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En 2024, les banques et autres gestionnaires d'actifs ont détenu des investissements d'une valeur de plus de 33 milliards de dollars dans les principales compagnies pétrolières responsables de 18 % des émissions annuelles de gaz à effet de serre (GES) dans le monde. Tout ça par l'intermédiaire de fonds dits “verts” censés défendre une économie durable, comme le révèle une enquête menée par Voxeurop et The Guardian. Les fonds en question sont issus d'acteurs majeurs tels que JP Morgan, DWS/Deutsche Bank et BlackRock.
Des “investissements verts” dans le pétrole
L’un des objectifs de l' Accord de Paris est “d'aligner les flux financiers vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre et un développement adapté aux enjeux climatiques”. Cependant, et malgré le soutien public qu’a reçu le texte, de nombreux gestionnaires d'actifs internationaux continuent de financer certaines des entreprises de combustibles fossiles parmi les plus émettrices de carbone au monde par le biais d'investissements commercialisés comme étant “verts”.
Les fonds “verts” que nous avons identifiés sont ceux qui publient leurs informations en vertu du règlement de l'UE sur le financement durable (SFDR), entré en vigueur en 2021. Les articles 8 et 9 de la SFDR traitent respectivement de la promotion d'objectifs “environnementaux ou sociaux” et “d'investissements durables”.
La loi s'applique à toutes les institutions financières, qu'importe leur nationalité, dès lors qu'elles opèrent sur le marché financier de l'UE (le plus grand du monde). En effet, les institutions financières établies à l’origine aux Etats-Unis et au Royaume-Uni représentaient une part importante du total, investissant respectivement 9,1 milliards de dollars et 6,6 milliards de dollars, soit 46 % du total.
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En tout, les dix institutions financières qui investissent le plus dans les combustibles fossiles via des fonds concernés par les articles 8 et 9 comptent pour 12,6 milliards de dollars, ce qui représente plus de 40 % des investissements verts dans les grandes sociétés émettrices de carbone. Nos analyses sur la plupart d'entre elles sont disponibles dans nos précédentes investigations.
Les gestionnaires d'actifs continuent d'investir dans les grandes sociétés d'énergie fossile tout en conservant leurs classifications SFDR, qui permettent ces placements. “Il est extrêmement malsain que des banques et des gestionnaires d'actifs investissent des milliards dans de grandes entreprises de combustibles fossiles sous l'étiquette 'investissement vert' alors que nous devons accélérer les investissements dans les énergies décarbonées, dans l'efficacité carbone et dans les technologies d'élimination du carbone”, regrette Richard Heede, directeur de l’Institut pour la responsabilité climatique (Climate Accountability Institute).
Dans le cadre de notre enquête, nous avons analysé les investissements “verts” réalisés dans 37 sociétés d'énergies fossiles répertoriées dans le rapport Carbon Majors. Parmi elles, 34 sont détenues par des investisseurs et représentent 80 % des émissions carbone de l’ensemble du secteur boursier de l’énergie fossile. Nous avons utilisé les données du dernier trimestre 2024 et du premier trimestre 2025 pour les entreprises cotées en bourse nommées dans le London Stock Exchange Data & Analytics.
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Les dix principaux émetteurs de carbone : TotalEnergies, Shell, ExxonMobil, Chevron, BP, Lukoil, Equinor et les trois sociétés majoritairement détenus par leurs Etats respectifs, Saudi Aramco (Arabie saoudite), Coal India (Inde) et Abu Dhabi National Oil Company (Emirats arabes unis), représentaient 60 % de tous les investissements verts, pour un total de 21 milliards de dollars. Sur ce montant, 18 milliards de dollars concernent les entreprises du top cinq selon un classement de 2023 pour la production de pétrole et de gaz parmi les entreprises détenues par des investisseurs.
Ces entreprises étaient responsables de 13 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2023, soit deux fois les émissions annuelles de toutes les autres entreprises publiques et privées opérant en Europe. Parmi les autres investissements conformes aux règles de l'UE en matière de finance durable qui sont réalisés par ces fonds figurent la société américaine Devon Energy, spécialisée dans la fracturation hydraulique, et la société canadienne Suncor, qui exploite des sables bitumineux.
“Engagement positif” vs “désinvestissement”
Les investisseurs affirment souvent que le fait de détenir des actions de ces entreprises leur permet d'influencer la poursuite des objectifs climatiques par une “approche d'engagement positif plutôt que par une politique d'exclusion (ou de désinvestissement)”.
Toutefois, les règles de l'UE en matière de finance durable n'exigent aucune transparence des gestionnaires d'actifs quant à leurs pratiques en matière d'engagement positif. Jusqu'à présent, aucune des principales compagnies pétrolières et gazières n'a établi de plan de développement qui s'aligne sur les objectifs climatiques internationaux. En effet, selon un rapport de Carbon Tracker publié en avril 2025, plusieurs d'entre elles ont revu leurs ambitions à la baisse au cours de l'année.
“Nos enquêtes ont révélé que 50 % des Européens souhaitent avoir un impact sur leurs investissements (verts). Cependant, ces personnes sont systématiquement induites en erreur”, explique Nicola Koch, responsable de la distribution et des investissements d'impact à l’Observatoire de la finance durable. C'est pourquoi la plateforme de l’UE sur la finance durable, un organe consultatif de la Commission européenne, “a plaidé clairement en faveur de l'intégration de cet impact dans le cadre de la finance durable”, ajoute-t-il.
Les législateurs de l'UE souhaitent promouvoir la transparence concernant le niveau de performance climatique (et d'autres aspects socio-environnementaux) des produits financiers, afin d’encourager les investissements dans des projets plus propres – aidant ainsi les pays de l'UE à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.
Cependant, un certain nombre de failles et une application laxiste de la réglementation européenne ont permis des investissements massifs dans des activités polluantes, comme l’a précédemment révélé Voxeurop. Pendant ce temps, les labels mis en place par l'UE ont été utilisés pour mettre en valeur les références environnementales (souvent fausses) des produits financiers.
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Jusqu'à présent, cette situation a résisté à toutes les tentatives d'y mettre un terme. L'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) a appelé à des réformes radicales pour lutter contre le greenwashing. En août 2024, elle a durcit ses directives concernant l'utilisation des termes liés à la durabilité et aux critères ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans les noms de fonds, interdisant aux fonds disposant d’investissements importants dans les combustibles fossiles de se qualifier de “verts”, “d'ESG” ou de “durables”.
La date limite pour se mettre en conformité était le 21 mai 2025. Si ces directives ne sont pas juridiquement contraignantes, les régulateurs financiers nationaux pourront tout de même, à partir du 21 mai, exiger des entreprises qu'elles déclarent publiquement si leurs produits sont en règle et pourraient choisir de sanctionner toute violation des lignes directrices. Comme le montre le tableau de conformité fourni par l'AEMF, la plupart des autorités nationales ont décidé de se conformer à ces nouvelles directives.
Plusieurs gestionnaires d'actifs ont déjà renommé leurs fonds (ou sont en train de le faire) pour s'aligner sur les directives de l'AEMF. BlackRock et JP Morgan Asset Management ont annoncé respectivement en mars et en avril qu'ils allaient supprimer des mots tels que “durable” et “ESG” de certains noms. Certains militants affirment cependant qu'ils auraient pu agir plus tôt. JP Morgan, DWS, LGIM et State Street ont refusé tout commentaire.
En mars 2025, soit moins de deux mois avant l'entrée en vigueur de ces nouvelles recommandations de l'AEMF, au moins deux milliards de dollars de fonds n'étaient toujours pas aux normes. Parmi les fonds avec les investissements les plus importants dans les combustibles fossiles, on retrouvait alors “MSCI Europe Climate Pathway” de L&G (88 millions de dollars dans BP, Shell et TotalEnergies) ou “Sustainable Global Stars” de Robeco, avec 40 millions de dollars d'investissements dans TotalEnergies.
Les recommandations de L'AEMF précisent aussi que les fonds contenant des mots en lien avec une transition combinés à un terme environnemental devront s'assurer que les investissements “suivent une voie claire et mesurable vers la transition sociale ou environnementale, ou sont réalisés dans le but de générer un impact social ou environnemental positif et mesurable parallèlement à un rendement financier”. Cela comprend de fonds comme “Cardano ESG Transition” qui investit 25 millions de dollars dans des entreprises de combustibles fossiles, ou encore “iShares MSCI Europe ESG CTB Enhanced” et ses 160 millions de dollars dans TotalEnergies, Equinor, ENI, Repsol, Aker, EQT et OMV, et pour lequel CTB signifie carbon transition benchmark (“référence en transition carbone”).
Toutefois, certains experts critiquent cet aspect des directives. Selon eux, les grandes compagnies pétrolières seraient en train de se retirer de leurs engagements en matière d'énergie renouvelable.
“Les entreprises qui soutiennent activement des projets d'expansion des combustibles fossiles constituent un obstacle majeur à la transformation des marchés européens de l'énergie. Elles ne devraient pas être éligibles à des fonds ESG, y compris des 'fonds de transition' dans le cadre du SFDR”, affirme Fiona Hauke, chercheuse à Urgewald, qui commente les recommandations pour améliorer le SFDR qu’elle a récemment publiées avec le WWF.
“Si un fonds se prétend 'vert', détenir des investissements dans de grandes entreprises de combustibles fossiles devrait être une ligne rouge”, explique Giorgia Ranzato, responsable des questions de finance durable pour l’organisation Transport & Environment (T&E). “Etant donné que les principales compagnies pétrolières ne contribuent pas de manière significative à la transition énergétique, tout investissement dans de telles entreprises par un fonds vert relève essentiellement du greenwashing. Pour lutter efficacement contre ce phénomène, T&E, ainsi que d'autres organisations plaident en faveur d'un examen approfondi du SFDR.”
Assez pour empêcher le greenwashing ?
“La gestion des fonds de BlackRock est en accord avec leurs objectifs d'investissement, qui sont clairement divulgués dans le prospectus de chaque fonds et sur le site internet de BlackRock”, répond un porte-parole de BlackRock. “Nos fonds durables sont gérés conformément à la réglementation applicable. Pour les investisseurs qui ont des objectifs d'investissement décarbonés, nous proposons une gamme de produits compatibles avec une telle orientation”.
Contacté par Voxeurop, un porte-parole de Robeco affirme que le fonds Sustainable Global Stars va supprimer le terme “durable” (“sustainable”) de son nom. Il a aussi déclaré que le fonds avait une empreinte carbone 20 % supérieure à celle de l'indice de marché et que la société avait un “engagement productif et intensif” avec TotalEnergies.
“Ces directives sont loin d'être suffisantes pour prévenir le greenwashing dans les fonds d'investissement”, tempère Paul Schreiber, analyste des politiques pour l’ONG Reclaim Finance. “Les gestionnaires qui ne veulent pas modifier la composition de leurs fonds pour qu'ils correspondent aux directives peuvent simplement changer de nom. Cela signifie que les investisseurs qui souhaitent éviter les combustibles fossiles doivent rechercher des fonds portant un label 'durable' ou 'environnemental', sinon ils pourraient se retrouver à investir dans des sociétés pétrolières par erreur.”
“Nous avons besoin de règles strictes qui interdisent les investissements dans les entreprises développant des combustibles fossiles à partir de tout fonds ayant une description ESG”, ajoute Schreiber. “C'est précisément ce que le SFDR n'a pas réussi à faire. Dans ce contexte, la nouvelle réglementation doit inclure des exclusions strictes des combustibles fossiles pour toutes les catégories de fonds.”
Selon un porte-parole de l'AEMF, “notre objectif est d'aider [les autorités nationales] à mettre en œuvre les directives actuelles, car elles n'entrent en application aux fonds existants que le 21 mai. À l'avenir, si nécessaire, nous évaluerons la possibilité de les modifier en collaboration avec les autorités compétentes, tout en tenant compte des développements potentiels dans l'examen du SFDR”.
TotalEnergies a répondu que la société soutenait les objectifs de l'Accord de Paris et que sa stratégie s'inscrivait dans l'objectif d'une hausse de la température planétaire inférieure à 2°C. Shell a refusé de commenter. D'autres entreprises de combustibles fossiles n'ont pas fait suite à nos sollicitations.
Edition: Harry Bowden, Gian-Paolo Accardo
🤝 Cet article fait partie d'une enquête coordonnée par Voxeurop avec le soutien de Journalismfund Europe. Il est publié en partenariat avec The Guardian.
