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Ce qui devait être une célébration de la joie populaire, de l’appartenance collective et du sentiment d’être encore vivants dans un coin d’Amérique française ressemble de plus en plus à une opération de sécurité publique. La Ville de Saint-Eustache, à l’occasion de la fête nationale du Québec, vient de publier une liste de règlements si exhaustive, si détaillée, qu’elle en est devenue virale — et franchement ridicule.


Pas de chaises, pas de glacières, pas de bouteilles de plastique de plus de 1 litre, pas d’animaux, pas de drapeaux de plus de 30 cm, pas de skateboards, pas de trottinettes, pas de trompettes, pas de klaxons, pas de flûtes. Pas de plaisir spontané, en somme. Même les bâtons sont réglementés. Et pour les rares objets tolérés — les poussettes, les chiens d’assistance, les boîtes à lunch « médicales » — il faut une justification implicite, comme si la présence sur le site était une faveur municipale et non un droit de citoyen.
Les réseaux sociaux ne s’y sont pas trompés : moqueries, détournements, sarcasmes. La Saint-Jean version 2025, à Saint-Eustache du moins, ressemble davantage à un rituel de conformité bureaucratique qu’à une fête populaire. On est bien loin des grands feux de joie, des chansons à boire et de l’esprit des premières fêtes patriotiques. On aurait peine à imaginer les Patriotes de 1837 en train de faire la file pour une fouille de sac réglementaire.
Du réglementarisme à la gérontocratie
Il ne s’agit pas ici de contester le besoin minimal de sécurité dans les grands rassemblements. Mais ce type de publication incarne jusqu’à la caricature une tendance lourde au Québec : l’hyper-réglementation du quotidien, la peur panoptique de l’imprévu, la méfiance envers la jeunesse, le bruit, le risque, l’élan.

Ce n’est pas une coïncidence si cette obsession du contrôle coïncide avec le vieillissement rapide de la population et l’influence accrue des générations retraitées dans la vie politique. Le Québec devient une société gérontocratique — où les décisions sont souvent prises en fonction du confort des plus âgés, au détriment du souffle vital et de la spontanéité. La fête nationale devient alors une cérémonie encadrée, tolérée à condition qu’elle ne déborde pas, qu’elle ne s’étire pas, qu’elle ne dérange pas.
La pandémie comme accélérateur culturel
La crise de la COVID-19 a joué un rôle déterminant dans cette mutation. Le Québec a été l’une des sociétés occidentales les plus restrictives en matière de confinement, de couvre-feu, de contrôle des libertés individuelles. Et cette mentalité de cloisonnement semble s’être prolongée dans la gestion du quotidien. L’exception est devenue la norme. L’hygiénisme bureaucratique s’est transformé en réflexe culturel.
La publication de la Ville de Saint-Eustache ne fait que cristalliser cet esprit : tout doit être prévu, permis ou interdit d’avance, au nom du « vivre-ensemble sécuritaire ». Mais à force de vouloir tout encadrer, on finit par dissoudre l’essence même de ce qu’on prétend célébrer : une fête populaire, spontanée, enracinée dans la joie collective.
Un symptôme plus large
La réglementation excessive de la Saint-Jean-Baptiste n’est qu’un symptôme. Dans plusieurs domaines, la société québécoise semble marcher dans des lignes de plus en plus serrées. Dans les écoles, les administrations, les rues, la parole, l’expression artistique même — tout doit être conforme, aseptisé, sécuritaire, « bienveillant ». Mais une société qui craint son propre feu intérieur, qui transforme ses fêtes en bulletins d’interdictions, est une société en déclin.
Et ce déclin est d’autant plus visible à la Saint-Jean, moment symbolique par excellence de l’identité québécoise. Jadis fête religieuse, devenue fête nationale, elle se retrouve aujourd’hui réduite à une gestion d’événement avec règlement PDF, infographies d’interdictions et vigiles aux portes. Qui célèbre encore? Qui s’y reconnaît?
Vers une reprise du sens?
Il est temps de poser la vraie question : que fêtons-nous encore à la Saint-Jean? Si l’on ne peut plus s’y asseoir, ni crier, ni chanter trop fort, ni même brandir un drapeau de taille respectable, est-ce encore une fête? Ou est-ce devenu un exercice de conformité collective, un réflexe identitaire vidé de son contenu?
Il ne tient qu’à nous de raviver la flamme. Pas seulement en allumant un feu de joie (où ce sera encore permis), mais en réaffirmant que la Saint-Jean est un moment de vitalité, de culture vivante, de retrouvailles désinhibées. Pas un rapport d’événement à signer en trois copies.