• Accueil
  • Société
  • Démarchage téléphonique : ce que va changer la loi qui doit être votée au Sénat

La loi interdisant totalement le démarchage téléphonique sans consentement doit être définitivement adoptée ce mercredi au Sénat. Il va pourtant encore falloir patienter de longs mois avant son entrée en vigueur… Explications.

La rédaction - Aujourd'hui à 06:45 - Temps de lecture :

La loi votée ce mercredi au Sénat devrait mettre fin au démarchage téléphonique intempestif. Mais pas tout de suite… Photo d'illustration Sipa/Adil Benayache La loi votée ce mercredi au Sénat devrait mettre fin au démarchage téléphonique intempestif. Mais pas tout de suite… Photo d'illustration Sipa/Adil Benayache

Une entreprise ne pourra bientôt plus vous solliciter par téléphone, sauf si vous y avez expressément consenti. Après un vote à l’Assemblée nationale, la loi « renforçant la lutte contre les fraudes aux aides publiques » doit être votée au Sénat ce mercredi après-midi. C’est dans ce texte très attendu que figure justement la fin du démarchage commercial non consenti.

Pourquoi cette loi ?

Objectif : mettre fin aux six appels que les Français reçoivent en moyenne chaque semaine - c’est parfois bien plus, selon les statistiques officielles - qui indisposent de plus en plus les Français. « Les gens n’en peuvent plus, et c’est au travers de ces démarchages qu’on retrouve des fraudes, des arnaques, et donc il est important que ça soit interdit », avait déclaré la députée Delphine Batho pour justifier l’interdiction. Elle avait pointé l’inefficacité du dispositif Bloctel, lancé en 2016 pour protéger les consommateurs contre les appels intempestifs.

Des chiffres éloquents

Les chiffres sont parlants : selon une étude réalisée en mai 2025 par Notify (*), près d'un Français sur deux estime que le démarchage téléphonique « a augmenté » en 2025 (45,8 %). Un tiers - soit 32,4 % - estime recevoir entre trois et cinq appels de démarchage par jour, quand 15,1 % évoquent plus de six appels quotidiens ! Résultat : près d'un Français sur trois (30,8 %) déclare... ne plus répondre du tout aux numéros inconnus, dans le but de se préserver. 

(*) Étude réalisée en interne par Notify. 1 153 personnes âgés de 18 ans et plus ont répondu à l’enquête, selon la méthode des quotas (sexe, âge, région), via un questionnaire auto-administré en ligne.

Que contient le texte ?

Le principe de la nouvelle loi est simple : quel que soit le secteur d’activité de l’entreprise, celle-ci ne pourra plus démarcher par téléphone un client qui n’aura pas explicitement donné son accord pour cela. Chaque entreprise pourra solliciter ce précieux consentement à sa façon, mais il ne pourra s’agir que d’un « acte positif clair ». Finie l’ambiguïté des cases devant un texte fourre-tout en petits caractères : « Le consommateur devra cocher une case affirmant qu’il souhaite être rappelé à des fins commerciales. Il devra également indiquer ses coordonnées téléphoniques. Cela ne pourra pas être fait à son insu », insiste le sénateur (divers droite) Pierre-Jean Verzelen, à l’origine du texte, auprès du Parisien.

Autre nouveauté prévue par cette loi : un démarcheur - si vous l’avez autorisé à vous contacter - pourra désormais vous appeler en dehors des horaires autorisés par le décret de 2023 (du lundi au vendredi, de 10 à 13 heures et de 14 à 20 heures). Mais il devra se soumettre aux horaires que vous aurez vous-même choisis. Enfin, une entreprise dont vous êtes client sera toujours autorisée à vous joindre, mais uniquement pour des points relatifs au contrat en cours.

Quelles sanctions ?

Dès que le texte sera entré en vigueur, les entreprises devront pouvoir prouver qu’elles disposent de l’accord du client qu’elles démarchent. Comme aujourd’hui, certaines s’affranchiront sans doute de leurs obligations, soit par méconnaissance, soit volontairement. Mais elles risqueront gros : les peines ont en effet été renforcées, pour atteindre 75 000 euros d’amende pour une personne physique et 350 000 euros pour une personne morale. Avec même jusqu’à 500 000 euros d’amende et jusqu’à cinq ans de prison en cas d’abus de faiblesse…

La Répression des fraudes (DGCCRF), la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) et l'Autorité de régulation des télécoms (Arcep) seront en charge des contrôles. Elles pourront « se communiquer mutuellement les documents détenus ou recueillis dans l’exercice de leurs missions, et nécessaires à la recherche et à la constatation des infractions », explique Bercy. Le sénateur Pierre-Jean Verlezen estime qu’il va falloir « taper fort et vite, dès le début : en Allemagne, une telle loi a été votée depuis près de 10 ans, mais elle n’est opérationnelle que depuis deux ans, date à laquelle les peines ont été réellement appliquées ».

Pourquoi va-t-il falloir attendre ?

Et d’ailleurs… vous n’en avez pas encore fini avec les démarcheurs : votée ce mercredi, la loi n’entrera en vigueur que le 11 août… 2026. Pour au moins deux raisons : d’abord, l’État veut éviter de payer les pénalités de rupture de contrat qui le lie avec Bloctel jusqu’à cette date. Ensuite, ce délai permet aux entreprises de s’organiser pour en finir avec le démarchage téléphonique tel qu’il existe aujourd’hui… et inventer celui de demain.

Enfin, il faudra compter avec les éternels escrocs, avant comme après 2026 : dissimulés derrière des numéros en 06, 07 ou 09 depuis l’étranger, ils ne respectaient pas la loi actuelle… et risquent de ne pas davantage respecter la nouvelle.

Quel impact sur l’emploi ?

Face à la « menace sur l’emploi » brandie par les entreprises, jamais la loi n’était allée aussi loin. Mais cette fois, aucun secteur, aucune activité ne sera épargnée par le nouveau texte. Au total, les centres d’appels installés en France emploient environ 50 000 personnes. La Fédération de la vente directe estime que 150 000 emplois pourraient être « fragilisés », directement ou indirectement. Mais ces chiffres englobent le service après-vente ou le service client des entreprises, pas seulement le démarchage « à l’aveugle » - loin de là.

De nombreuses entreprises se satisfont d’ailleurs de cette loi, qui leur permettra de contacter leurs clients sans être confondus avec des démarcheurs illicites… C’est le cas d’Orange, dont le directeur des Affaires publiques s’est confié au Parisien : « Tant mieux si cette plaie prend fin ! C’est d’ailleurs pour lutter contre le démarchage téléphonique que nous avons créé l’application gratuite Orange Téléphone, qui permet à chacun — qu’il soit ou non notre client — d’être informé s’il s’agit d’un appel commercial. »