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Dans une forêt, tout est embrouillé. « Quand j’ai compris que je ne voyais plus, c’était la fin de ma vie. J’avais peur de tout. » À 13 ans, Nebojša a perdu la vue après avoir été blessé par une mine antipersonnel en Bosnie. Anja, elle, avait 12 ans lorsque l’explosion d’un vestige de la Seconde Guerre mondiale en Allemagne l’a privée de son regard. A-t-on tiré des leçons de ces drames ? Non, soupire-t-elle, puisque ceux qui devraient voir sont devenus « aveugles d’esprit ».
Dans Les yeux ne font pas le regard, le cinéaste québécois Simon Plouffe nous plonge dans une expérience immersive où l’on part à la rencontre de protagonistes ayant perdu la vue dans des conflits armés. Des gens, rencontrés aux quatre coins du globe, qui « portent la guerre en eux », dit-il en entrevue.
Une expérience sensorielle, guidée par le bruit assourdissant des guerres. Et surtout par les paroles de ces malvoyants qui nous déroulent leurs histoires par bribes éminemment humaines.
« Je ne voulais pas entrer dans les détails géopolitiques des conflits, explique le réalisateur. C’est pour ça que je voulais multiplier les regards, pour avoir une diversité de points de vue et d’expériences. » Une approche qui laisse de côté le politique pour se centrer sur les individus, surtout des civils, victimes collatérales des guerres.
Photo: Films du 3 mars
Yukizo a perdu la vue après avoir été privé de soins lorsque Tokyo a été incendiée par les Américains pendant la Seconde Guerre.
Aux côtés de Nebojša et d’Anja s’ajoutent Yukizo, rendu aveugle après avoir été privé de soins lorsque Tokyo a été incendiée par les Américains pendant la Seconde Guerre mondiale, et Rodion, qui a perdu un œil dans la guerre du Donbass, en Ukraine, en 2014-2015.
Dans ce voyage sur des terrains de guerre — pour la plupart pacifiés, mais qui perdurent dans ces corps mutilés —, certaines images présentées au spectateur sont voilées. Des archives ont aussi été délibérément assombries, ce qui joue avec nos perceptions.
« J’ai voulu développer [le film] de façon sensorielle pour interroger le regard : ce qu’on voit, ce qu’on ne voit pas, explique Simon Plouffe. […] À travers le son, l’image, les archives, on fait notre propre interprétation, sans que ça devienne totalement expérimental, mais c’est assez exploratoire. »
Au-delà des drames vécus et de la résilience des protagonistes (« Quand j’ai perdu la vue, j’ai appris à voir », dira Anja), le film nous amène à nous projeter dans leurs vécus. Comment s’orientent-ils ? Leur toucher, leur ouïe, leur odorat se sont-ils davantage développés ?
Aveuglement
Le récit tissé par Simon Plouffe nous amène ensuite à pousser la réflexion plus loin, sur notre aveuglement face à la multiplicité des conflits armés dans le monde et à la souffrance qu’ils laissent derrière eux.
Un détournement du regard, peut-être causé par notre impuissance ou par la surabondance d’images. « Je pense qu’on est à la limite presque aseptisés, désintéressés. »
Ce message pacifiste ne tombe en rien dans la moralisation, le cinéaste ayant fait le choix d’emprunter un chemin de traverse plutôt que de se servir d’images chocs frappant l’imaginaire. « Je crois plus à prendre le temps, à écouter les gens qui ont des choses extraordinaires à faire partager, puis à réfléchir. »
Le récit de Rodion — qui arbore un œil de pirate, trace immuable du passage des Russes dans son pays — transperce la résilience. Nebojša nous parle de réconciliation, même si ceux qui ont miné la maison de ses grands-parents « savaient que quelqu’un allait être blessé », dit-il.
Photo: Films du 3 mars
Une image du documentaire «Les yeux ne font pas le regard» de Simon Plouffe
Yukizo — qui se faisait décrire par ses amis les bombes incendiaires larguées sur Tokyo — évoque le devoir de mémoire. Anja — la seule de son groupe d’amis ayant survécu lorsqu’un débris a explosé dans la forêt des décennies après la fin de la Deuxième Guerre mondiale — a appris à vivre avec des éclats d’obus dans son corps.
Un rappel constant que les guerres ne finissent jamais. Comme ces épaves de bateaux nazis que l’on peut voir vers la fin du film et qui refont surface dans le Danube lors de sécheresses. « Un symbole des fantômes du passé qui reviennent et qui nous hantent toujours », relève Simon Plouffe.
La première en salle aura lieu le vendredi 30 mai à 18 h 45 au cinéma Beaubien à Montréal, avec une audiodescription. La projection sera suivie d’une discussion avec le cinéaste Simon Plouffe et la protagoniste Anja Stupp.