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Oh qu’ils étaient fâchés, les gens, cher journal. Oser dire tout haut pour qui on va voter et apparaître dans une publicité d’un parti politique, ça ne se fait pas en criant ciseau. À moins que t’aimes l’idée qu’on te coupe les cheveux avec, avant de te tondre sur la place publique. La politique est un sujet épineux. Presque autant que le hockey, imagine ! Elle touche à nos histoires, à nos valeurs, à nos souvenirs. Elle secoue parfois les colonnes mêmes sur lesquelles on a échafaudé notre être !
Prends moi, par exemple, ce que je préfère le plus au monde, c’est grandir. Je ne suis donc pas très conservatrice. J’ai bien, dans le fond d’un placard, les valeurs d’une femme classique ; j’aime notamment le bon pain. Bien fait. Sûrement pétri par un artisan à qui on a enseigné par transmission orale l’art du levain, l’amour de la miche enfournée dans un âtre de pierres façonné à même un menhir d’Obélix.
J’aime les traditions, tant qu’elles ne nuisent pas au progrès. Et je me mets à les détester quand on doit les respecter en dépit des droits de la personne. C’est pourquoi tu ne me verras probablement jamais la bouille sur une réclame du Parti conservateur. Et si, en élection, ce parti veut le pouvoir pour le pouvoir, qu’il se met à souffler sur ses propres voiles en agitant le soufflet du populisme imitant ce vent du sud qui n’apporte que du mauvais… il se peut même que tu me voies apparaître sans honte sur l’affiche du parti le plus susceptible de percer la coque de ce bateau fou !
Chaque fois que l’on veut parler de ce qui se passe au sud de notre frontière, on doit y aller avec des pincettes. On est pour l’instant pris en otage. L’éléphant du mot en « f » s’est assis sur nos voisins, mais il ne faut pas trop le dire. Ça n’est pas raisonnable de traiter les gardiens de la liberté de mot en « f ». Surtout un lendemain de 4 juillet. On revenait de manger de la tarte aux pommes et de regarder des feux d’artifice, là ! Et pourtant, absolument tous les signes sont là. Umberto Eco doit se retourner dans sa tombe comme un ventilateur tellement ça fait de fois qu’on en signale de nouveaux.
On ne sait pas trop comment ou quand ça va finir, tout ce mouvement de déshumanisation, mais la classe dominante est bien déterminée à saboter et même violemment réprimer tout ce qui la menace. Et elle sait qu’elle est menacée. Sinon, elle ne serait pas si violente. Le capitalisme barbare, la suprématie blanche, le profit sans le sens qui détruit la nature, et puis, cette vieille version du patriarcat qui glorifie la masculinité pour sa force brute et son portefeuille… L’homme blanc puissant et riche qui croit au pétrole autant qu’à son droit d’avoir une maîtresse ou une paille en plastique sait que les vents modernes le narguent et que sa réelle ascension est morte au XXe siècle.
Mais il s’accroche. Vous pensez que l’empire pétro-patriarcal qui ne paye pas de taxes va se laisser mourir sans se battre ? Plutôt se faire étêter par une éolienne. Alors on attend. On attend que les messieurs qui ne croient pas aux changements climatiques ou aux humains qui naissent sur un spectre de genre perdent le pouvoir par la force des choses si la révolution ne vient pas. Mais c’est long. En attendant, on fait quoi ? Ben... y a un cardinal rouge dans ma cour qui est le fun à regarder. Parfois, il se pose dans le mélèze qui, m’a-t-on dit, à l’automne, rivalisera d’éclat avec son plumage.
Sinon, ben, on s’humanise.
Quand le président en « T » est redevenu le commandant en chef du monde libre (rien que ça) en janvier, j’ai sauté à pieds joints dans la spirale de l’enfer. Me gavant de nouvelles déprimantes, j’ai vrillé dans le pessimisme comme dans le tube géant d’un parc aquatique. En tant que femme, l’affront me brûlait à vif. La culture du viol à la tête du monde, toé, chose. Je ne veux même pas imaginer ce que ressentaient les femmes racisées pour qui la dose d’humiliation était double.
Je tombais librement dans le défaitisme quand un texte a ralenti ma chute. Celui d’un Américain décrivant avec colère comme le gouvernement en place représentait ce que l’humanité a de plus laid. Ses mots énonçaient si bien leur nullité en matière de sensibilité, d’empathie et de curiosité simple, qu’ils m’ont permis de me souvenir que, malgré toutes les forces de normalisation en place, tout ça n’était pas la norme.
C’est que ceux qui ont abandonné il y a longtemps leur humanité préfèrent se battre à tuer celle des autres au lieu d’avoir le courage de retrouver la leur. Le combat devient simple : être ou ne pas être (c’est pas de moi). S’humaniser, ne pas céder à la peur. Être satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles, si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles. (Ça non plus, c’est pas de moi.)
Puis, s’il advient qu’on s’assoie deux heures avec un premier ministre en élection, vérifier dans son regard qu’il reste encore un enfant quelque part dans ses yeux. C’est pour ça que je vote. Quitte à y laisser des mèches.
Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.