L’adoption, jeudi, par la Chambre des représentants de la méga-loi budgétaire que Donald Trump a baptisée «Big Beautiful Bill» est indéniablement une victoire politique pour le président républicain. Mais elle laissera des traces. Elle va creuser les inégalités déjà abyssales qui divisent la société américaine. Elle va aussi placer la dette publique des Etats-Unis sur une trajectoire dangereuse. La nouvelle législation a fait une autre victime: le Grand Vieux Parti (GOP). Jeudi, le vote des élus républicains s’est résumé à un référendum pour ou contre Donald Trump.
Lire aussi: Les républicains obéissent à Donald Trump et approuvent une loi budgétaire ajoutant 3300 milliards à la dette américaineBien que manifestant certains désaccords, ils ont tous fini par céder au culte du chef, lequel rappelle des périodes tourmentées de l’Histoire. Il ne faut pas avoir peur des mots. Les républicains se sont couchés devant les menaces de Donald Trump, quitte à jeter par-dessus bord les principes qui fondent le conservatisme américain.
Leur attitude en dit long sur l’extraordinaire transformation provoquée par l’occupant du Bureau ovale depuis son investiture pour la présidentielle de 2016. En neuf ans, le parti est entièrement passé sous son contrôle. La dissension est proscrite, ou suicidaire. En devenant la chambre d’enregistrement des souhaits de la Maison-Blanche, le Sénat et la Chambre des représentants à majorité républicaine ont sapé l’un des contrepoids majeurs de la démocratie américaine, dont ils étaient les tenants, et contribué à accroître sans sourciller le pouvoir présidentiel.
Comment ces mêmes républicains peuvent-ils encore se présenter comme les défenseurs de la démocratie quand ils ne disent mot sur des pratiques indignes d’un Etat de droit? Les arrestations brutales de migrants sans papiers par des agents de l’immigration ICE, cagoulés, évoquent les pires dictatures. Des migrants sans casier judiciaire dont les enfants, américains, sont même intégrés dans les forces armées. Comment peuvent-ils rester muets quand Donald Trump humilie des chefs d’Etat dans le Bureau ovale? Comment peuvent-ils approuver la politique tarifaire de la Maison-Blanche et se revendiquer d’un libéralisme économique moderne? Comment peuvent-ils accepter que leur président dénigre la justice quitte à saborder un autre contre-pouvoir? Comment peuvent-ils soutenir Donald Trump quand celui-ci menace l’indépendance de la Réserve fédérale et la stabilité des marchés financiers? Comment, enfin, peuvent-ils, en supposés hérauts de la démocratie, acquiescer à la politique étrangère de Donald Trump, prêt à céder aux desiderata du dictateur Vladimir Poutine, à sacrifier l’Ukraine et l’intégrité territoriale d’un Etat européen?
Lire aussi: Le «Big Beautiful Bill», une trahison de l’électorat MAGAAujourd’hui, il n’est plus question de Parti républicain. Il est temps de le renommer «Parti national-populiste trumpien». C’est la fin d’une époque qui est d’autant plus dangereuse que le système bipartite américain est à genoux, avec un Parti démocrate en crise identitaire, voire existentielle.