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Notre chroniqueur, Jean-Numa Ducange, spécialiste de l'histoire du socialisme, analyse la note de la Fondation Jean-Jaurès sur l'émergence d'une « troisième gauche post-sociétale », en Europe.
La Fondation Jean-Jaurès publie sur son site Internet un ensemble de contributions sur une hypothétique « troisième gauche » en dressant un état des lieux international des plus instructifs. Toujours documentés, à défaut d’être tous convaincants, ces textes interpellent fortement. Et s’il fallait repenser, enfin et vraiment, les véritables lignes de clivages qui scindent la gauche européenne des années 2020 ?
« Il faut remonter le temps de plus de dix ans pour retrouver une innovation idéologique intéressante à gauche. » Ou encore : « La gauche s’est enfermée dans un déni de réalité devant cette situation d’adversité. Depuis dix ans, elle a été d’une paresse doctrinale abyssale, préférant se réfugier dans des recettes politiques éculées qui, tout en flattant une base acquise et réduite, lui aliénaient la majorité électorale, notamment les catégories populaires. »
Le constat qui introduit cet ensemble de contributions est accablant. La gauche serait devenue une coquille vide idéologique et, lorsqu’elle s’emploie à déployer une quelconque doctrine, elle se détournerait systématiquement des intérêts de ceux qu’elle devrait prioritairement défendre. Accablant. Abordant notamment les questions de frontière et d’immigration (mais pas uniquement) l’ensemble identifie à partir de là l’émergence d’une « troisième gauche » post-sociétale, qui prend à bras-le-corps certains points, dont des questions régulièrement abordées dans Marianne. Nous ne nous en plaindrons pas, tout au contraire.
Comment les repères ont éclaté
Depuis les années 1970 il était fréquent de se référer à la division entre « première » et « deuxième » gauche. Michel Rocard s’est un temps revendiqué fièrement de la seconde pour critiquer avec vigueur Jean-Pierre Chevènement, héraut de la première, pour ne prendre que cet exemple. Bien sûr, le centre gauche, les socialistes, les communistes ou encore l’extrême gauche et les écologistes constituaient des entités identifiables. Mais il apparaissait de plus en plus indéniable que, au-delà de ses étiquettes, d’autres lignes de clivage permettaient de comprendre les mutations à l’œuvre.
On a ainsi opposé classiquement une « première gauche » plutôt étatiste, jacobine, favorable à la centralisation, sensible à la fibre nationale comme aux humanités classiques à une autre gauche, souvent à la matrice gauchisante, défendant l’action décentralisée (« autogestionnaire » à l’origine), hostile à tout ce qui pourrait s’apparenter à de l’autoritarisme et peu à l’aise avec une interprétation jugée trop rigide de la laïcité. Une telle division fonctionnait bien pour comprendre des lignes de fractures jusqu’à une période récente. Et certains éléments demeurent parfois opérants.
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Mais en rester là relève assurément d’une certaine paresse intellectuelle. Décentralisation et centralisation, le « jacobinisme » et ses héritages… Est-ce véritablement le grand enjeu du moment ? Le tour d’horizon aborde des réalités différentes : la mutation des travaillistes britanniques, le repositionnement du parti social-démocratie suédois, le succès électoral de leurs camarades danois, le marasme minoritaire de la gauche française, les succès du PTB (Parti du travail) belge que l’on assimile trop vite à la dynamique « insoumise », ou encore la victoire récente des travaillistes australiens… Avec à chaque fois, en toile de fond, la montée – certes inégale mais structurelle – de l’extrême droite.
Tous pourraient appartenir à une « troisième gauche » : attachée à la question sociale, cette gauche accepte les règles de la démocratie classique tout en proposant des mesures fermes sur la question migratoire, tout en intégrant les acquis sociétaux sans en faire l’alpha et l’oméga de toute politique. Pourquoi pas ? Reste que l’ensemble demeure fortement hétérogène. Véritablement trop pour que l’on puisse y voir un véritable courant encore bien identifiable. On imagine mal ainsi une réunion internationale mêlant tous ces représentants autour d’une table : la seule évocation des rapports de l’Europe à d’autres grandes puissances (Russie, Chine…) suffirait à interrompre l’hypothétique conclave !
Recompositions en cours…
Néanmoins, malgré d’indéniables fragilités, l’appel à une « gauche post-sociétale », soit le « retour à une gauche cohérente, socialiste et populaire, sans renier pour autant les acquis progressistes » est assurément une des clefs de l’avenir. Le chantier est immense. On lira avec une attention toute particulière l’article sur « le testament trahi de Jean Jaurès ». C’est en effet paradoxal qu’au sein de la gauche française, historiquement marqué par l’héritage jaurésien (quoique, pas qu’exclusivement… la preuve par Mélenchon et Tondelier) la plupart des questions abordées ici soient mises sous le boisseau. On aurait par exemple le plus grand mal à trouver l’équivalent à Paris de Lawen Redar, députée suédoise d’origine kurde, dont les propos (reproduits sous forme d’interview dans l’enquête) semblent pourtant bien plus jaurésiens que ceux de nos représentants du Nouveau Front populaire.
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Aussi malgré toutes les limites de cette « troisième gauche », son caractère imprécis et éclaté, le fait même que l’on évoque des phénomènes semblables dans de nombreux pays nous indique quelques possibilités nouvelles pour l’avenir. Donc, soyons-en sûrs : sous une forme ou sous une autre, on en reparlera. Car une recomposition en profondeur est malgré tout en cours…