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ENTRETIEN - Derrière son clavier, il prend son temps, étire les notes jusqu’à provoquer le silence et pousser 20 000 spectateurs à retenir leur souffle. Ce pianiste classique qui galvanise les foules comme une pop star est devenu un véritable phénomène.
Musicien classique, il est adulé comme une pop star. Mais s’il remplit les arènes de Vérone ou les salles de Berlin, il n’a rien perdu de son humilité. Ludovico Einaudi, discret par nature, chapeau vissé sur la tête à la scène et à la ville, s’en explique : « Je suis très autocritique. Il y a toujours de la marge pour s’améliorer, et il y a en moi une forme d’insécurité qui me tient en vie. » Certes, pour attirer de telles foules, comme les 20 000 spectateurs à la Waldbühne de Berlin où nous l’avons retrouvé, il faut une musique simple, facile d’approche.
Élève de Luciano Berio – l’un des grands compositeurs de musique contemporaine du XXe siècle –, Ludovico a trouvé sa formule. Sûr d’une excellente technique, il a pris ses distances avec le genre, décidé à « casser les règles car je ne peux pas écrire une musique froide comme une pierre ». Et il a trouvé son public, comme le prouve son succès. Tant pis si le cercle académique le voue aux gémonies. Il n’en a cure. Même si à ses débuts, la mise au ban fut douloureuse. Le rejet de sa musique, par ses pairs l’a blessé. Le méritait-il ?
J’avais tellement d’incertitudes, et en plus de scrupules à affronter mon père que la musique a été comme un appel salvateur
Ludovico EinaudiComme tout aspirant concertiste, il a suivi à Turin le cursus traditionnel de gammes et de solfège. Il s’est façonné aux subtilités du contemporain. Finalement, il s’est lancé dans la composition. Ses mélodies touchent les foules, qu’il les interprète seul au piano ou accompagné de ses musiciens. Sur scène, il est très sobre, parle peu, remercie simplement le public de sa présence et enchaîne les morceaux. Pour les créer, il s’inspire de la vie quotidienne – il tient à le préciser – avec en filigrane la volonté d’exprimer son credo : que l’humanité retourne à la nature et retrouve la paix – tout un programme. Il a gardé vivement en mémoire ce que, dans son enfance, un ami de son père, l’écrivain Italo Calvino lui avait conseillé lors d’une promenade : «Écoute les chants des oiseaux, il faudrait les mettre en musique.»
Dès son plus jeune âge, Ludovico Einaudi aimait découvrir les saveurs, les odeurs et les parfums, contempler les paysages. Il préférait passer du temps avec des enfants plus âgés que lui. Lui qui n’aimait pas le tumulte et moins encore la foule, est aujourd’hui celui qui la galvanise. Alors qu’il vénère Vivaldi, qui se joue plutôt sur le mode presto, il compose une musique qui s’étire à la manière d’un chorégraphe faisant un duo langoureux. Un tribut à Paul McCartney et aux Beatles qu’il ne se lasse pas d’écouter ? Il reconnaît aussi l’influence de Philip Glass, qui a considérablement marqué la musique, « dont la nouvelle vision a influencé toute la musique pop ».
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«On est hélas entrés dans le règne des playlists»
Mais Einaudi ne s’inquiète pas moins du manque de créativité qui prévaut aujourd’hui. « Dans les années 1960, l’imagination était au pouvoir ; aujourd’hui, on est hélas entrés dans le règne des playlists. Elles sont dangereuses car elles ne poussent pas à la découverte. Il y a une musique pour dormir, une pour chanter, une pour pleurer… » Sa conception de la musique est tout autre : « Elle a été pour moi un salut. Elle m’a connecté avec moi-même et m’a aidé à sortir d’un tunnel de difficultés personnelles que j’ai traversé pendant mon adolescence , aussi bien psychologiquement que dans mon rapport avec le monde ou mes relations avec les gens. Elle m’a permis d’avoir ma place sur cette terre. J’avais tellement d’incertitudes, et en plus de scrupules à affronter mon père que la musique a été comme un appel salvateur. »
Sa mère l’avait bien compris, qui lui lançait, lors de ses moments de doute : « Ludovico, si tu abandonnes la musique, je ne te verrai plus. »
En concert à Paris La Défense Arena, le 21 juin.