’était pas une région qui se démarquait particulièrement pour son manque de main-d’œuvre », relève Pierre-Carl Michaud.
Inversement, dans les régions où la crise de la main-d’œuvre était particulièrement criante — comme à Québec ou dans Chaudière-Appalaches —, le manque de travailleurs s’est accentué entre 2015 et 2023. « Les régions qui avaient des tensions élevées sur le marché du travail ont connu une croissance importante de ces tensions sur la période », indique l’étude. Par exemple, « la Capitale-Nationale avait plus de 30 postes vacants pour 100 chômeurs en 2015. Ce ratio était passé à 175 postes vacants pour 100 chômeurs en 2023 ».
Effet ténu
Troisième constat : l’incidence économique de l’immigration est « pas mal neutre ».
Certes, puisque les immigrants rajeunissent la population qui travaille, ils contribuent à la hausse du niveau de vie des Québécois. Ainsi, sans immigration, le PIB par habitant du Québec serait près de 38 % plus faible en 2070, toutes choses étant égales par ailleurs. Même à un niveau de 50 000 immigrants par année, la diminution du niveau de vie tournerait autour de 10 % du PIB par habitant d’ici 45 ans, estime le chercheur dans son analyse. « En deçà de 70 000 nouveaux immigrants permanents, il y a dégradation du PIB par habitant. »
Cependant, ce recul exclut les autres facteurs de croissance, comme l’emploi et la productivité. Tout compte fait, « l’effet à la marge du niveau d’immigration permanente » reste « faible » comparativement à ces autres facteurs de croissance. Estimer que la productivité augmentera d’un point de pourcentage par année, par exemple, ajoute 56,5 % au PIB par habitant projeté d’ici 2070.
Autrement dit, si l’on postule une immigration nulle et une hausse modérée de la productivité, le PIB par habitant grandit tout de même de 18,8 % d’ici 2070. La croissance économique provoquée par l’immigration est donc « pas mal neutre », avance-t-il.
« On pourrait même penser que la croissance économique pourrait être plus importante en l’absence d’une main-d’œuvre abondante qui forcerait les entreprises à investir en machinerie, en équipement et autres stocks de capital. […] Devant un phénomène structurel de pénurie de main-d’œuvre, on aime mieux, en général, encourager l’automatisation. »
Vers des niveaux « soutenables »
Pour que Québec planifie « un atterrissage en douceur » après l’envol de l’immigration, l’économiste associé à la Chaire de recherche Jacques-Parizeau en politiques économiques pointe le nombre de résidents permanents acceptés chaque année. Ce sont eux, et non les temporaires, qui finiront par influer sur l’économie du Québec à long terme. Selon ses calculs, la cible de 70 000 nouveaux permanents par année est une cible « préconisée ».
Il cite quelques critères pour déterminer d’une politique d’immigration dite « soutenable ». Sur le plan social, cette politique ne doit pas créer de « ressentiment des extrêmes », puisque « souvent, quand on voit des niveaux d’immigration très importants, on voit des extrêmes apparaître ». Du point de vue économique, « on ne veut pas que ça crée des changements importants dans les salaires des travailleurs », ajoute-t-il. « Si on a plus d’offres de travail, ça diminue le salaire, pas juste celui des immigrants, mais aussi celui des autres travailleurs de l’industrie. »
L’étude note enfin que les nouveaux arrivants qui entrent directement par la voie permanente doivent attendre presque une décennie pour atteindre des revenus d’emploi semblables à ceux des citoyens natifs. Les immigrants qui entrent grâce au programme des « étrangers temporaires » ou au programme de « mobilité internationale » obtiennent des salaires comparables à ceux des Québécois en moins de trois ans.
Pour réaliser cette étude, Pierre-Carl Michaud s’est basé sur des données de Statistique Canada, de l’Institut de la statistique du Québec et de l’OCDE.
Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.