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FIGAROVOX/TRIBUNE - Emmanuel Macron a laissé entendre qu’il pourrait recourir au référendum sur la fin de vie ou l’accès des jeunes aux réseaux sociaux. Deux sujets pourtant exclus du champ constitutionnel du référendum, explique le professeur associé en droit public Jean-Pierre Camby.
Jean-Pierre Camby est professeur associé en droit public et a récemment publié Le Conseil constitutionnel, juge électoral (Dalloz 2025).
Au cours d’une émission télévisée marathon où furent évoqués l’effort de défense, la sidérurgie, l’emploi, la dette publique, l’âge de la retraite, l’héritage, la voiture électrique, le refus de marier une personne sous OQTF, la simplification administrative, etc., les sujets possibles de consultation du peuple ne manquaient pas. Le 11 avril 2022, Emmanuel Macron n’envisageait-il pas un référendum sur la réforme des retraites, comme «sur quelque réforme que ce soit» ? Aujourd’hui, il l’exclut sur les sujets de préoccupation majeurs des Français pour des raisons de fond (retraites), d’état du droit applicable (immigration) ou constitutionnelles (fiscalité et budget). Pour autant, l’évocation du référendum n’est pas abandonnée. Pour «ne rien s’interdire», deux sujets ont été précisément envisagés qui pourraient «après juin» faire l’objet d’une consultation : la fin de vie et l’accès des jeunes aux réseaux sociaux. Le président insiste sur le fait que le recours au référendum répondrait à un blocage et deviendrait ainsi, pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, une voie d’appel d’une phase parlementaire non aboutie. Ces hésitations sur le thème à retenir et la portée de la consultation cachent une extrême prudence. Le référendum est un vieux mythe, qu’on agite au besoin, mais qui paraît actuellement impraticable.
Certes, convoquer un référendum sur la base de l’article 11 de la Constitution relève du seul pouvoir du président, même si on passe un peu vite sur l’exigence d’une proposition préalable du gouvernement. La simple évocation par François Bayrou d’un référendum portant sur un «plan d’ensemble» de réduction des déficits ne saurait en tenir lieu. Mais sur les huit consultations référendaires précédentes convoquées en application de cet article, bien peu ont respecté cette exigence. Le Conseil d’État ne pourrait la sanctionner, pas plus qu’il ne se prononcerait sur l’objet de la consultation. De manière constante depuis 1961, il juge que la convocation d’un référendum échappe à sa compétence.
La Constitution ne prévoit pas un référendum pour évoquer ou trancher des questions de société. Il est frappant de voir que, précisément, les deux sujets envisagés ne paraissent pas entrer dans le champ référendaire
Le référendum doit respecter le champ de l’article 11, qui vise en premier lieu «l’organisation des pouvoirs publics», que la pratique gaullienne a étendu, en octobre 1962 comme en avril 1969, à une possible révision constitutionnelle, provoquant alors une polémique toujours actuelle, même si la procédure est jugée aujourd’hui impossible par une majorité de commentateurs. Le texte inclut aussi les «réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale et aux services publics qui y concourent» ou les ratifications d’un traité qui «sans être contraire à la Constitution aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions». Le Conseil constitutionnel en a exclu un texte principalement fiscal, ou visant la seule augmentation des recettes de l’État ou de la sécurité sociale, ou encore qui se contente de maintenir une situation existante. La Constitution ne prévoit pas un référendum pour évoquer ou trancher des questions de société. Il est frappant de voir que, précisément, les deux sujets envisagés ne paraissent pas entrer dans le champ référendaire.
Pourrait-on considérer que la fin de vie relève du service public hospitalier ? Mais on voit bien que cela est très marginal par rapport au débat éthique sur la souffrance et la possibilité de provoquer la mort. La question juridique consistant à savoir dans quelle mesure la dignité d’une personne «telle qu’elle la conçoit» est opposable au «respect de la dignité humaine» telle que la société la conçoit ne relève pas non plus du champ référendaire. Il en va de même de l’accès des jeunes aux réseaux sociaux, qui concerne la liberté de communication et non une réforme sociale. Emmanuel Macron court donc un risque juridique s’il en fait des thèmes référendaires.
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Le Conseil constitutionnel, depuis une décision Hauchemaille du 25 juillet 2000, a étendu son contrôle juridictionnel aux actes préparatoires à la tenue du référendum. En jugeant le décret de convocation du référendum sur le traité constitutionnel européen, il n’a pas reconnu explicitement sa compétence pour contrôler la constitutionnalité du texte soumis au référendum, mais il a laissé la porte ouverte à l’exercice d’un tel pouvoir. Le risque existe donc qu’il bloque en amont une procédure sortant du cadre constitutionnel posé de l’article 11, notamment une tentative de modifier la Constitution sans recourir à l’article 89. Ce désaveu serait loin d’être anodin pour l’auteur de la question.
La tenue d’un référendum n’est pas de nature à rétablir l’adhésion populaire qui nous fait défaut, depuis le scepticisme électoral de 2022, et plus encore depuis la dissolution du 9 juin 2024 qui ont affaibli le président
Mais l’essentiel est, en aval, le risque politique de voir, comme en avril 1969, le référendum se transformer en plébiscite raté, surtout lors d’une fin de mandat. Dans ces conditions, la responsabilité politique du chef de l’État, constitutionnellement introuvable, pourrait se réaliser. Le général de Gaulle l’avait posée en 1962 : «même si la majorité des oui est faible, médiocre, aléatoire, il est bien évident que ma tâche sera terminée aussitôt et sans retour». Et elle provoqua son départ en 1969 : «Si je suis désavoué… ma tâche actuelle de chef de l’État deviendra évidemment impossible, et je cesserai aussitôt d’exercer mes fonctions». Par la suite, aucun des présidents n’a plus fait jouer ce rôle au référendum. Ni François Mitterrand en 1992 ni Jacques Chirac. En 2000, pour le référendum constitutionnel sur le quinquennat, ignoré par 70 % des électeurs, le chef de l’État s’en était remis au choix du peuple sans dire s’il était favorable à la réforme. L’échec du référendum sur le traité sur la Constitution européenne en mai 2005, le dernier en date, n’entraîna pas son départ.
Emmanuel Macron se contente donc de suivre ces exemples, à la nuance près qu’il envisage cette procédure pour vaincre une réticence parlementaire ou trancher une question de société, et donc rechercherait l’adhésion populaire sur une réforme en faveur de laquelle il s’engagerait. Mais il ne peut ignorer que le peuple se prononce souvent autant sur l’auteur de la question que sur la question elle-même. En cas d’échec, sa responsabilité politique serait, dans le contexte politique actuel, clairement engagée. C’est sans doute ce qui explique que la voie référendaire est devenue une arlésienne constitutionnelle, toujours évoquée, mais toujours différée. La tenue d’un référendum n’est pas de nature à rétablir l’adhésion populaire qui nous fait défaut, depuis le scepticisme électoral de 2022, et plus encore depuis la dissolution du 9 juin 2024 qui ont affaibli le président. Un refus du juge constitutionnel ou du peuple, qui se souvient que sa volonté claire en 2005 a été contournée deux ans plus tard par le traité de Lisbonne, aggraverait encore la crise politique.