La Journée mondiale de sensibilisation à la maltraitance des personnes âgées permet de remettre au centre des discussions les fraudes ciblant les aînés, un fléau à combattre grâce à la littératie financière, affirment des experts.

Le Centre antifraude du Canada (CAFC) relate une augmentation de 226 % des fraudes entre 2020 et 2024. Seul 5 à 10 % de celles-ci sont signalées au pays.

Selon le CAFC, la honte d'avoir été bernée serait l'une des raisons pour lesquelles les gens préfèrent demeurer dans le silence.

La porte-parole de l’Association des banquiers canadiens (ABC), Nathalie Bergeron, est d'avis que la situation est plus que préoccupante. Elle note que si tous les Canadiens sont bel et bien visés par la vague croissante de fraudes, les personnes âgées restent une cible privilégiée, pour plusieurs raisons.

On parle parfois d’isolement, parfois de moins de confort avec les technologies. Mais aussi, ce sont des personnes qui, au fil de leur vie, ont accumulé des biens, donc ça peut attirer les escrocs un peu plus, explique-t-elle.

En 2024, le CAFC a rapporté 638 millions de pertes au Canada sur 108 878 rapports de fraude.

Si on se rappelle que c’est de 5 à 10 % des fraudes qui sont signalées, l’estimation est de 12 milliards. C’est 0,5 % du PIB. C’est énorme, déplore Nathalie Bergeron.

Des fraudes par piratage informatique par le biais d'entreprises de cryptomonnaie ont été signalées au Canada.

Photo : Getty Images / Chinnapong

La directrice des communications et des affaires publiques à la Commission des services financiers et des services aux consommateurs du Nouveau-Brunswick, Marissa Sollows, précise que les personnes aînées de sexe féminin sont particulièrement plus visées par les fraudes.

Souvent, les femmes font face à des défis financiers en raison des facteurs sociétaux, affirme-t-elle. Même à la retraite, plusieurs femmes font face aux répercussions d’avoir moins d’argent que les hommes.

Les femmes sont aussi touchées de façon disproportionnée par la démence et la maladie d’Alzheimer, cela peut nuire considérablement à la capacité de quelqu’un de gérer effectivement ses finances, ajoute-t-elle.

L'experte constate aussi que l’exploitation financière des femmes en particulier se déroule aussi plus dans le silence.

[Mais] le stigma d’être une victime de ce type de crime est en train, je crois, de diminuer un peu, clame Marissa Sollows.Les gens sont un petit peu plus confortables de signaler qu’ils ont été victimes d’une fraude.

La littératie financière

Nathalie Bergeron avance qu’il est difficile d’identifier les tendances réelles des fraudes lorsque très peu d’entre elles sont signalées. De plus, les fraudeurs ne cessent de se renouveler et sont rusés.

Une fois qu’une personne a été fraudée, le 2e niveau c’est qu’on va la contacter pour lui offrir de l'aider à récupérer son argent. C’est une fraude aussi et ils sont normalement de connivence, donne-t-elle en exemple.

C’est un peu ironique [et] c’est pour ça que c’est important de travailler avec les gens qui sont victimes de fraude, avec empathie, et de les aider à travers ça et de déstigmatiser cet incident-là pour que les gens se sentent à l’aise de rapporter la fraude et aussi d’aller demander de l’aide, poursuit-elle.

Les fraudeurs ont plus d'un tour dans leur sac pour vous faire sortir votre carte de crédit.

Photo : iStock

Pour faire face à la situation, l’ABC mise énormément sur l’importance de la littératie financière chez les aînées et la sensibilisation à la fraude.

Elle offre par exemple des trousses de prévention virtuelles, des outils de littératie financière en ligne et organise aussi des séminaires destinés aux aînées dans les centres communautaires ou résidences pour personnes âgées.

De son côté, le FCNB a tenu une marche annuelle à Fredericton et à Saint-Jean en juin, pour la Journée mondiale de sensibilisation à la maltraitance des personnes âgées victimes d’exploitation financière.

Le plus souvent qu’on a des activités comme nos marches, des activités comme des webinaires, l’opportunité de sensibiliser de plus en plus de gens, ce stigma diminue de plus en plus aussi, estime Marissa Sollows.

Des conseils à revisiter périodiquement

Nathalie Bergeron met aussi le public en garde contre le sentiment d’urgence souvent utilisé par les arnaqueurs.

Quelqu’un qui essaie de vous mettre de la pression pour vous faire agir rapidement, c’est un drapeau rouge, dit-elle.

Elle suggère dans ce type de situation de demander les coordonnées et le nom de l’interlocuteur et de dire qu’on va le rappeler.

Mais on ne rappelle pas le numéro que la personne nous donne, précise-t-elle. On rappelle au numéro de notre succursale ou le numéro derrière votre carte bancaire, donc directement à votre institution financière. Ces gens-là [les fraudeurs] vous donnent un numéro qu’il contrôle, même si la non-institution financière s’affiche sur votre affichage, ça peut être manipulé.

Marissa Sollows rappelle qu’il existe une hausse de fraudes en ligne et de fraude d’investissement par les médias sociaux ou par le biais de cryptomonnaies. Les fraudes sont aussi perpétrées grâce à l’intelligence artificielle ces jours-ci, ce qui devient un problème.

Elle ajoute qu’il est important d’avoir le réflexe de prendre une pause et faire un pas de recul face à des situations qui nous rendent un peu mal à l’aise et de ne pas rester dans l’isolement.

Il n’y a aucun problème à dire : "attends un instant, il faut que je pose quelques questions à quelqu’un d’autre", dit-elle. Prenez le temps, c’est votre argent. Vous n’êtes jamais obligé de donner votre argent. Vous n’êtes jamais obligé de dire oui à n’importe qui.

D’après le reportage de Jimena Vergara