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Au moment où le nombre d’élèves ne cesse de croître dans le réseau scolaire québécois, des projets de construction et d’agrandissement d’écoles sont mis sur pause, sur fond de compressions budgétaires. Or, réaliser ces projets plus tard coûtera plus cher, sans compter les impacts à court terme sur des milliers de jeunes, préviennent des architectes, des ingénieurs et des acteurs du réseau scolaire en quête de solutions pour réaliser à l’avenir ces chantiers plus rapidement et à moindre coût. Dernier article d’une série de trois.
Il coûte parfois deux fois moins cher de construire une école privée qu’une école publique au Québec. Une série d’experts qui travaillent sur de telles infrastructures appellent ainsi le gouvernement à réduire la « lourdeur bureaucratique » associée aux chantiers qu’il finance et à mettre en place des mesures pour réduire la fréquence des dépassements de coûts en cours de route.
La construction d’une école secondaire privée carboneutre à Dorval par le Collège Sainte-Anne, achevée en pleine pandémie de COVID-19, en 2022, a coûté 27 millions de dollars. La superficie du bâtiment étant de 60 000 pieds carrés, il en a donc coûté 450 $ le pied carré pour concevoir et bâtir cette école, a constaté Le Devoir.
Deux ans plus tard, en août dernier, le Centre de services scolaire de la Pointe-de-l’Île (CSSPI) inaugurait l’école secondaire aux Mille-Voix à Montréal-Nord. L’imposant bâtiment de 269 097 pieds carrés a coûté 270 millions de dollars à construire, soit 1003 $ le pied carré. « C’est le budget total du projet, incluant le terrain, la conception et la construction », indique le CSSPI.
C’est donc 2,2 fois plus d’argent par pied carré que ce qui a été dépensé par le Collège Sainte-Anne pour la conception et la construction d’une nouvelle école secondaire.
« La comparaison entre projets demeure particulièrement complexe, en raison de la multitude de variables contextuelles, techniques et économiques à prendre en compte pour qu’une telle analyse soit réellement significative », prévient l’architecte Hugo Gagnon, de Neuf Architectes. Le ministère de l’Éducation note pour sa part qu’il « ne possède pas d’information à l’égard des constructions d’écoles privées lui permettant de dresser un tel constat » — soit que celles-ci coûteraient moins cher à construire que les établissements publics.
Photo: Adil Boukind Le Devoir
La construction d’une école secondaire privée carboneutre à Dorval par le Collège Sainte-Anne, en 2022, a coûté 27 millions de dollars.
Lourdeur bureaucratique
La plupart des six architectes joints par Le Devoir dans le cadre de ce reportage conviennent toutefois qu’il est généralement moins coûteux de réaliser une école privée que publique au Québec puisque la première n’est pas assujettie à une lourdeur bureaucratique aussi ample.
« Je pense qu’il y aurait lieu de s’asseoir pour comparer, puis de voir s’il n’y aurait pas moyen de réduire la lourdeur administrative des projets au public. On va manquer de place dans nos écoles publiques et privées très rapidement. Et puis, d’après moi, s’il y avait une façon d’accélérer les chantiers pour faire en sorte que ça coûte moins cher à l’État, nous, on est toujours prêts à collaborer puis à partager les meilleures pratiques », souligne le président de la Fédération des établissements d’enseignement privés, David Bowles.
Selon lui, il ne fait pas de doute que cela coûte « vraiment moins cher » de construire une école privée au Québec. Cela s’explique notamment par le fait que, dans le secteur public, tout projet d’école évalué à plus de 50 millions de dollars doit faire l’objet d’une supervision rigoureuse de la part de la Société québécoise des infrastructures (SQI), qui gruge un certain pourcentage du budget de ce chantier en frais de gestion, lesquels peuvent s’élever à eux seuls à des millions de dollars.
« Est-ce qu’il y a des centres de services scolaires qui ont les moyens, la capacité de construire des écoles [sans l’intervention de la SQI] et [alors ça pourrait être] moins coûteux en frais de gestion et en coordination de projets ? » se demande Roch-André Malo, directeur général du Centre de services scolaire des Mille-Îles (CSSMI), dans les Laurentides. « Je pense qu’on pourrait être beaucoup plus performant » si on revoyait la « structure qui est en place » actuellement, ajoute-t-il.
Un cadre serré à respecter
Les architectes déplorent eux aussi le cadre rigide qu’ils doivent respecter dans la planification des écoles publiques.
Actuellement, illustre Patric Sabourin, de la firme TLA Architectes, si Québec demande qu’une école ait une dimension de 5900 mètres carrés, les architectes doivent à tout prix respecter le cadre soumis — même si une école légèrement plus grande pourrait, dans certains cas, coûter moins cher à construire, en ayant une forme plus facile à concevoir.
« Il y a comme un non-sens là-dedans », déplore l’architecte, selon qui « la machine publique fait [en sorte] que ça peut coûter plus cher », de construire une école publique, en raison des « restrictions » qui doivent être respectées. Des contraintes qui influencent parfois les soumissions que font les entrepreneurs. « Un entrepreneur général qui soumissionne dans les marchés publics sait qu’il y aura plus de lourdeur et de processus administratifs sophistiqués, complexes et rigoureux qu’il devra respecter », souligne la directrice générale de l’Association des architectes en pratique privée du Québec, Lyne Parent. « L’entrepreneur, sachant ça, c’est sûr que ça va jouer sur son prix. »
Les architectes contactés notent d’ailleurs que l’obligation pour les organismes publics de sélectionner dans leurs appels d’offres le plus bas soumissionnaire conforme a pour effet d’inciter des entrepreneurs généraux à proposer le prix le plus bas possible afin d’être choisis, puis à aller chercher des failles dans les plans et devis qui leur permettront de récolter des sommes supplémentaires pendant la réalisation du projet. La facture finale s’en retrouve alors gonflée.
« C’est souvent la règle du plus bas soumissionnaire qui est difficile à gérer », constate ainsi Geneviève Goudeau, de l’agence d’architecture NFOE. Alors que les écoles privées, elles, ont le luxe de pouvoir choisir leur entrepreneur et de négocier un prix avec lui afin d’éviter des dépassements de coûts imprévus.
Une stratégie qui donne de l’espoir
Conscient de ces défis, le gouvernement du Québec a élaboré l’an dernier la Stratégie québécoise en infrastructures publiques, qui vise à accélérer les chantiers qu’il finance et à réduire leurs coûts. Celle-ci prévoit notamment un recours accru à des bâtiments préfabriqués et veut « simplifier l’utilisation de modes de réalisation s’appuyant sur la collaboration ».
« On met tout le monde autour de la table en misant sur une meilleure coordination de tous les intervenants », et ce, en permettant notamment aux architectes et aux entrepreneurs généraux de travailler ensemble sur l’évaluation budgétaire et la réalisation de certains projets, explique Lyne Parent, qui voit d’un bon œil la mise en œuvre de cette approche.
Au bout du compte, « tout le monde a intérêt à arriver à une entente amenant des profits à tout le monde », lance le président-directeur général de la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec, Éric Côté, selon qui le modèle collaboratif proposé, s’il se concrétise à large échelle dans le secteur public, ne fera que des gagnants.