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Julien Briot-Hadar, auteur et fondateur de BH Compliance Consulting, et Christian Eckert, ancien secrétaire d’État chargé du Budget, expliquent dans une tribune comment l'intelligence artificielle peut être utile dans la lutte contre la fraude fiscale, malgré certains obstacles.
Ces dernières années, de nombreux scandales successifs se sont retrouvés au cœur de l’actualité des Offshore Leaks aux Dubai Leaks, en passant par les Panama Papers ou les Football Leaks. Ces scandales successifs qui, tous, révèlent l’existence de structures juridiques prétendument légales, constituent des outils de contournement de toute forme de régulation et, in fine, des armes de destruction des États de droit.
Ainsi, au cœur des montages, c’est la possibilité de créer des entités opaques qui permet de contourner notamment les obligations fiscales des entreprises et, dans une moindre mesure, celles de particuliers. Ce sont ces mêmes constructions qui permettent au blanchiment, à la corruption et au financement du terrorisme de prospérer et de menacer les États de droit, rendant inopérantes toutes les conventions internationales sur lesquelles elles reposent. Combattre la fraude fiscale devient de plus en plus complexe, aussi bien pour l’inspecteur des finances que pour le législateur.
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L’obligation de payer des impôts ne doit pas être à géométrie variable. Certains fraudent intentionnellement les administrations fiscales tandis que d’autres, plus ingénieux, ou peut-être plus risquophobes, pratiquent l’optimisation fiscale, souvent via des rescrits fiscaux. L’optimisation fiscale est légale, bien que profondément immorale.
Utiliser une blockchain
Ce fléau relie la fraude fiscale ainsi que l’optimisation fiscale au « village des paradis fiscaux ». Les administrations fiscales se heurtent ici au conflit qui existe entre d'une part, le cumul des intérêts des multinationales et celui des centres financiers offshore – ceux-ci recherchant un maximum de puissance financière – et, d’autre part, l’intérêt des États qui cherchent les assiettes imposables que génèrent les activités qu’ils hébergent. Lorsque les États-Unis ont imposé une obligation d’informations pour les banques, les fonds d’investissement, les sociétés d’assurance à travers le monde pour les contribuables américains domiciliés en dehors des États-Unis, via la réglementation Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA), l’UE n’a rien fait pour mettre en place un dispositif symétrique, malgré la présence sur le sol américain de plusieurs centres financiers extraterritoriaux (Delaware, Nevada et Wyoming). L’arme fiscale est donc bel et bien utilisée par les États-Unis, qui attirent certains fraudeurs fiscaux.
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Pour réduire effectivement la fraude fiscale, les gouvernements, et notamment le gouvernement français, doivent recourir à un couple « intelligence artificielle (IA) + expertise métier », comme l’explique Julien Briot-Hadar, dans son dernier ouvrage Lutter contre la fraude fiscale en entreprise, publié aux éditions Vuibert. La première étape serait d’utiliser une blockchain dédiée. La blockchain est une chaîne de blocs ou conteneurs numériques, dans lesquels sont stockées des informations de toute nature. On peut dire que c’est un registre numérique inaltérable, bâti sur la base d'un consensus entre les participants dans toutes les étapes ou séquences d'une opération.
Pour garantir la fiabilité et l’intégrité des données, la blockchain fait appel à des « mineurs », choisis parmi ses intervenants (institutions financières, personnes morales, personnes physiques, etc.) qui, suivant des règles prédéfinies valident les informations avant de les inscrire (pour toujours) sur la blockchain. Les blocs d’informations, horodatés et ajoutés à la chaîne, ne peuvent plus être modifiés. Tous les intervenants contribuent à l’enrichissement de la base de données. La blockchain serait utilisée en vue de créer un registre numérique européen accessible à l’ensemble des administrations fiscales nationales et répertoriant l’ensemble des transactions. Créer un registre numérique international semble difficilement réalisable, du fait de la pression politique et des signatures trop récentes des conventions d'assistance administrative en matière fiscale. Les mineurs pourraient être les salariés de la société SWIFT.
La possibilité du Machine Learning
La deuxième étape consisterait à utiliser le machine learning, outil permettant aux machines d’apprendre sans avoir été au préalablement programmées. Il permettrait d’appuyer les administrations fiscales nationales et de repérer tous les actifs non déclarés par les contribuables. Ne l’oublions pas, le contrôle fiscal exige une phase préalable de recueil d’informations. Pour la DGFIP (Direction générale des finances publiques), il s’agit notamment de faire émerger les insuffisances de déclaration de recettes, les domiciliations fictives, les fraudes à la TVA (carrousels), etc. L’utilisation de l’IA et du datamining pour la lutte contre la fraude à la TVA semble particulièrement judicieuse.
Les services de l’administration fiscale peuvent utiliser plusieurs types de procédures de collecte d’informations : le droit de communication qui permet d’obtenir des documents auprès d’entreprises, d’administrations ou d’organismes divers et le relevé d’informations comptables ; le droit d’enquête qui permet de rechercher les infractions aux règles de facturation auxquelles sont soumis les assujettis à la TVA ou encore la procédure de visite et de saisie. La mission de recherche de l’information est donc primordiale. Cette proposition nécessite bien évidemment les efforts de toutes les administrations et une adaptation des cadres normatifs à cette nouvelle pratique.
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Un premier obstacle pourrait venir du manque de coopération de certains pays et du fait que chaque pays est souverain de sa politique fiscale (le fameux « secret fiscal »). Mais des mesures contre-incitatives pourraient être, à ce moment, mises en place contre les pays récalcitrants. Le deuxième obstacle, d’ordre juridique, a été soulevé en septembre 2021 par le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique de France.
Des obstacles à franchir
À ce moment, l’exécutif français a demandé son avis à la Commission nationale informatique et liberté (CNIL) en charge de ces sujets et celle-ci s’est montrée moins enthousiaste que les autorités fiscales. Tout en acceptant l’importance de la recherche d’infractions et constatant que le projet contenait certaines garanties sur le traitement non automatisé et le nombre limité d’infractions qui seraient sanctionnées, la CNIL a mentionné expressément des réserves afin de préserver un équilibre entre l’objectif de lutte contre la fraude fiscale et le respect des droits et liberté de personnes. C’est sa mission. Encore récemment, l’institution a réitéré ses commentaires relatifs au contrôle strict des données collectées en fonction de leur destination (lutte exclusive contre la fraude / aide à la régularisation des erreurs) pour respecter la proportionnalité des dispositifs. Elle doit s’accompagner d’un contrôle approfondi du juge.
Bien sûr, le contrôle du législateur est indispensable et la proportionnalité doit être maintenue. Ainsi, seules les données nécessaires à la détection de fraude doivent être utilisées et le contribuable doit pouvoir accéder aux contenus, aux traitements et à la nature des données.
Mais cette technologie ne remplacera pas l’expertise des agents de la DGFIP. L’intelligence artificielle doit consister uniquement en une aide pour l’administration fiscale. En effet, il appert comme étant essentiel de laisser une place à l’humain et à la surveillance humaine afin de ne pas tomber dans un processus qui pourrait vide se révéler incontrôlable. Anticiper des suppressions d’emplois au contrôle fiscal du fait du développement de l’IA apparaît donc risqué, même s’il faut évidemment investir dans ces outils. C’est l’expertise humaine qui alimente l’algorithme, ne l’oublions pas. Et l’algorithme ne peut être qu’un outil au service du travail humain. Rappelons-le, un inspecteur de la DGFIP coûte entre 50 000 et 100 000 euros par an selon son profil mais peut rapporter beaucoup plus. Il est de facto hors de question de faire du contrôle fiscal automatisé.
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Enfin, l’équité algorithmique (autrement dit, l’absence de tout favoritisme ou discrimination à l’égard d’un individu ou d’un groupe formé par des caractéristiques innées ou acquises) est primordiale en vue d’éviter tout biais algorithmique. L’administration fiscale néerlandaise avait malheureusement oublié ce principe. La mise en place de l’outil d’intelligence artificielle intitulé SyRI (Systeem Risico Indicatie) a été considérée comme discriminatoire. En effet, les personnes de nationalité non néerlandaise issues de quartiers défavorisés ont été ciblées bien plus que les personnes de nationalité néerlandaise. Les recherches menées par l’administration fiscale elle-même ont montré que le personnel avait pour instruction de fonder le risque de fraude sur des éléments tels que la nationalité des individus. Le jeu de données était dès lors biaisé, dès le début, par les critères du profil de risque élaborés par l’administration fiscale. Ipso facto, le 5 février 2020, le tribunal a jugé que l’usage du système d’intelligence artificielle Systeem Risico Indicatie devait prendre fin.