Lorsque les dirigeants du G7 s’assoiront aux tables de discussion à Kananaskis, en Alberta, ils auront devant eux une bouteille d’eau d’une petite entreprise de Calgary. Ce récipient réutilisable en aluminium illustre à la fois les possibilités d’affaires pour les ressources du Canada et les défis liés aux discussions à venir.

Toutes ces préoccupations sont toutefois bien loin des pensées de Saawan Logan, la directrice générale de l'entreprise North Water.

Dans son usine de remplissage d’eau située à Calgary, la cadence est soutenue. La petite équipe travaille en deux quarts de 8 h à minuit.

L’entreprise doit fournir des dizaines de milliers de bouteilles d’eau des montagnes Rocheuses à l’organisation du Sommet du G7 qui se tiendra à partir du 15 juin.

La directrice générale de North Water ne sait pas à quoi s'attendre en ce qui a trait aux retombées de la collaboration de l'entreprise au sommet du G7.

Photo : Radio-Canada / Tiphanie Roquette

Les récipients se trouveront dans les salles de réunion du complexe hôtelier principal, mais aussi dans tous les hôtels qui accueillent des délégations et des membres des médias.

Cela fait trois semaines que nous travaillons sept jours sur sept, explique Saawan Logan, qui a dû mal à s’arrêter entre deux problèmes à régler.

On a appris qu’on pouvait recevoir une commande à fournir en deux heures. Généralement, on a un peu de délai, mais cet événement nous force à nous démener.

Sous les yeux du monde entier

L’organisation du G7 a approché l’entreprise l’an dernier après que cette dernière eut participé à des discussions sur l’utilisation des plastiques à usage unique.

Le design des bouteilles a été conçu spécialement pour le sommet du G7 à Kananaskis.

Photo : Radio-Canada / Mark Matulis

La commande compense les débuts difficiles puisque l’entreprise a été fondée au début de la pandémie de COVID-19, en mars 2020.

Le gain financier n’est toutefois pas ce qui a motivé North Water, d’autant plus que l'entreprise est seulement payée pour les bouteilles utilisées et qu'elle pourrait donc se retrouver avec des milliers de récipients en surplus.

C’est moins un contrat pour le revenu, mais pour mettre de l’avant le meilleur du Canada devant une délégation du monde entier, souligne la dirigeante.

Cette visibilité pourrait amener de nouveaux contrats à cette équipe de seulement six employés.

Saawan Logan souhaite aussi mettre de l’avant la qualité de l’eau canadienne et lui tailler une place dans le palmarès des grandes boissons, comme peuvent l’être l’eau française ou l’eau Fiji. Le Canada n'est pas assez reconnu pour cette ressource, selon elle.

Ce sera un excellent moyen de présenter notre eau des Rocheuses aux dirigeants.

Un petit boom économique

L’organisation du G7 n’a pas été en mesure de nous fournir le nombre d’entreprises locales qui ont été sollicitées pour fournir des services pour la tenue du sommet.

L'entreprise North Water compte six employés, mais elle est prête à s'agrandir si de nouveaux contrats arrivent après le sommet du G7.

Photo : Radio-Canada / Tiphanie Roquette

La Chambre de commerce de Calgary estime pour sa part que l’événement pourrait générer 190 millions de dollars de revenus supplémentaires pour la région métropolitaine, et 240 millions de dollars pour l’ensemble de l’Alberta.

C’est un énorme coup de pouce pour les entreprises albertaines, souligne la présidente de la Chambre, Deborah Yedlin. On va donner des produits fabriqués ici, ajoute-t-elle. [...] Tout le monde en voyage cherche toujours un souvenir à ramener à la famille, aux collègues de bureau, et ce sont des objets importants pour discuter de l’expérience.

Des bouteilles taxées trois fois

Saawan Logan aimerait que son produit fasse réfléchir au moins un dirigeant : Donald Trump.

Les tarifs de 25 % [sur l’aluminium], c’était déjà un gros coup pour nous. Les prix ont explosé. Mais là, 50 %, nous n’avons pas hâte, déplore-t-elle.

Donald Trump a annoncé de nouveaux droits de douane sur l'aluminium.

Photo : Getty Images / AFP / SAUL LOEB

Les bouteilles sont en effet fabriquées à partir d’aluminium de Sherbrooke, au Québec, cependant transformé aux États-Unis. C’est un premier passage de frontière et donc une première application de tarif.

Les bouteilles sont ensuite envoyées à Calgary pour être remplies d’eau. Ce deuxième passage de frontière est soumis aux représailles tarifaires canadiennes.

Lorsque North Water envoie ses cargaisons à ses clients américains, c’est un troisième tarif qui s’applique.

Nos coûts ont beaucoup augmenté, et c’est très difficile de refiler la facture aux consommateurs. Nous sommes dans un marché très compétitif, avec une option plastique beaucoup moins chère, fait remarquer Saawan Logan.

J’espère qu’il va changer d’avis, répond-elle quand on lui demande ce qu’elle pense lorsqu'elle imagine sa bouteille dans les mains du président américain.

Ce produit illustre bien l’intégration du marché nord-américain, renchérit Deborah Yedlin, et à quel point ces tarifs n’ont aucun sens.

Elle espère une résolution des différends tarifaires avant le Sommet. Sinon, une bouteille ne sera pas suffisante pour apaiser des discussions qui promettent d'être tendues, craint Deborah Yedlin.