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J’ai lu le texte coécrit par une centaine d’universitaires en lien avec la formation courte en enseignement, publié dans Le Devoir dernièrement. Moi qui en suis à ma sixième année d’enseignement, qui ai suivi une partie du programme de formation des maîtres en Ontario, qui ai débuté celui de l’Université du Québec à Montréal et qui suis maintenant le programme court de la TELUQ, j’en ai tiré plusieurs observations. Ai-je la vérité absolue ? Évidemment pas, je suis un parmi des milliers, mais voici tout de même quelques pistes de réflexion.
Depuis mon arrivée en éducation, j’ai eu à enseigner à plusieurs élèves en provenance de familles allophones, ce qui m’a compliqué la tâche quand est venu le temps d’enseigner le français. Brevet ou pas, j’aurais aimé suivre un cours, comme les professeurs d’accueil le font au cours de leur formation, afin de mieux affronter cette situation. Mais ce n’est pas au programme de la formation initiale, et c’est bien dommage, car c’est de plus en plus courant dans une classe ordinaire.
Je ne crois pas qu’après avoir fait un cours de 45 heures, comme je l’ai fait, pour enseigner l’univers social pour l’entièreté du primaire soit suffisant pour le faire correctement. Dans le cadre de ce cours, le futur enseignant aura peut-être appris à créer une situation d’apprentissage et d’évaluation (SAE), mais rien sur les fondements de la Seconde Guerre mondiale ni sur la Grande Noirceur, qui n’est pas la crise du verglas, même sans électricité. Idem pour les cours de sciences, d’arts plastiques, de citoyenneté québécoise, alouette. (Ce n’est pas le cas pour les enseignants du secondaire, ce qui constitue sans doute la plus grande différence entre ces deux professions.)
Mais je m’égare, revenons à l’éléphant dans la classe ! Le français nous est enseigné sous forme de cours de didactique qui cherchent à enseigner une matière souvent non maîtrisée. L’examen de français (TECFEE) est considéré par plusieurs comme un obstacle à l’obtention du brevet, par d’autres comme une preuve de rigueur incontournable.
Hannah Arendt disait de l’enseignant, dans La crise de la culture, il y a de cela 60 ans, que « sa formation lui a appris à enseigner et non à maîtriser un sujet particulier ». C’est encore vrai aujourd’hui.
Remarquez, si la formation initiale était jugée efficace par tous, je comprendrais votre réaction et je serais à vos côtés, et au nom des élèves, j’ajouterais mon nom à votre liste de cosignataires. Mais vu l’état des lieux, qui est déplorable, je souhaiterais davantage vous lire sur l’élaboration d’une nouvelle formation que vous auriez mise sur pied pour le bien de l’enfant.
Par contre, je comprends votre point de vue, je suis non légalement qualifié, mais pas stupide. Je conviens que la formation courte mise en avant au Québec n’est pas la meilleure option. Et il m’arrive de critiquer ouvertement ce gouvernement, tout comme vous, d’ailleurs.
Dans un monde idéal, je l’ai dit et je le répète : je n’existe pas dans une école, parce que chaque élève aurait un enseignant bien formé et compétent. À la place d’écrire ces lignes, je m’adonnerais alors à la marche avec ma licorne.
J’aimerais, dans cet idéal, voir naître une formation qui prépare à la réalité du terrain, née d’un juste milieu entre les formations courte et longue, en somme. Une formation qui spécialiserait dans un cycle en particulier plutôt que d’avoir à enseigner aux sept niveaux que compte l’école primaire. En somme, cela voudrait dire de former des enseignants qui possèdent le savoir et non le savoir-faire tout en adaptant les apprentissages à l’endroit où il va enseigner. Ce n’est pas vrai qu’un professeur de Montréal-Nord a les mêmes nécessités que celui de Rimouski.
Différencier la formation des enseignants pour éviter les moules, c’est bien ce qu’on nous demande de faire avec nos élèves, non ? Alors, prêchons par l’exemple. Pourquoi ne pas opter pour une entrevue de présélection afin de prendre en considération l’effet que le candidat pourrait avoir dans sa classe, et ce, bien qu’il soit en dessous de la moyenne demandée.
Un cours qui aide à enseigner à une classe combinée intercycle ou intracycle, ce qui arrive souvent avec les premiers contrats, serait plus que bienvenu. Un autre sur l’art d’« ouvrir » une classe en partant de rien en trois journées pédagogiques top chrono aussi pourrait aider à réduire les départs au cours des cinq premières années.
Vous voulez que le système, ou plutôt que la société, s’adapte à votre programme de formation comme le demanderait un parti politique, mais vous n’êtes pas au service d’une idéologie, vous êtes au service du bien de l’élève et de la science. L’université devrait être l’endroit qui fait fleurir ceux qui innovent, un lieu fait sur mesure par et pour les acteurs de changement. Car l’école et la collectivité sont en constante évolution et l’université devrait se coller aux réalités des centres de services afin de remodeler ses cours pour le bien de l’élève.
Vous faites l’inverse. Vous persistez et signez en grand nombre une lettre qui insiste sur les mérites de vos programmes. Vous prônez une formation qui, sur papier, a du sens, mais qui en perd aussitôt qu’on atterrit en classe. Je le vis quotidiennement moi-même et je vois bien les nouveaux collègues tirer de la patte.
En février dernier, les résultats de l’enquête nationale sur les étudiants en formation à l’enseignement dans les universités québécoises ont été rendus publics. Cette étude faite par le Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante, dont plusieurs signataires de ladite lettre font partie (ce qui me paraît bizarre), révèle que les futurs enseignants se sentent mal préparés devant la réalité qui les attend dans les classes.
Cette formation prépare à enseigner à l’intérieur d’écoles qui n’existent plus ou dans des conditions qui n’existent pas, avec l’inclusion à tout prix qui fait de chaque classe une classe d’adaptation scolaire.
On trouve dans nos écoles de mauvais profs non légalement qualifiés ET de mauvais profs brevetés. Arrêtons de montrer du doigt les autres et travaillons ensemble pour bâtir un système digne des responsabilités que nous avons envers les enfants. Arrêtons, surtout, de parler du temps de la formation et concentrons-nous sur sa rigueur.
D’un côté comme de l’autre, faisons-le pour la réussite de nos cocos.
Sur ce, je vous laisse, car je dois aller promener ma licorne qui, tout comme moi, n’est même pas une vraie.
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