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Lorsqu’elle arrive à Victoria en 1961, au gré d'une mutation de son mari, Marie Robillard découvre que ses enfants ne pourront pas avoir une éducation en français. Elle décide alors de se battre sans relâche pour que sa langue prospère au sein de sa famille et de la société britanno-colombienne. Elle est décédée le 18 mai, à l’âge de 94 ans.
On n’avait rien en français. Marie Robillard aimait le répéter lors d'entrevues à Radio-Canada : garder sa francophonie, dans les années 1960, n’allait pas de soi à Victoria.
La Montréalaise s'implique d'abord au sein de la paroisse Saint-Jean-Baptiste. Je me souviens d'avoir écrit une lettre à mes amis au Québec, disant que je ne croyais pas rester ici à cause [de] mes enfants [et qu’il n’y avait] pas d'école française.
[À l’époque] on se faisait dire : "ben, si tu veux avoir une école française, retourne au Québec".

Pionnière et militante de la francophonie britanno-colombienne, Marie Robillard s'est beaucoup battue pour défendre la francophonie.
Photo : Fournies par la SFV
Ces doutes n'auront pas eu raison de son tempérament déterminé. À la maison, l'enseignante fait tout pour que ses enfants apprennent le français, même si l’un d'entre eux aimait lui répondre laisse faire.
Dans la société, elle n’hésite pas à prendre à partie le premier ministre René Lévesque, en visite à Victoria, qui lui rétorque que sa demande de radio en français en Colombie-Britannique relève de la sentimentalité. En anglais, devant tous les Anglais [...] j’étais pas mal fâchée.
En 1967, elle vit l’arrivée de la radio en français avec beaucoup d’émotions, et devient même une chroniqueuse régulière pour raconter les actualités de Victoria.
Transmission intergénérationnelle
Depuis l’annonce de son décès, sa famille, ses anciens élèves et ses amis mettent en avant sa patience, son sens de l’humour, son sourire et sa joie de vivre.
Si les francophones peuvent jouir de leurs écoles, leurs associations et leur communauté partout en province, c’est grâce à des pionnières comme toi, peut-on lire sur le registre de condoléances en ligne.
Avec une profonde fierté, elle aimait dire que ses 3 enfants et 5 petits enfants parlaient français. Elle laisse également 2 arrière-petits-enfants dont une qui a déjà une coupe de mots en français, sourit Suzanne Robillard. Petite-fille de Marie Robillard et doctorante en sociolinguistique, elle a repris le flambeau de la francophonie dans la famille.

Suzanne Robillard, petite-fille de Marie Robillard, a vécu chez sa grand-mère à l'âge de 6 ans quand elle a commencé à aller à l'école Victor Brodeur.
Photo : Radio-Canada / Mélinda Trochu
C'était une personne tenace et mouvementée, sociale, amusante et donc elle retrouvait des gens pour sa cause très aisément. C'était vraiment pour moi un modèle de l'engagement communautaire. Et en même temps, c'était grand-maman. Elle m'emmenait prendre du thé après la messe. Elle me tressait les cheveux [...] On avait nos petites routines ensemble.
Suzanne Robillard explique que sa grand-mère l'a encouragée à garder son accent britanno-colombien et à en être fière. Marie Robillard était quelqu'un qui se souciait pas trop, trop de ce que les gens pensaient d'elle, dit sa petite-fille en souriant. Elle avait un sens de l'humour incroyable, elle faisait rire les gens, elle nous jouait des tours.
Suzanne Robillard se remémore l’ouverture d’esprit et le soutien infaillible de sa grand-mère. Et même si rien n’est jamais gagné dans la transmission de la langue, elle tient à parler à sa fille de 2 ans en français, comme le restant de sa famille.
Le fait que ma petite parle français, que moi je parle français, c'était quelque chose qui la touchait vraiment. [...] Elle nous aimait fort, fort, fort. Et puis ça se voyait dans toutes nos interactions. Elle était juste une personne adorable.

Marie Robillard aimait peindre des aquarelles. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada
La vraie amitié
Marie Robillard avait la francophonie au cœur, mais était également une artiste créatrice d’aquarelles, une joueuse de bridge ou encore une adepte de Ginette Reno. Régine Bérubé se remémore 50 ans d’amitié avec celle qui était à ses yeux quelqu’un de bien.
Elle m'a probablement appris ce que c'était la vraie amitié. [Elle était] très franche, très très fidèle. [...] Elle aidait les gens aussi. [...] Elle était très chic dans le sens qu'elle acceptait beaucoup de gens. Chez elle, on avait des repas; des fois, on était 10, 12, 15 et c'est elle qui organisait tout ça.

Quand Marie Robillard a quitté son poste de professeure de français à l’école St Patrick, elle a aidé son amie Régine Bérubé à reprendre la place. « C'est grâce à elle que je me suis mise en route », dit Régine Bérubé, reconnaissante.
Photo : Radio-Canada / Mélinda Trochu
En 1985, Marie Robillard est devenue la première présidente de l’Association historique francophone de Victoria, un organisme où elle passera une vingtaine d'années au conseil d’administration.
Pour Casey Edmunds, directeur général de la Société francophone de Victoria (SFV), aucun doute, Marie Robillard est une pionnière de la communauté francophone. C'est quelqu'un qui est parmi toutes nos archives, des photos, des lettres. Elle figure parmi la présence francophone à plusieurs reprises dans différents organismes.
Si les institutions sont [désormais] là, comme des sociétés, des écoles, des églises, une radio communautaire, c’est parce que des gens comme Marie Robillard se sont battus, dit-il.

Marie Robillard participe au comité de rédaction du livre Présence Francophone à Victoria, C.B. (1843-1987). En 2015, paraît à son instigation Aventures en écriture, une anthologie des écrivains francophones de la grande région de Victoria, dont elle illustre la couverture. Le comité organisateur recevra le prix Henriette-Moreau de la Société francophone en 2016.
Photo : Radio-Canada / Mélinda Trochu
Quelque part, on est tous des Marie Robillard, oui, elle était une grande militante [...] de façon exemplaire, mais ça reste que c'était une bénévole, une maman, une grand-maman, une membre de notre communauté. Puis elle, elle s'est impliquée.

Marie Robillard a reçu le Prix Fortin-Terrien de la SFV et la médaille de l’Ordre de la fidélité française du Conseil de la Vie française en Amérique. En 2013, la Fédération des aînés et aînées francophones du Canada lui a remis le Prix national du leadership; en 2015 elle a reçu le prix Napoléon-Gareau de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique.
Photo : Radio-Canada / Mélinda Trochu
Je l'appelais très souvent, confie Casey Edmunds, qui explique que le projet d’accessibilité de la SFV et d’un ascenseur, qui doit être livré dans un mois, est né pour permettre à Marie Robillard de continuer à participer aux activités, car à la fin de sa vie [...] elle ne pouvait pas monter les marches.
Casey Edmunds assure que si on parle désormais de promouvoir, célébrer et accroître la visibilité du français, cette mission ne serait pas possible sans tout le travail qui a été fait au préalable et sans toute cette histoire-là.
Une célébration de la vie de Marie Robillard et une messe auront lieu à l’église St-Jean-Baptiste, à Victoria, samedi 14 juin, à 10 h.