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Deux ans après une mémorable présentation de L’Orfeo en 2023, Leonardo García Alarcón et sa Cappella Mediterranea revenaient proposer un opéra de Monteverdi au Festival de Lanaudière. Plusieurs vents adverses ont soufflé sur ce Couronnement de Poppée qui a fini par transporter les auditeurs dans le même état d’émotion, de félicité et d’éblouissement.
Fortune, Vertu et Amour se querellent lors du prologue du Couronnement de Poppée, mais maintes contrariétés ont pesé sur la présentation de l’opéra de Monteverdi à Lanaudière.
Comme l’expliquait samedi au Devoir le directeur artistique du festival, Renaud Loranger, ces grands projets internationaux impliquent l’engagement de partenaires nord-américains. Or, la semaine dernière, la partie étasunienne de la tournée a dû être annulée faute de réception de tous les visas (une situation déjà très tendue pour les artistes, de manière générale, en 2024 qui ne fait qu’empirer). Le groupe qui présentait Le couronnement de Poppée à Namur en Belgique vendredi soir a pourtant tenu à prendre l’avion et à honorer son engagement avec le festival.
Aléas divers
Ici, le temps très orageux et la pluie, qui n’a pas manqué de tomber abondamment, ont privé les organisateurs du public de la pelouse. De plus, aux prises avec des problèmes physiques, le violoniste de la Capella a été remplacé héroïquement par Pascale Giguère.
Comme si ce n’était assez, des problèmes d’amplification et de sonorisation se sont mis de la partie. Sophie Junker, handicapée par un refroidissement, a été, en plus, dans ses cinq premières minutes enterrée, par une amplification moindre que celle de ses collègues. Ensuite, pendant le premier duo Poppée-Néron on entendait, par retour sonore de la pelouse, ce qui semblait être l’échauffement en coulisses d’Ottavia pour son air suivant, incident reproduit quelques minutes plus tard, avec un autre protagoniste, lors du trio Ottavia, Sénèque, Valletto.
C’est dire que, pour un bon bout de temps, on était loin d’être sur le petit nuage de L’Orfeo de 2023. Puis, la magie a fait son œuvre, une magie portée par une merveilleuse et habile distribution et pilotée par Leonardo García Alarcón, musicien de génie, véritable sorcier qui nous a amenés, méthodiquement, par la grâce de Monteverdi, à une extase musicale dans le « Pur ti miro, pur ti godo » du duo final.
Nous n’avons pas l’espace de nous lancer ici dans une exégèse de l’œuvre, ou une analyse du livret, leçon de vie sur la nature humaine, qui, par ailleurs, aurait renvoyé, à travers le personnage et quelques répliques de Néron (« je me moque du peuple et du Sénat ») un singulier miroir à l’Amérique de notre temps. Il faut savoir que Le couronnement de Poppée laisse une très grande marge au chef sur l’agencement du spectacle, les voix auxquelles on distribue les rôles et sur l’orchestration.
L’orchestre au cœur
Dans cette présentation, Leonardo García Alarcón élague et resserre autour de l’interaction entre les personnages. On passe grosso modo de 3h30 à 2h40 sans rien perdre. De toute façon, l’avis du chef, tel qu’exprimé il y a quelques années, est que Monteverdi s’est concentré sur l’aspect madrigalesque et opératique de l’œuvre et a délégué le « crémage » à des disciples, comme un peintre à son atelier.
La magie García Alarcón est la manière dont il « couve » les voix, c’est-à-dire la couleur de l’orchestre (enrichie par deux flûtes et un cornet) et, surtout, la richesse et la force poétique du continuo. Il n’hésite pas à solliciter les instruments pour souligner des effets comiques. L’orchestre est au centre de l’action ; les chanteurs le contournent et se placent devant lui lorsque leur présence est requise.
Leonardo García Alarcón choisit de confier le rôle de Néron à un contreténor. C’est logique et cela fonctionne d’autant mieux grâce à l’opposition entre le timbre « fine lame autoritaire » de Nicolò Balducci et le velouté de son collègue Christopher Lowrey dans le rôle d’Othon, « looser » de service. Même diminuée, Sophie Junker, est une magnifique Poppée de plus en plus en voix au fil du spectacle. La prestation renversante de la soirée a été celle de l’épouse du chef, Mariana Flores, en Ottavia. Il est vrai que Monteverdi l’a gâtée (son dernier « Adieu » !) mais la somme d’inflexions expressives et de dosages vocaux millimétrés dans son air de l’Acte I était stupéfiante.
Tout le monde, vraiment, était excellent : le noble Sénèque de la basse Edward Grint ; le ténor Samuel Boden, qui utilisait certes sa tablette, mais a traduit le sel de ses rôles essentiellement comiques ; l’autoritaire Juliette Mey en déesse Amour qui infléchit le cours des choses, Lucía Martín Cartón en amoureuse Drusilla et tous les comparses. À ce titre, l’excellent ténor Valerio Contaldo était peu sollicité, mais son duo ambigu en poète Lucain avec Nicolò Balducci après la mort de Sénèque fut l’un des temps forts de la soirée.
Le couronnement de Poppée
Opéra de Monteverdi. Avec Sophie Junker (Poppea), Nicolò Balducci (Nerone), Mariana Flores (Ottavia, Virtú), Christopher Lowrey (Ottone), Edward Grint (Seneca), Samuel Boden, (Arnalta, etc.), Lucía Martín Cartón (Fortuna, Drusilla), Juliette Mey (Amore, Valletto), Valerio Contaldo (Lucano, etc.), Riccardo Romeo et Yannis François. Cappella Mediterranea, Leonardo García-Alarcón. Amphithéâtre Fernand-Lindsay, dimanche 6 juillet 2025.