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Une fresque en l'hommage d'Aboubakar Cissé, France. | Photo : Francesca Barca
Comment décrire le meurtre d’Aboubakar Cissé, assassiné de 57 coups de couteau, sinon comme le déchainement d’une haine rarement vue en France ? Le 25 avril, Cissé, un Malien de 22 ans, faisait le ménage dans la mosquée de la Grand-Combe (département du Gard) quand il a été agressé. Le suspect présumé, Olivier H., s’est lui-même filmé en train d’insulter la religion de sa victime juste après l’acte. “Je l'ai fait, (...) ton Allah de merde”, a-t-il répété.
Le drame s’inscrit dans un contexte de montée de l’islamophobie et du racisme en France. Le meurtre et la violence de l’agresseur présumé ont plongé la communauté musulmane de France dans un profond désarroi. “Ça me brise dans mes convictions ce qu’il s’est passé. Si un musulman ne peut pas se sentir en sécurité dans une salle de prière, il ne peut se sentir en sécurité nulle part. Je ne suis plus en sécurité nulle part”, s’inquiète une personne interrogée par Inès Belgacem pour Streetpress.
Pour les musulmans sollicités par Belgacem, la mort d’Aboubakar Cissé souligne le climat profondément délétère qui pèse aujourd’hui sur l’Hexagone : augmentation des violences à l’égard des musulmans, extrême-droitisation accélérée de la société, multiplication des propos islamophobes – notamment de la part de membres du gouvernement – couplées à une reprise de ces discours par les médias.
Dans Alternatives Economiques, Hervé Nathan, lui, regrette que la tragédie ait été réduite à une querelle de cours, où les notions d’islamophobie et de laïcité ne servent qu’à trier les membres des différentes familles politiques. “À droite(s), on est 'islamophobe' car cela donnerait une justification (au sens de rendre juste) à son combat contre une partie (noire et arabe) de l’immigration. C’est l’objet d’une surenchère identitariste verbale constante. Comme récemment lorsque le ministre de l’Intérieur, en campagne pour la présidence des Républicains, s’exclame : “À bas le voile !’ Une manière de dire : plus islamophobe que moi, ça n’existe pas…”
“À gauche(s), l’argument sert encore à définir une conception de la laïcité, frontière entre les gauches ‘irréconciliables’ ou, à l’inverse, désigner ceux qui ne seraient pas réellement antiracistes. Pour paraphraser Jacques Chirac : pendant que la mosquée brûle, on s’invective dans l’entre-soi ! Misère de la politique politicienne.”
Une personnalité a reçu l’attention toute particulière des critiques : Bruno Retailleau (Les Républicains, droite), le ministre de l’Intérieur et des Cultes français.
Dans Libération, Daniel Schneidermann liste les critiques qui ont été adressées au “premier flic de France” : “Que le meurtre de Cissé d’une cinquantaine de coups de couteau, dans une mosquée, aux cris de ‘Ton Allah de merde’, n’ait d’abord été qualifié d’islamophobe par [Retailleau] que comme ‘une piste parmi d’autres’ ; que le ministre ait attendu quarante-huit heures pour se rendre dans le Gard, préférant honorer de sa présence en priorité deux meetings électoraux internes à LR et les funérailles du pape ; [...] qu’il ait refusé de recevoir la famille de la victime, prétextant de la difficulté à trouver ‘la vraie famille’ d’un jeune homme ‘en situation irrégulière’, alors qu’il venait de croiser dans les couloirs de BFM l’avocat de cette même famille : autant de signes qu’un jeune musulman poignardé dans une mosquée n’est pas une véritable victime, qu’elle n’a droit qu’à l’entrée de service, que la famille n’aura droit aux condoléances officielles qu’après vérification de ses papiers en règle.”
Retailleau a refait l’objet de critiques quelques jours seulement après le meurtre de Cissé, lors de la publication de “Ne rien céder : manifeste contre l’islamisme”, une retranscription d’un discours du ministre de l’Intérieur dans lequel il défend son très droitier projet politique, contre le “wokisme”, l’emploi du terme “islamophobie”, l’Etat de droit, la gauche …
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Un hasard du calendrier qui n’a pas échappé à Richard Godin dans le Nouvel Obs. Celui-ci fait également écho des critiques reprochant au ministre sa part de responsabilité dans le climat politique ambiant. “Suspecté de minorer la violence que subissent les Français musulmans, Bruno Retailleau est aussi accusé par la gauche de participer à la montée du racisme antimusulman”. Si, rapporte Godin, celui-ci promet dans son texte différencier foi musulmane et “haine islamiste”, tout en se posant en défenseur de la liberté religieuse et de la sécurité des Français, la mission reste inaccomplie “pour les représentants d’institutions musulmanes qui ont dénoncé mardi 29 avril auprès d’Emmanuel Macron le ‘climat islamophobe ambiant’, lui demandant des ‘actes concrets’ pour les protéger.”
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La posture de Bruno Retailleau s’explique facilement : il brigue la présidence du parti Les Républicains et le vote, qui doit se tenir les 17 et 18 mai prochains, approche à grands pas. La perspective d’accéder à cette fonction (et le marchepied qu’elle offre) fait briller sous un nouveau genre la succession de déclarations du ministre et de Laurent Wauquiez (dont j’ai déjà parlé dans ma précédente revue de presse), l’autre candidat à la présidence du parti. Pour Euractiv, Laurent Geslin détaille la stratégie des deux conservateurs : piocher dans la rhétorique de l’extrême droite pour récupérer des voix.
“Je ne crois pas que la stratégie consistant à attirer les électeurs vers le conservatisme traditionnel fonctionnera”, explique cependant Mathieu Gallard, directeur de recherche à l'institut de sondage IPSOS, interrogé par Geslin. “Au mieux, elle pourrait stopper le déclin de LR observé lors des dernières élections, en attirant peut-être quelques partisans désillusionnés de Macron.”
“Le risque pour LR est clair”, poursuit Geslin. “Si le parti ne parvient pas à récupérer des électeurs du [Rassemblement national], il pourrait être confronté à une fragmentation accrue, voire à une absence de pertinence politique, laissant l'extrême droite comme force dominante de la droite française pour les années à venir”. Geslin note également l’existence d’un rapprochement similaire entre la droite traditionnelle et l’extrême droite au niveau européen, une “majorité alternative” qui expose la droite traditionnelle au risque d’une dépendance nouvelle aux radicaux européens.
Un “cercle vicieux”, comme le décrit Jon Henley dans The Guardian, se manifeste : dans l’espoir de récupérer les voix de l’extrême droite, les partis traditionnels adoptent sans discernement les positions de cette dernière. Pourtant, “[certains] politologues affirment que les données électorales et les sondages réalisés dans de nombreux pays suggèrent fortement que, pour les principaux partis de centre-droit, le processus d'accommodement se traduit simplement par leur ‘cannibalisation’ par l'extrême-droite”. Après tout, pourquoi voter pour la copie quand on peut avoir l’original ?
L’extrême droite ne gouverne pas formellement tous les pays d’Europe. Mais en dominant le champ idéologique, en modulant les politiques des partis traditionnels, les discours médiatiques et jusqu’aux prises de position face à des drames comme le meurtre d’Aboubakar Cissé, elle prouve une chose : à certains égards, elle a déjà gagné la partie.
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