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Maurice Richard n’est pas mort

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Une fois par mois, Le Devoir lance à des passionnés d’histoire le défi de décrypter un thème d’actualité à partir d’une comparaison avec un événement ou un personnage historique.

En 1971, pour l’Office national du film du Canada, Gilles Gascon réalisait le documentaire Peut-être Maurice Richard. On y entendait l’ancien joueur des Canadiens de Montréal s’interroger sur le souvenir qu’il allait laisser, ou pas, dans la mémoire du public : « La journée que personne va nous reconnaître sur la rue, que personne va nous parler, ben là, on pourra dire que le public, les gens en général nous ont oubliés. »

Vingt-cinq après la mort du Rocket, on ne peut que le constater : il se trompait. Personne ne l’a oublié. Comment mesurer la place du plus célèbre joueur de hockey québécois dans l’espace culturel et médiatique ?

Au Centre Bell, on ne s’étonne pas de voir des partisans porter des chandails honorant les idoles du jour ou du passé proche, de Lane Hutson à P.K. Subban. Quelques irréductibles enfilent aussi le maillot numéro 9 de Maurice Richard, près de 65 ans après sa retraite, en septembre 1960.

Ils sont plus d’une trentaine, en français, à avoir chanté Richard ou à avoir fait résonner sa voix dans une pièce musicale, de Jeanne-d’Arc Charlebois (1951) et Denise Filiatrault (1957) à Maître Jouissance et Jeune Chilly Gilles (2017) et Hugo Blouin (2023). Les interprètes se répartissent de façon symétrique avant et après sa mort, le 27 mai 2000.

Le conte pour enfants le plus connu au sujet de Richard est signé par Roch Carrier. D’abord intitulé Une abominable feuille d’érable sur la glace en 1979, ce texte pour la jeunesse est depuis devenu Le chandail de hockey. Il est lu partout au Canada, d’un océan à l’autre. On en a fait un film, des albums, du matériel pédagogique. Les auteurs et éditeurs ont bien pris note de ce succès : les textes sur le numéro 9 du Tricolore destinés à la jeunesse sont nettement plus nombreux après sa mort qu’avant celle-ci.

Au cinéma et à la télévision ? Une quinzaine d’œuvres ont été diffusées avant 2000, souvent brèves et liées à l’actualité. Depuis, il y en a eu moins, mais quelques-unes ont connu un retentissement considérable, notamment le Maurice Richard de Charles Binamé (2005). On se sert aujourd’hui de cette biographie filmée jusque dans les classes de francisation.

On pourrait faire le même exercice pour la poésie, le roman, le théâtre, la sculpture, la peinture, les médias ou l’histoire, et comparer les époques. On en viendrait à la même conclusion : on ne peut pas s’intéresser à la culture québécoise en 2025 et ne pas (re)connaître le nom de Maurice Richard.

Tel qu’en lui-même

On aurait pu s’attendre à ce que le discours sur Maurice Richard se soit transformé depuis 25 ans. Ce n’est pas le cas.

Ces événements phares, que j’ai appelés « les douze travaux du numéro neuf » dans mon livre de 2006, n’ont pas changé : Maurice Richard qui marque les cinq buts de son équipe le 23 mars 1944 ; Maurice Richard qui, soi-disant épuisé par un déménagement, bat à lui seul les Red Wings de Detroit le 28 décembre de la même année ; Maurice Richard quasi inconscient qui déjoue Jim « Sugar » Henry le 8 avril 1952 ; et ainsi de suite.

Richard, dont la légende se met en place très tôt après le début de sa carrière, en 1942, reste toujours tel qu’en lui-même il s’est constitué. Ses hauts faits d’armes sont clairement inscrits dans la mémoire collective et ressassés à l’envi.

L’histoire populaire continue de répéter les mêmes lieux communs. Le Rocket aurait été « l’idole d’un peuple » ; c’est vrai, mais cela ne veut pas dire grand-chose concrètement. Il faudrait, entre autres choses, se demander qui est ce « peuple » qui idolâtre Richard.

Plusieurs persistent à penser que Richard aurait été adulé uniquement par les Québécois francophones. Or, ses traces mémorielles dans le Montréal anglophone et au Canada anglais, même si elles ne sont pas omniprésentes, sont très nombreuses.

La suspension de Richard par Clarence Campbell en mars 1955 a mené à ce que l’on appelle « l’émeute Maurice Richard » ; c’est incontestable. Cette émeute aurait annoncé la Révolution tranquille du début des années 1960 ; on peut être sceptique devant ce type de récit historique parfaitement linéaire par lequel on cherche dans les événements du passé des « signes annonciateurs » de choses que les contemporains ne peuvent pas connaître, voire imaginer.

S’il fallait trouver une évolution dans le discours entourant Richard, elle serait à chercher dans l’amplification de microrécits sans cesse rabâchés. La cérémonie de fermeture du Forum de Montréal, là où l’ailier droit a passé toute sa carrière, est exemplaire à cet égard.

Le 11 mars 1996, Richard est le dernier joueur à qui on passe le flambeau incarnant le passé glorieux de son équipe, la Sainte-Flanelle. La foule l’ovationne. Combien de temps ? Environ sept minutes.

Le discours mythique n’a que faire de pareille précision. Au fil des ans, on a prétendu que l’ovation avait duré huit, neuf, dix, onze, quinze, seize minutes. Dans sa chanson J’accroche mes patins, en 2012, Bob Bissonnette est celui qui fait monter les enchères le plus haut : vingt minutes ! Qui dit mieux ? On ne prête qu’aux riches.

Le bon vieux temps

Au Québec, pareille permanence est unique. Elle n’a pas d’équivalent politique (René Lévesque et Pierre Elliott Trudeau polarisent trop), culturel (Émile Nelligan ne dépasse pas les cercles poétiques), sportif (Louis Cyr a longtemps été oublié), économique (il est difficile de faire un mythe d’un patron d’entreprise). Pourquoi Maurice Richard, lui, garde-t-il sa place au panthéon québécois ?

On pourrait évoquer la nostalgie sportive. À une époque, le Bleu-blanc-rouge gagnait régulièrement le championnat de la Ligue nationale de hockey : la coupe Stanley semblait lui revenir de façon naturelle. Cela a bien changé et les amateurs en mal de succès à commémorer seraient tentés de se tourner vers le passé.

Il y a du vrai dans ce souvenir hockeyistique, mais l’explication ne remporte pas complètement l’adhésion. Pourquoi cette nostalgie ne serait-elle pas associée à d’autres noms que celui de Richard ? Pourquoi insiste-t-on sur lui plus que sur Jean Béliveau ou sur Guy Lafleur, dont le bilan est également riche ? Ces trois joueurs n’ont pas le même statut symbolique, Richard faisant un peu d’ombre aux deux autres.

Ce texte fait partie de notre section Perspectives.

Homme de peu de mots, le numéro 9 incarne un trait de caractère qui ne manque pas de défenseurs au début du XXIe siècle. Ce qui le distinguait de ses contemporains et en fait maintenant un modèle à suivre est sa détermination, que synthétise la puissance sombre de son regard. Voilà une qualité pourtant paradoxale.

D’une part, la détermination est une affaire purement individuelle : si vous voulez, vous pouvez. D’autre part, en chantant les vertus de la détermination, on passe sous silence les conditions concrètes d’exercice d’un métier comme celui de joueur de hockey.

On peut croire que la détermination est nécessaire pour briller au firmament des joueurs les plus importants de l’histoire du hockey professionnel nord-américain ; elle n’explique pas tout. Qui a recruté Richard ? À quelles fins ? Quel rôle lui a-t-on confié ? Avec qui l’a-t-on fait jouer ? Il n’y a pas que des motivations sportives qui sont à l’œuvre.

Maurice Richard ne représente-t-il pas aussi un Québec plus simple que celui d’aujourd’hui ? Cette hypothèse a le mérite de mettre au jour les relations dynamiques de la mémoire et de l’oubli.

Les discours publics autour de Richard, comme n’importe quel autre discours public, reposent en 2025 sur des simplifications. Les Canadiens de Montréal rassemblaient un grand nombre de joueurs francophones, qu’on appelait les « Flying Frenchmen », mais ceux-ci auraient vécu en harmonie, dans leur vestiaire, avec les anglophones. Leur succès était lié à un fort ancrage communautaire : l’équipe était locale et provinciale, voire nationale, à l’époque des six équipes dites « originales ». La mondialisation n’occupait pas tous les esprits. Les joueurs n’étaient pas des multimillionnaires passant d’un club à l’autre. C’étaient des familiers, des proches, des voisins. Voilà une image idyllique : le bon vieux temps.

Le paysage n’est plus le même. Le Québec n’est plus séparé, artificiellement, entre francos et anglos. Les propriétaires d’entreprises de sport n’ont que faire de marchés réputés peu lucratifs, comme le rappelle le transfert des Nordiques de Québec au Colorado il y a 30 ans.

Se vendant aux plus offrants, la majorité des joueurs passent d’une ville à l’autre sans état d’âme apparent. Le hockey serait devenu une business comme les autres, et le Québec une société secouée par des crises identitaires incessantes.

Dans ce contexte, le souvenir du Rocket est rassurant. « C’était bien mieux avant », serait-on tenté de croire. Reconnaissons-le : Maurice Richard est né le 4 août 1921 ; il n’est pas mort le 27 mai 2000. Nous avons toujours besoin de lui.

Pour proposer un texte ou pour faire des commentaires et des suggestions, écrivez à Dave Noël à [email protected].

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