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Le verbe national

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Que répond un États-Unien quand on lui demande de résumer l’histoire de son pays ? Il parle de liberté, de Dieu, de travail et de progrès. La même question posée à un Français permettra d’entendre, en réponse, les mots république, culture, histoire, Europe, malheur et le couple riches / pauvres. Le Québécois, lui, évoquera le français, le Canada, la défaite, son statut de victime et sa différence.

Je tire ces conclusions de l’ouvrage Les mots de la nation (PUM, 2025, 192 pages), le plus récent essai de l’historien Jocelyn Létourneau, rédigé avec la collaboration de son collègue Raphaël Gani. À la fois, selon les mots de l’auteur, rapport scientifique, exercice méthodologique et essai analytique, ce livre, très éclairant, repose sur une enquête réalisée en 2011 auprès de 5276 répondants provenant de six nations : États-Unis, France, Angleterre, Écosse, Canada et Québec.

« Comment résumeriez-vous en quelques lignes l’histoire de votre pays jusqu’à aujourd’hui ? » ont demandé les chercheurs aux participants. L’intention des sondeurs était de recueillir ce que des citoyens ordinaires considèrent comme « le précipité fondamental, l’élan primordial ou le dynamisme central » de leur nation, d’hier à aujourd’hui. En d’autres termes, quelles représentations les gens ordinaires ont-ils de leur pays ?

Le cadre théorique de la démarche se trouve dans le concept de « communauté imaginée », emprunté à l’historien irlandais Benedict Anderson. Selon ce dernier, explique Létourneau, « les nations ne sont pas uniquement des entités institutionnalisées, mais des réalités parlées et thématisées aussi […] des communautés de communication, donc de conversation pratiquant une sorte de verbe national ».

Faire nation, autrement dit, c’est parler une langue commune — le français ou l’anglais, par exemple —, mais c’est aussi partager un lexique national, composé « de mots référence, de mots préférences », porteurs de la représentation nationale.

Même s’il a toujours eu tendance à user d’un jargon personnel, Létourneau demeure un styliste et un maître de la formule qui fait mouche. « Renan, écrit-il pour résumer son cadre théorique, disait de la nation qu’elle était le “résultat d’un plébiscite de tous les jours”. Il faudrait la considérer aussi comme le produit d’une redite de tous les instants. »

C’est cette redite que tente de cerner Létourneau, en insistant sur le fait que, quoi qu’en disent les mondialistes enthousiastes ou chagrins, « pour l’immense majorité des gens, la nation constitue encore une ressource référentielle cardinale pour se retrouver et se positionner, en compagnie d’autrui significatif sur la surface anonyme de la planète ».

Les considérations méthodologiques sont fondamentales dans ce genre d’enquête. Létourneau et Gani ont retenu 3604 réponses, dont 269 au Québec, parmi les 5276 reçues. Pour être considéré comme un « mot de la nation », un terme devait revenir à répétition dans les réponses de toutes les catégories sociales : hommes, femmes, jeunes, aînés, riches, pauvres, originaires de régions variées et avec des niveaux d’instruction différents.

Les mots synonymes ont aussi été agrégés afin de respecter l’esprit des réponses. Au Canada, par exemple, des mots comme « tranquille », « non violent », « calme », « harmonieux » et « paix » ont été regroupés dans le terme générique « pacifique ».

Une fine analyse montre bien que la situation personnelle d’un répondant influence sa vision du passé national. Les non-Blancs, aux États-Unis, utilisent moins le mot « liberté » et plus le mot « violence » que les Blancs, par exemple. Il reste qu’il est possible d’établir un lexique national partout. Ce lexique peut prêter à controverse — les Québécois évoquent beaucoup le mot « Canada », par exemple, parfois en bien, parfois en mal —, mais il demeure un lieu de rassemblement.

Dans les six nations étudiées, on parle de fierté nationale, de guerre, de violence, de diversité, de religion et d’héritage. Le verbe national, toutefois, dépasse ces similitudes. Les mots dominants au Canada anglais sont « cultures », « great », « English », « French », « natives » et « peaceful ». Au Québec, ce sont plutôt « Canada », « Anglais », « français », « victimes », « conflits », « remarquable » et « diversité ».

Le lexique canadien dégage de la sérénité et du contentement, note Létourneau. Son pendant québécois, axé sur l’idée de dualité, raconte une histoire plus triste de non-reconnaissance nationale par on sait qui. Ces mots ne disent pas tout, évidemment, mais en disent long sur les consciences respectives de ces deux nations.

Nous sommes ici au cœur de ce que le psychosociologue anglais Michael Billig appelle le « nationalisme banal », c’est-à-dire ces manifestations identitaires presque subliminales qui témoignent de notre appartenance profonde à une nation spécifique. C’est subtil, passionnant et riche de potentialités interprétatives.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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