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Les gains et les coûts de l’accessibilité au théâtre

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Politiques inadaptées, financements déficients, fréquentations en baisse : les signaux de crise se multiplient dans le système culturel québécois. Le Devoir poursuit sa série pour documenter les maux de cette situation, et certaines solutions aussi. Dans cet article : les gains et les coûts pour rendre les scènes plus accessibles.

Vendredi, la pièce Chers parents au théâtre du Rideau vert comptait cinq interprètes de plus que les autres soirs. Au pied de la scène, devant la première rangée, se tenait un traducteur par comédien — ils sont cinq —, qui donnait les répliques en langue des signes québécoise (LSQ) au profit des spectateurs sourds ou malentendants.

Le vendredi précédent, c’était soir de théâtrodescription. Écouteurs aux oreilles, téléphone en main, les aveugles et malvoyants s’y faisaient narrer gestes et actions par une voix hors champ qu’eux seuls entendaient, et qui se glissait entre les dialogues.

Pour ces spectateurs-là, une visite tactile était aussi proposée avant le spectacle. Elle permet aux gens de marcher sur scène, de découvrir de plus près le décor, d’en toucher des éléments, de tâter costumes et textures.

Lorsque le Rideau vert a commencé en 2022 à offrir des représentations accessibles, « il n’y avait à peu près que Danse-Cité » et lui qui en offraient, relate l’attachée de presse Alice Côté Dupuis, « sans compter les institutions du côté anglophone, bien sûr, qui sont plus avancées » à ce chapitre.

Ce mouvement d’inclusion, devenu plus tangible avant la pandémie, est mû par deux idées. D’abord, l’éthique : les programmes d’accessibilité pour personnes en situation de handicap visent à garantir l’équité d’accès, l’autonomie et la participation pleine à la vie culturelle.

Les salles de spectacle, les musées ou les diffuseurs télé voient comme une responsabilité sociale le fait de réduire les obstacles (physiques, sensoriels, etc.) qui limitent la participation de tous à la culture.

La Charte des droits et libertés de la personne du Québec reconnaît le droit des personnes handicapées à l’égalité et à la protection contre la discrimination. Ces droits incluent l’accès au transport, à l’éducation et à la culture.

Et n’y aurait-il pas pour les arts, de surcroît, un nouveau public à aller chercher là, pour garnir des salles où souvent les têtes des spectateurs blanchissent de plus en plus ? Voire une voie de sortie de crise de la culture ?

Dans les premières années, le Rideau vert a noté une augmentation continue de ces spectateurs neufs. Maintenant, « nous remarquons que cela semble stagner », probablement parce que davantage de scènes offrent désormais des options semblables, estime Mme Côté Dupuis.

La Maison Théâtre et Montréal, arts interculturels (MAI) sont de ceux qui creusent aussi ce filon, parmi plusieurs institutions. « Cela disperse le public, mais prouve aussi l’effet d’entraînement, de contamination. »

Des heures et des spectateurs

Et est-ce que ça marche ? Est-ce que ces spectateurs viennent et reviennent ? Au Rideau vert, ce public « suit la courbe du public régulier ». Si un spectacle est très populaire, il l’est pour tout le monde.

Chiffrons. En 2022-2023, le Rideau vert accueillait 84 spectateurs venus pour la théâtrodescription. Ils étaient 108 en 2023-2024 et devraient être 120 à la fin de cette saison.

À Danse-Cité, depuis 2021, 22 spectacles de danse ont été audiodécrits, pour 221 spectateurs et 211 accompagnateurs. En moyenne, chaque spectacle a ainsi accueilli 10 spectateurs cibles.

Tous les théâtres interrogés ont dit leur fierté de porter ces programmes, l’engagement qu’il provoque dans les équipes et chez les communautés visées.

À Danse-Cité, les dépenses associées à une audiodescription en direct, comme celles qui seront faites pour Nuit, de Jean-Pierre Perreault, ou pour le public jeunesse avec Bataille, à la Maison Théâtre, oscillent entre 9000 $ à 11 000 $.

Car ce passage de la danse au langage ne se fait pas en criant ciseaux. Imaginez : toute une chorégraphie à décrire avec des mots. Allez-vous parler de chaque mouvement ? D’une ambiance générale à un moment clé ? Allez-vous décrire une action ou les sensations et images qu’elle génère ?

À ce travail s’ajoute le temps de l’équipe, à peu près 80 heures par projet. « C’est beaucoup plus difficile d’évaluer le temps consacré au développement général du projet (formations, développement des partenaires financiers, des diffuseurs et des lieux, concertations, tables rondes, etc.) », a indiqué Christine Charles, de Danse-Cité.

Le diffuseur est d’ailleurs dans une campagne de financement continue, Audiodescription pour toujours, et vise à obtenir 20 000 $ pour « encourager le maintien du programme ».

Car si Danse-Cité a bénéficié de fonds publics spéciaux lors des premières années, le soutien de partenaires privés est maintenant vital. Pour l’instant, un seul a répondu cette année, contre sept l’an dernier.

Troubles financiers d’adaptation

Au Rideau vert, les frais réels représentent « environ 45 000 $ par année pour l’interprétation en langue des signes » de trois spectacles par saison.

Chaque interprète LSQ passe 40 heures avant la représentation à se préparer. C’est le tiers des 120 heures de répétition dont bénéficie en général un comédien pour un premier rôle dans un spectacle.

La théâtrodescription, elle, coûte 15 000 $ par an et le surtitrage, environ 5000 $. Avec la coordination, les activités de médiation culturelle (visites tactiles, rencontres avec les artistes et ateliers), les communications spécifiques, le budget total de ce programme tourne autour de 100 000 $ par année.

Ce texte fait partie de notre section Perspectives.

En 2022-2023, les trois initiatives avaient attiré 214 spectateurs cibles. En 2023-2024, 274. « Serons-nous dans l’obligation d’abandonner ce nouveau public qui a lui aussi droit à l’accès aux arts, au théâtre ? » se demandait le Rideau vert dans un mémoire prébudgétaire.

« Si nous n’obtenons pas de soutien spécifique ou que le soutien à la mission n’est pas augmenté, nous aurons une décision difficile à prendre quant à l’avenir de ce projet mis en place au cours de la saison 2022-2023. »

Adoucir la catharsis

« Le loisir adapté est très intéressé actuellement par la culture, là où avant il se tournait davantage vers le sport », précise Isabelle Boisclair, de la Maison Théâtre.

C’est la troisième année que la Maison Théâtre offre des « représentations sensoriellement adaptées ». « On crée une bulle familiale », explique la directrice générale. « Il n’y a pas de spectateurs à gauche et à droite » des membres d’un groupe, pour plus d’intimité.

Les équipes d’accueil peuvent fournir un scénario du spectacle avant que celui-ci débute. Les effets (lumières, sons, voix) sont tamisés. Les petits spectateurs peuvent se déplacer, entrer, sortir. Ici aussi, il est possible de visiter le décor avant les représentations en audiodescription.

Plusieurs outils sont disponibles : un toutou ou une couverture lestés, des coquilles pour les oreilles, des gadgets pour occuper les mains. « On ne sait pas qui est neurodivergent ou pas dans la salle », explique la directrice, car ces représentations sont mixtes, tous les publics étant les bienvenus, sans « billets accessibles » particuliers comme il s’en vend ailleurs.

Jusqu’ici, tout ce qui a été mis en place à la Maison Théâtre pour remédier à un handicap précis « finit par bénéficier à d’autres. Quand le personnel voit un enfant qui se bouche les oreilles avec les mains pendant un spectacle, il va aller lui offrir de porter des coquilles », par exemple.

La Maison Théâtre est déjà structurellement adaptée pour les enfants, rappelle Mme Boisclair. L’adaptation, « ça fait partie de notre vision depuis toujours. Pour nous, travailler l’accessibilité est une suite logique. »

Le pari, ajoute la directrice, qui est le même pour tous les théâtres qui tentent l’aventure de cette ouverture, « c’est de positionner l’offre accessible avant de voir si le public va venir. On est au commencement de quelque chose ; c’est très dur d’évaluer » les impacts.

Encore faut-il avoir les moyens financiers de continuer. À la Maison Théâtre, c’est beaucoup le financement privé qui maintient ces programmes.

Cette quête d’accessibilité contribue « à démocratiser l’accès à l’art », enchaîne Alice Côté Dupuis. « Les retombées sont sur tout le milieu artistique, puisqu’en proposant une offre constante, les personnes issues de la diversité capacitaire ont pu changer leurs habitudes, apprendre les codes des salles de spectacle et s’ouvrir à de nouvelles réalités. »

« Le fait que chaque institution collabore de façon si étroite, se prête du matériel et s’entraide autant n’est pas anodin non plus », conclut-elle.

Avec Stéphane Baillargeon

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