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Les dieux fous devant Denys Arcand

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« Je ne m’explique pas la haine ! » Ce sentiment gonfle comme jamais, estime Denys Arcand. Il s’en inquiète. « D’ordinaire, entre mes films, je suis assez tranquille. On ne peut pas dire que j’accapare l’espace public. Je me tais. Sauf en de rares exceptions. »

Habitué de la vie aux États-Unis — il y séjourne plusieurs mois chaque année —, le cinéaste se désespère du scénario qui y est à se jouer. D’autant que cela percole dans le monde entier.

« Je suis fasciné par la haine qui existe désormais dans nos milieux. C’est étonnant. » Il est devenu quasi courant, remarque-t-il, de se faire traiter « de fumier, de traître, d’ordure, de tout ce que vous voulez ». Il y a goûté. « Pourtant, je ne déteste personne en société, mis à part des figures comme Poutine ou Bachar al-Assad, si on veut. Il y a bien des gens avec qui je ne suis pas d’accord, mais je n’ai pas pour autant envie de les insulter. »

« C’est comme si l’idée même du bien commun était disparue du discours public. Et pas seulement aux États-Unis. » Pour lui, on ne peut pas espérer des lendemains meilleurs en s’appuyant juste sur une partie de la société. Comment faire société désormais ?

Quelque chose s’est brisé, constate-t-il. « Je m’inquiète pour ces gens qui prennent le parti de haïr à ce point, comme s’il s’agissait là d’un moteur qui anime leur vie. Les Kennedy parlaient aux Rockefeller et les Rockefeller parlaient au Kennedy, dit-il pour faire image. On ne se traitait pas de tous les noms ! Là, toute conversation est complètement coupée. »

La culture de l’échange

Entre deux bouchées d’omelette, il est question de la sortie fracassante de Robert De Niro à Cannes. « Ce qui se passe aujourd’hui, dans le monde du cinéma, est à la mesure de tout le reste. Trump a parlé à Jon Voight. C’est un acteur brûlé, fini. Voight lui a dit qu’on ne produisait plus de films à Hollywood, que c’était terrible. » Trump est parti avec l’idée que des tarifs, appliqués au cinéma, allaient faire revenir la production cinématographique.

« Ce type ne comprend rien au cinéma ni à la culture en général, qui est faite d’échanges. Il envisage tout ça de la même façon que l’industrie automobile. Regarde le travail extraordinaire de Denis Villeneuve. C’est tourné en plusieurs lieux différents en même temps. » Désormais, c’est aussi cela, le cinéma, observe Arcand.

Ce ne sont pas des films américains que le public voit moins, mais des films étrangers.

— Denys Arcand

« Ce ne sont pas des films américains que le public voit moins, mais des films étrangers. La place occupée autrefois par le cinéma français, italien, allemand, japonais a été conquise par les cinémas nationaux. Ici, ce sont des films québécois qu’on voit, à côté des films américains. » Pour qu’on puisse voir nos films, ce n’est pas le cinéma américain qui a reculé, mais le cinéma étranger.

Denys Arcand observe qu’il a dû faire des pieds et des mains pour voir, lorsqu’il est sorti, Perfect Days, le film de Wim Wenders. Ce film, à son avis, est un pur chef-d’œuvre. Il aurait été normal de le rendre accessible, par tous les moyens, à un vaste public. Il regrette que nos sociétés aient réduit leurs exigences en matière de culture.

Une faillite

« J’ai une amie américaine qui m’a dit, en parlant de Trump : “Ne vous découragez pas.” Ce qui ne m’empêche pas de me demander comment des gens, si nombreux, partout, peuvent croire un instant que Trump et ses semblables défendent leurs intérêts ! C’est un vrai mystère : les masses, depuis longtemps, votent contre leur intérêt. »

« Bien avant Karl Marx, au temps de David Hume et d’Adam Smith, on savait déjà que les barrières tarifaires appauvrissent les populations, rappelle le cinéaste. On pourrait penser que ces leçons, depuis le temps, seraient comprises. Hé bien non ! »

Pour lui, cette situation où nous glissons traduit, sur plusieurs plans, « la faillite de nos sociétés libérales ».

Les infrastructures s’effondrent, poursuit-il. « Comment endurer un instant, par exemple, l’hôpital Maisonneuve-Rosemont ? C’est inimaginable ! Comment une affaire pareille a-t-elle même pu être possible tandis qu’on continuait de discuter, comme si tout allait se corriger par des réformettes ? »

Le cinéaste évoque le cas d’une amie qui s’est retrouvée dans cet hôpital de Montréal. « C’est épouvantable. Tu serais mieux soigné à New Delhi ou à Kinshasa ! Si tu es dans ça, il vaut mieux en sortir, à n’importe quel prix ! Or, qu’est-ce qu’on fait ? On regarde… on attend… on parle… on discute. Pour les écoles publiques, pour les routes, c’est la même chose. »

Il évoque le cas de la France, de l’Angleterre, de l’Allemagne. Partout, des gens terriblement démunis face à ces situations « se jettent dans les bras du premier venu, celui qui leur offre des solutions simples, toutes faites ».

À mon âge, je sais que ce n’est pas la pollution qui va me conduire à la tombe. Mais rien ne m’empêche d’y penser quand même!

— Denys Arcand

« On regarde M. Legault, qui a pourtant l’air d’un homme raisonnable, s’acharner pour un troisième lien… » Un nationaliste-conservateur pareil, un peu dans la lignée de Duplessis, aurait bien pu demeurer au pouvoir pendant des décennies, pense Arcand. « Il y a toujours eu une place pour des nationalistes qui se présentent comme des gens raisonnables, même si je n’ai jamais été enthousiaste à l’égard de Duplessis. Mais peut-on un instant imaginer que Duplessis se serait entêté, lui, pour une affaire aussi insensée que le “troisième lien” ? Qui s’acharnerait ainsi, d’ailleurs ? Eux, ils continuent malgré tout de foncer dans le mur. Et nous, on est là, à nous creuser la tête devant ça, à essayer de comprendre ce qu’ils font, où ils vont, avec le troisième lien, avec Northvolt, etc. Ils nous rendent fous. » Et Denys Arcand de citer Sophocle : « Les dieux rendent fous ceux qu’ils veulent perdre. »

Arcand poursuit. « À mon âge, je sais que ce n’est pas la pollution qui va me conduire à la tombe. Mais rien ne m’empêche d’y penser quand même ! C’est un autre problème, réel et terrible. »

Toute une histoire

C’est l’étude de l’Histoire, à l’université, qui a conduit Denys Arcand au cinéma. Il le dit et le répète. Il parle encore de ses maîtres avec enthousiasme. « J’adorais Maurice Séguin, Michel Brunet et Jean Blain. J’avais beaucoup de plaisir avec eux. » C’est comme historien qu’il s’est retrouvé, un jour, à l’Office national du film du Canada (ONF), engagé par Fernand Dansereau.

« Moi, je venais d’une famille de marins. La classe ouvrière, les usines, je ne connaissais pas ça. » Pour On est au coton (1970), il décide d’aller mettre le nez de ce côté. « Après deux ans, j’ai vu ce qu’il y avait d’horrible à travailler en usine. Je l’ai dit. En même temps, j’ai constaté que la révolution qu’on nous annonçait alors n’allait pas arriver. Les ouvriers avaient des revendications. Ils voulaient intégrer des syndicats. Mais ils n’étaient pas révolutionnaires. Je l’ai dit aussi. Et on me l’a reproché ! »

L’ONF a changé. Denys Arcand aussi. Il est passé du côté de la fiction. « Des gens voudraient que je refasse toujours le même film… Moi, ça ne m’intéresse pas. Certaines personnes me suivent, malgré tout. D’autres pas. C’est correct aussi. »

Un nouveau film pour bientôt ? « Non, je n’ai strictement rien en tête pour un film. Il est possible que ce soit un signe des dieux. Je ne reçois plus la visite des muses, en tout cas. »

« Jusqu’à mon dernier film, je savais toujours à peu près ce que j’allais faire, dans quelle direction je travaillerais par la suite. » Après Testament (2023), ce fut différent. « Quand je suis sorti du studio de postproduction, je me suis assis dans ma voiture, vaguement mélancolique. Je me suis dit que, voilà, cette fois était la dernière. David Cronenberg m’a dit, il y a cinq ans, à l’occasion d’un repas, que c’était terminé, qu’il ne ferait plus de films. Hé bien, il vient d’en faire un ! Ce n’est pas impossible que ce soit la même chose pour moi. »

Rien, vraiment rien n’est en chantier ? « Oh, j’écris un livre ! Des anecdotes, des souvenirs. » Il y est question de cinéma, de ses parents, du temps où il fréquentait le Collège Sainte-Marie. Au café où nous sommes attablés se trouvent justement, par hasard, plusieurs anciens de cet établissement des Jésuites. Arcand est heureux de les retrouver. Il me parle de quelques-uns d’entre eux. « Ces gars étaient des athlètes incroyables. Ils sont vieux maintenant. Comme moi. Crois-moi, 84 ans, c’est un grand âge ! Ce n’est pas de l’amertume du tout ce que je te dis, ni de la tristesse. Je crois seulement que j’ai fait le mieux que j’ai pu. Et c’est tout. »

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