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FIGAROVOX/TRIBUNE - Du 7 au 9 juin, entre Paris et Chartres, près de 30 000 pèlerins âgés de 21 ans en moyenne ont cheminé dans la foi, malgré les vents contraires d’une société matérialiste et indifférente à l’élan spirituel, se réjouit l’agrégé d’histoire, Ambroise Tournyol du Clos.
* Ambroise Tournyol du Clos est professeur agrégé d’histoire. Dernier livre paru : « Rien n’échappe à l’histoire. Dans l’atelier des historiens » (Salvator, 2023).
« Étoile du matin, inaccessible reine,
Voici que nous marchons vers votre illustre cour,
Et voici le plateau de notre pauvre amour,
Et voici l’océan de notre immense peine. »
Ces vers tendres, pathétiques et sublimes, tirés de La Tapisserie de Notre-Dame, Charles Péguy les tissa au printemps 1913 alors qu’il revenait d’un pèlerinage d’action de grâce pour la guérison d’un de ses fils. Un siècle plus tard, dans un pays profondément transformé par la sécularisation, la fête de la Pentecôte continue de jeter sur les mêmes routes de Beauce et d’Île-de-France, trois jours durant, près de 30 000 pèlerins catholiques, de tous âges, de toutes conditions et de tout genre. La jeunesse y tiendra une place de choix, comme l’indique la moyenne d’âge des pèlerins : 21 ans.
Samedi matin, 19 000 marcheurs ont quitté Paris pour rejoindre Notre-Dame de Chartres le lundi de Pentecôte. Célébrant la royauté sociale du Christ et le centième anniversaire de l’encyclique de Pie XI Quas primas, qui en fixait le dogme en 1925, ils rappellent à la France laïque que Dieu n’a pas seulement créé les individus, mais aussi les sociétés humaines (Catéchisme de l’Église catholique, no 2105), et que la foi risque fort de s’épuiser si elle se cantonne au « sanctuaire de la conscience » (pape François, discours d’Ajaccio du 15 décembre 2024).
En sens inverse et dans le même temps, près de 6 000 à 7 000 pèlerins sont partis de Chartres pour arriver à Paris, méditant, en cette année jubilaire, le mystère de la sainteté de l’Église, qui est le Corps du Christ. Mille sept cents ans après le concile de Nicée aboutissant à la rédaction du Credo en 325 après Jésus-Christ, ils se souviennent combien l’Église, en dépit du péché de ses membres, est « une, sainte, catholique et apostolique ». En 1948, Albert Camus, l’athée, disait attendre des chrétiens « qu’ils parlent à haute et claire voix (…) de telle façon que jamais le doute, jamais un seul doute, ne puisse se lever dans le cœur de l’homme le plus simple ». Il sera exaucé.
Fourbus et sûrement poussiéreux, ces pèlerins du XXIe siècle offrent l’usure de leurs pieds, l’inconfort d’un sommeil trop court et la ferveur de leurs Ave Maria pour l’honneur du Christ, de l’Église et le salut des âmes
Ambroise Tournyol du ClosNourris d’une liturgie traditionnelle, silencieuse, digne et profonde, qui a le mérite d’avoir traversé les âges, d’un enseignement doctrinal clair et éprouvé, d’une charité parfois héroïque, ces cœurs généreux s’appliquent à contempler le trésor qui les anime, et puis, très simplement, de le proposer au monde comme de pauvres ostensoirs. Trois siècles et demi après les apparitions du Sacré-Cœur à Paray-le-Monial (1675), ils témoignent de l’amour qui les fait vivre et qui, comme l’exprime saint Thomas d’Aquin à propos du bien, « est diffusif de soi ».
Comment mieux répondre aux vœux que le nouveau pape Léon XIV vient d’adresser aux catholiques de notre pays dans sa toute récente Lettre aux évêques de France ? Le Saint-Père y encourage le « peuple de Dieu qui y pérégrine courageusement, sous les vents contraires et parfois hostiles de l’indifférentisme, du matérialisme et de l’individualisme ». Alors que l’Assemblée vient d’adopter, dans l’indifférence générale, une loi de mensonge banalisant l’euthanasie, livrant le sort des plus faibles aux mains d’une médecine dévoyée, ces trois jours de marche, de prière et de pénitence viennent manifester qu’une autre voie est possible, fût-elle marginale et méprisée.
Fourbus et sûrement poussiéreux, ces pèlerins du XXIe siècle offrent l’usure de leurs pieds, l’inconfort d’un sommeil trop court et la ferveur de leurs Ave Maria pour l’honneur du Christ, de l’Église et le salut des âmes. Mais ils éprouvent aussi la joie des rencontres fraternelles, la liberté de la marche et la fierté du témoignage chrétien dans un pays assoupi. Offrant leurs sourires aux badauds qu’ils croisent, ils changent ces jours crânement chômés en un vin de vigueur propre à réveiller les consciences endormies. En ce lundi de Pentecôte, dans la nef de la cathédrale de Chartres, qui célèbre son jubilé (un millénaire), comme au pied des Invalides, ils s’efforcent certainement, en ruminant à nouveaux frais les mots de Péguy, de renouveler la jeunesse spirituelle de leur cœur et de notre pays, en se nourrissant de la longue histoire de l’Église.
« Deux mille ans de labeur ont fait de cette terre
Un réservoir sans fin pour les âges nouveaux.
Mille ans de votre grâce ont fait de ces travaux
Un reposoir sans fin pour l’âme solitaire. »