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Mais pourquoi diable tous les quadra se mettent au trail?

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Annecy, au début de l’été. Pendant que grillent les merguez et circule le rosé, une petite musique s’élève au-dessus du brouhaha de nos retrouvailles. Je passe de groupe en groupe, de discussion en discussion: inutile, c’est la même partout. Hier, c’était la Maxi Race à Annecy, et tous mes amis ici présents semblent l’avoir courue. «Combien t’as mis sur ce tronçon? Ce mec était mythique! T’as fait tous les ravitos? C’était gras, c’était l’enfer!»

Voilà l’unique et inévitable conversation du jour, comme l’étaient l’immobilier il y a cinq ans, et les enfants il y a dix ans. Voilà. A 30 ans, on fait des enfants – deux, trois si on en a les moyens; à 35 ans on achète un appart – une maison si on en a les moyens; à 40 ans, on court des trails – ultra si on en a les moyens.

Nouvelle édition

Heidi.news a publié une première série et une première revue sur le trail, par l’auteur renommé Charlie Buffet. Il racontait comment lui, alpiniste des sacs lourds, des grosses chaussures, des cordes et des piolets, a tout laissé tomber pour courir léger. Il raconte aussi à quel point la course est un apanage humain, davantage que le rire. Nos ancêtres chasseurs-cueilleurs ne se promenaient pas dans les bois… ils couraient! Comme le trail n’a cessé de gagner en popularité, nous republions cette revue agrémentée des reportages de Sophie Guignard.

Je cours depuis mes 8 ans. Cela faisait partie des entraînements physiques pour le ski. Lorsque j’ai arrêté la compétition, j’ai continué à courir. Je cours donc depuis 33 ans, entre quarante minutes et une heure par jour. Cette longévité m’a candidement laissé croire que je faisais plutôt partie des coureuses confirmées – je réalise aujourd’hui que je suis ridicule.

Ce barbecue m’ennuie, je ne suis pas à ma place. Je sens l’angoisse me gagner. Bon sang, pourquoi n’ai-je pas moi aussi couru cette fichue Maxi Race? J’essaie péniblement de changer de sujet – vous faites quoi pendant les vacances? Rien n’y fait. Ne me reste plus qu’à essayer de comprendre: pourquoi tant de mes amis se sont mis à courir frénétiquement dans la montagne? Et pas moi.

Les hommes courent le plus entre 35 et 40 ans

«J’ai toujours couru!», lance l’un d’entre eux lorsque je lui pose la question. «Pas comme ça», rétorque sa femme. Il nie. Maxime aura 41 ans dans quelques jours. L’année dernière, il a couru un relais de la Maxi Race (27 km). Cette année, il en fera deux (42 km). Sa femme et ses amis sont assez catégoriques sur la tendance à l’œuvre. Lui, non. «C’est juste que je m’entraine effectivement plus, car je me suis mis un challenge». Pourquoi maintenant précisément? Il ne sait pas.

utmb23_utmb_fo_00_0254.jpg Sur la course de l'UTMB, en 2023 | DR

L’âge moyen des participants de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB), dont la course mythique totalise 175 km de distance pour 10’000 mètres de dénivelé, tourne autour de 41 ans. Celui de la Diagonale des Fous à la Réunion est de 44 ans. Selon L’International Trail Running Association (ITRA), l’âge moyen des traileurs dans le monde est de 39,5 ans pour les femmes, et 40,5 ans pour les hommes.

Si l’on regarde la courbe de participation par âge, on remarque que c’est entre 35 et 40 ans que les hommes sont les plus nombreux à courir. Pourtant, les statistiques sont claires: même en trail, les performances physiques déclinent une fois passé l’âge de 27 ans. Les coureurs plus âgés courraient-ils donc après autre chose qu’un simple chrono?

«J’étais séparé, j’avais le temps»

Antoine s’est mis au trail lorsque l’UTMB l’a recruté. Certes, il travaille dans les bureaux de l’organisation, mais quand on a vue sur le Mont-Blanc, comment résister à l’appel de la cloche? «J’avais 40 ans, je venais de me séparer, j’avais du temps». La suite, on la connaît: «Sainté» (trail urbain à Saint-Étienne), Marathon des sables au Maroc, UTMB… «Ces courses étaient sur ma bucket list, comme grimper le Kilimandjaro ou porter la flamme Olympique. J’ai des cases à cocher avant de mourir. Et des choses à me prouver, certainement», confie Antoine.

À quarante ans, on a commencé à perdre – des cheveux sur le caillou, des chevaux dans le moteur, un ou deux amis, un ou deux parents, peut-être, et puis des illusions. Un jour, on s’est réveillé avec quelques rides ou une mauvaise nouvelle, et on a compris que le temps, en fait, ne durait pas si longtemps. À partir de là, l’horloge s’est mise en marche.

Que reste-t-il à vivre?

Selon une étude du site américain de rencontres Ashley Madison, les personnes dont l’âge se termine par 9 seraient plus enclines à prendre des grandes décisions de vie, comme se marier, divorcer, déménager, faire de la chirurgie esthétique ou… s’inscrire à un marathon. Comme s’il était urgent de réagir avant de basculer dans l’inertie de la décennie suivante (puis la suivante, puis la mort). Comme si, à certaines échéances, vivre devenait urgent.

«I run to breathe fresh air. I run to explore. I run to escape the ordinary» (je cours pour respirer de l'air frais, pour explorer, pour échapper à l'ordinaire), écrit Dean Karnazes dans Ultramarathon Man (TarcherPerigee, 2006). A 40 ans, la majorité d’entre nous vient de passer une dizaine d’années la tête dans le guidon: en peu de temps, il a fallu tout construire. Lorsque la quarantaine pointe son nez, nous obligeant à lever le nôtre, l’angoisse peut nous gagner.

Tout est bien rangé et bien en place – la famille, la maison, le chien, le boulot, le prêt, la tondeuse, la voiture, bien sages. Mais alors, demande notre innocente petite voix intérieure, que reste-t-il à vivre? Et que reste-t-il à réussir?

Se sentir vivant

«Le trail permet de revivre des choses fortes. Tu bosses comme un fou depuis 20 ans, tu t’es mis en pilote automatique, ta vie est devenue routinière et prévisible. Un ultra, c’est une bonne manière de relancer le truc, d’accéder de nouveau à des émotions intenses», m’explique Tristan, un ami coureur. Ce n’est pas Aymeric, le traileur alpha de notre groupe d’Annecy, qui va le contredire. «Je ne cours pas pour ça. Mais lorsque je suis sur la ligne de départ ou que je passe celle d’arrivée, je ressens des émotions que je ne ressens nulle part ailleurs».

Lorsque tout commence à ronronner, boulot, marmots, dodo, le trail fixe un nouvel horizon. Quelque chose de nouveau à réussir, quelque chose de grand à accomplir, encore une fois. Une manière de se sentir vivant, aussi, dans une vie où la quête de confort a remplacé celle de liberté, et la routine a anesthésié notre soif d’aventure. Courir un ultra, c’est mettre un coup de pied dans la fourmilière et se jeter volontairement dans la gueule du loup pour découvrir ce que ça fait que d’avoir (vraiment) mal.

«But I don't want comfort. I want God, I want poetry, I want real danger, I want freedom, I want goodness, I want sin» (Mais je ne veux pas de confort. Je veux Dieu, de la poésie, un vrai danger, de la liberté, de la bonté, du péché), dit le sauvage dans Brave new world d’Aldous Huxley (1932).

Echapper à la mort… et au manque de sexe

L’ultra-trail serait donc une quête. En s’engageant dans une épreuve dont on sait qu’elle nous transformera, on se donne la possibilité de partir à la recherche de quelque chose d’enfoui, peut-être jamais découvert. Dans la vie moderne, «on a toujours le sentiment (…) de vivre un mensonge ou une erreur; d’avoir oublié, raté, négligé, de n’avoir pas essayé ni exploré quelque chose de capital; de ne pas s’être acquitté de certaines obligations vitales à son moi authentique», disait le philosophe Zygmunt Bauman.

Entre deux saucisses, une copine me glisse: «moi je crois qu’ils courent pour échapper à la mort… et au manque de sexe». Une lumière s’allume et je suis renvoyée à l’excellent Je t’aime, je te trompe d’Esther Perel (Robert Laffont, 2018), dans lequel la psychologue explore les différentes raisons poussant les gens à l’adultère. Elle y explique que beaucoup de ceux qui ont des «aventures extra-conjugales» les imputent souvent davantage à une quête personnelle d’identité qu’à un problème de couple. Autrement dit, s’ils vont voir ailleurs, c’est d’abord pour voir s’ils y sont, eux.

Pourquoi je ne m’y suis pas mise?

Et si l’ultra-trail relevait de la même logique, tout en permettant aux âmes en quête de se chercher sur les pentes glissantes d’une montagne plutôt que sur celles de l’adultère?

Alors que le trail m'apparaît de plus en plus clairement comme une manière raisonnable de réussir sa crise de la quarantaine, je me demande comment il se fait que je ne m’y sois pas encore mise. La peur, peut-être. La culpabilité, aussi, car il faut assumer de partir des longues heures, laissant papa-poule se charger de la marmaille (souci largement féminin contribuant à expliquer l’énorme déséquilibre hommes-femmes dans la pratique du trail, me confirme un membre de l’équipe marketing de l’UTMB).

«Je veux sentir, je veux savoir»

A moins que je n’aie réalisé ma propre crise en décidant d’avoir un troisième enfant, juste avant mes 40 ans. «Vous êtes bien courageuse», ai-je beaucoup entendu pendant ma grossesse. Vu de l’extérieur, une maternité à mon âge avancé devait ressembler à un chemin de croix. Pour moi, c’était un ticket pour une nouvelle aventure, la promesse d’émotions insensées et d’une intensité retrouvée.

De fait, lorsque j’ai confié à ma mère que je me préparais à accoucher sans péridurale, j’ai vu son regard se charger d’incrédulité:

  • Mes deux accouchements ont été des enfers, j’avais littéralement envie de me jeter par la fenêtre. Je ne comprends pas que tu choisisses de souffrir.

C’est pourtant simple, ai-je tenté de lui expliquer:

  • Je veux découvrir ce que peut mon corps et ce que peut mon esprit. Je veux sentir. Je veux savoir.

Un coureur d’ultra-trail aurait compris.

Sophie Guignard

Sophie Guignard Autrice et entrepreneuse

Ex-banquière chez Lazard, Sophie Guignard-Lacroix a aussi dirigé un magazine culturel à Buenos Aires avant de rejoindre le journal Le Monde puis de participer à la création de Heidi.news. Elle vit aujourd’hui à Annecy où elle partage son temps entre l’écriture («Je choisis donc je suis: comment prenons-nous les grandes décisions de notre vie», Flammarion, 2021, est son premier livre) et l’organisation des conférences Les Sommets, où 250 chefs d’entreprises prennent le temps de recul pour penser les grandes transformations auxquelles ils font face.

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