NE LAISSER PAS LE 5G DETRUIRE VOTRE ADN Protéger toute votre famille avec les appareils Quantiques Orgo-Life® Publicité par Adpathway
C’est arrivé un 1er avril, mais ce n’était pas drôle. À l’Université Lyon 2, le maître de conférences Fabrice Balanche donnait son cours comme d’habitude lorsqu’une dizaine d’individus masqués firent irruption. Aux cris de « Racistes, sionistes, c’est vous les terroristes », ils forcèrent ce spécialiste de la Syrie, auteur de plusieurs ouvrages de référence, à quitter les lieux sous les huées. Le militantisme avait triomphé du savoir.
L’exemple est devenu en France le symbole de la façon dont l’idéologie a aujourd’hui pénétré l’université et menace la liberté d’enseignement. Bien sûr, l’idéologie n’est pas un phénomène nouveau à l’université, loin de là. Pourtant, rarement a-t-on vu le militantisme s’infiltrer à ce point jusque dans les plus hauts lieux d’une institution censée être la gardienne des savoirs et non pas le terrain de chasse d’agitateurs en mal de frissons. Alors que d’aucuns prétendent que le wokisme n’existe pas, ou qu’il a toujours existé (ce qui revient au même) et que ceux qui s’y opposent n’exprimeraient qu’une forme de « panique morale » ou de fantasme réactionnaire face à « un monde qui change », force est de constater que simplement transmettre ce que nos pairs nous ont enseigné est souvent devenu un sport de combat. Dans ce « nouveau monde », on risque sa carrière en affirmant qu’il n’y a que deux sexes, comme tous nos ancêtres l’ont pourtant pensé.
C’est ce dont témoigne un ouvrage majeur, Face à l’obscurantisme woke, qui paraît ces jours-ci et dans lequel 26 universitaires de droite comme de gauche décrivent la façon dont ce nouvel obscurantisme venu des États-Unis est en train de mettre à sac des pans entiers du savoir. Sa parution est elle-même une illustration de ce qu’il dénonce puisque le livre a failli être censuré. On a tenté de « canceller » cet ouvrage, commandé par la prestigieuse maison des Presses universitaires de France (PUF), après que quelques sommités se furent émues qu’on ose les critiquer.
Car ce que les auteurs démontrent avec brio, c’est qu’à force de regarder le monde à travers les seules lunettes du militantisme, le wokisme n’est rien d’autre qu’une forme d’obscurantisme annonciateur d’un « nouvel âge de la bêtise ». Comme la vulgate marxiste réduisait tout à la lutte des classes, pour cette idéologie de la déconstruction radicale, tout se résume à l’« hétéro-patriarcat », au « racisme systémique », à la « culture du viol » et au « décolonialisme ». Des concepts sortis d’une boîte à surprises, souvent invérifiables et qu’il faudrait considérer comme les Tables de la loi. Comment comprendre que dans nos universités, on discute sans éclater de rire et sur un ton pontifiant des « mathématiques queers », de la « linguistique des plantes » et des « musicologies gaies, lesbiennes et queer » ?
Emmanuelle Hénin, professeure de littérature à la Sorbonne, qui préface l’ouvrage, nous donne quelques exemples des aberrations auxquelles a conduit ce nouvel obscurantisme, d’ailleurs accentué par un recrutement des professeurs de moins en moins fondé sur la compétence et de plus en plus sur la race, l’ethnie, le sexe ou l’orientation sexuelle. Ainsi, en 2003, la Sorbonne a élu maître de conférences une géographe qui se définit comme « porno-activiste militante », dit pratiquer le « féminisme anal » et qui croit utile de se dénuder lors de ses conférences. Pensons aussi à cet autre maître de conférences de l’Institut universitaire de France qui confectionne des « kits de désapprentissage de la langue française » pour des étudiants qui souhaitent « oublier de vouloir savoir ».
Ces idéologies ont pénétré jusque dans les « sciences dures » puisqu’on a vu des wokistes accuser les mathématiques d’être racistes et la biologie d’être patriarcale. Dans les départements de sciences sociales, il n’est pas rare de voir malmenée la théorie de l’évolution de Darwin, comme si l’homme n’était qu’une page blanche sans déterminisme que l’on pouvait reprendre à zéro, comme l’a montré le psychologue Stephen Pinker. Qui s’attendait aussi à voir apparaître un féminisme niant l’existence même des femmes et la nature biologique des sexes ? De même, a-t-on entendu en France une ancienne vice-présidente de l’Université de Lille devenue députée « écoféministe » affirmer qu’elle préférait les sorcières (« les femmes qui jettent des sorts ») aux hommes qui construisent des centrales nucléaires.
Leur point commun : l’objectivité du savoir scientifique ne serait qu’un leurre. Les auteurs n’hésitent pas à voir dans ce courant une pensée totalitaire qui tourne en boucle et représente la défaite de l’universalisme puisque tout discours serait dorénavant essentiellement défini par le sexe, la race, l’ethnie ou l’orientation sexuelle de celui qui parle. Nous voilà revenus à Lissenko, ce pseudo-généticien soviétique selon qui le concept de gène était une « invention bourgeoise ».
Ce militantisme a depuis longtemps débordé de l’université pour gangrener les médias, dont certains rappellent la presse militante des années 1970. Même les musées, censés transmettre l’héritage artistique, ne sont pas épargnés par cette façon de regarder le passé à travers la lorgnette du présent. Combien d’expositions motivées par la seule identité raciale et sexuelle de l’artiste ? Combien de grands maîtres réduits à leurs seules opinions politiques ou voués aux gémonies pour avoir osé intituler un tableau La Négresse (Manet) ou représenté des jeunes filles en position « passive » de « femmes fatales », comme Hylas et les Nymphes (Waterhouse). Paradoxalement, un grand nombre de femmes peintres se trouvent ainsi réduites à leur sexe, alors qu’elles sont tout simplement de grandes artistes.
Le journaliste Didier Rykner (Mauvais genre au musée) définit le wokisme comme « une négation de l’histoire », la « volonté de faire table rase d’un passé pourtant révolu » et « une relecture morale des événements d’autrefois ». Avec pour résultat que « les événements sont réinterprétés, extrapolés, les faits sont niés, et la morale devient la moraline. Elle a l’apparence de la morale, elle en a le goût, mais elle n’en est qu’une imitation et se résume en réalité au triomphe de la bien-pensance ».
Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.