Il a 79 ans, l’âge de Trump. Il a le même look que certains de ses électeurs: chemise en flanelle de bûcheronnage, vieille casquette, rouflaquettes blanchies par la route – et il y a un drapeau américain qui flotte vaguement sur le bord de la scène. Neil Young ouvre seul par un morceau d’il y a 50 ans, Ambulance Blues, ballade d’une tristesse sans fond qui enterre l’idéal hippie. Il parle de Nixon: «J’ignorais qu’on puisse mentir autant/Il avait une histoire différente pour chacun.» Quand il chante ça en 2025, Young affiche un air mauvais pour vous faire comprendre qu’il pense à un autre président. C’est l’avantage de survivre. On sait que le pire n’est jamais certain.
Tout s’aligne ce dimanche soir. Même la Terre. Il suffit que le concert commence pour que le ciel se déchire; Neil Young dès la première strophe en appelle à un bateau qui chavire sous la pluie et le public enfile sa pèlerine. C’est un pouvoir comme un autre d’essorer les nuages; on se souvient d’une nuit de Paléo, il y a une dizaine d’années, où le Canadien avait déclenché un déluge de fin du monde et que les bottes n’y suffisaient même plus pour garder les pieds secs. En vieux chamane forain, il affiche sur le rideau de fond de scène la réclame de sa magie: «Love Earth», un cœur vaudou et la fresque d’une Terre qui se noie. Quand il vous somme de devenir pluie et de sauver la Terre un jour de plus (Be the Rain), vous savez qu’il ne plaisante pas. On obéit.