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"Le rapport sur les Frères musulmans illustre les difficultés de la recherche sur des sujets clivants"

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La publication du rapport intitulé « Frères musulmans et islam politique en France », commandé par Gérald Darmanin, a entraîné diverses réactions, caricaturales pour beaucoup. L'occasion pour Manuel Boucher, professeur des universités en sociologie, de s'interroger sur les difficultés qu'éprouvent les universitaires à travailler sur l'islamisme.

Les réactions médiatico-politiques et universitaires outrancières (accusation de racisme et d’« islamophobie » versus dénonciation de laxisme et de lâcheté clientéliste) à la suite de l’annonce gouvernementale de l’examen d’un rapport sur l’influence des « Frères musulmans » et de l’islamisme dans la société française mettant en danger la cohésion nationale soulignent toute la difficulté dans laquelle se trouve la recherche scientifique en sciences sociales vis-à-vis de questions politiques, culturelles et identitaires clivant la nation.

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D’un côté, à propos du degré d’influence de l’islamisme (doctrine politique de l’islam) dans la société française contemporaine, des chercheurs sont accusés d’être dans le déni pour des raisons idéologiques. Dans ce cas, ils décriraient la société telle qu’ils aimeraient la voir et non telle qu’elle est par peur de participer à une logique de stigmatisation et de « panique morale » à l’encontre des musulmans, voire parce qu’ils soutiendraient une nébuleuse « islamo-gauchiste » (alliance paradoxale d’activistes « gauchistes », tiers-mondistes et anti-impérialistes avec des fondamentalistes politico-religieux musulmans).

Le spectre de l'« islamo-gauchisme »

Ainsi, en 2021, dans un contexte conflictuel à propos du projet de loi « confortant les principes de la République », dite loi contre les « séparatismes » (accusé de manifester de l’hostilité et de criminaliser l’islam et des musulmans selon Jean-Luc Mélenchon, leader de La France Insoumise), la ministre de l’Enseignement supérieur de l’époque, Frédérique Vidal, avait confirmé, devant l’Assemblée nationale, la mise en place « d’un bilan de l’ensemble des recherches » qui sont produites à l’université pour distinguer « ce qui relève de la recherche académique et de ce qui relève du militantisme et de l’opinion ».

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Dénonçant l’« islamo-gauchisme » gangrenant l’université, celle-ci avait alors demandé la réalisation d’une enquête au CNRS. Ces déclarations virulentes, à charge à l’encontre du monde universitaire, avaient donc entraîné de vives protestations et des réactions d’indignation hostiles de la part de nombreux chercheurs qui s’insurgeaient sur les réseaux sociaux et dans des tribunes contre l’atteinte portée à la liberté de la recherche et la banalisation des idées d’extrême droite. La ministre, participerait, en effet, au déploiement du thème complotiste et imaginaire de l’« islamo-gauchisme ». Dans un communiqué, la Conférence des présidents d’universités (CPU) « fait part de sa stupeur face à une nouvelle polémique stérile sur le sujet de l'"islamo-gauchisme" ».

De son côté, la direction du CNRS publie un autre communiqué dans lequel cette institution scientifique nationale prend clairement position dans le débat politico-médiatique. La direction du CNRS affirme, en effet, que « l’islamo-gauchisme » est un slogan politique qui est utilisé dans le débat public mais « ne correspond à aucune réalité scientifique » car il s’agit d’un « terme aux contours mal définis ». Ce que refuse le CNRS, c’est l’exploitation politique de débats scientifiques et l’instrumentalisation de la science, en particulier les sciences sociales et humaines, mais accepte de participer à une étude « visant à apporter un éclairage scientifique sur les champs de recherche concernés ». Face aux réactions négatives d’une grande partie de la « communauté scientifique », Frédérique Vidal répond alors qu’elle a été interpellée par des universitaires se disant eux-mêmes empêchés par d’autres collègues de mener à bien leurs recherches.

Vous avez dit « islamophobie » ?

D’un autre côté, en effet, des universitaires travaillant sérieusement sur l’islamisme et l’islamo-gauchisme et leurs capacités de nuisance pour les démocraties, alors qu’ils mettent en œuvre des protocoles de recherche exigeants pour décrire la réalité sociale de façon la plus objective possible, font l’objet, au sein même du monde académique, d’attaques personnelles et sont dénoncés comme des alliés et des cautions scientifiques des promoteurs de haine antimusulmans et de l’« islamophobie ».

Dans la pratique, des universitaires s’indignent et délégitiment les travaux scientifiques sur l’influence des idéologies hypercritiques et anti-universalistes dans les mondes politiques, médiatiques, associatifs et académiques. Pour ces promoteurs de morale, travailler sur l’ambivalence du champ décolonial et identitatriste est assimilé à une forme de soutien d’« intellectuels organiques du pouvoir » à une démarche politique d’instrumentalisation de la science au service d’un État accusé d’être « structurellement raciste » et « islamophobe ».

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Pourtant, comme le soulignent des spécialistes du racisme, l’« islamophobie » est un terme polémique qui amalgame sciemment la critique de l’islam et la haine des musulmans. La peur d’être traité d’« islamophobe » entretient alors l’autocensure et limite la liberté d’expression. Au sein du champ universitaire comme dans l’ensemble de la société, l’« islamophobie » est donc un terme polysémique puisque certains considèrent son utilisation comme une manipulation sémantique visant à empêcher toute critique de l'islam tandis que d’autres dénoncent les contorsions linguistiques de leurs adversaires en soulignant que le refus d’utiliser ce terme ne sert qu'à minimiser la haine ordinaire subie par tous les musulmans.

Sortir de cette impasse polysémique à propos de l’« islamophobie » réelle (incitation à la haine et la violence contre les musulmans) ou instrumentale (refus de la critique de l’islam et des comportements de certains musulmans) nécessite dès lors de clarifier le sens des mots pour éviter leur possible instrumentalisation politique et religieuse. Dans ce cas, il paraît préférable de ne pas faire de l’« islamophobie » le synonyme du « racisme antimusulman » et de réserver son utilisation pour décrire une crainte irraisonnée contre l’islam et ses croyants et d’utiliser les termes « racisme anti-musulman » ou « racisme anti-Arabe » pour décrire des formes de discriminations racistes à l’encontre des musulmans et des Arabes.

Invectives entre universitaires

Au bout du compte, les épisodes politico-médiatiques récurrents à propos du développement exponentiel réel ou fantasmé de l’islamisme et de l’islamo-gauchisme dans la société française révèlent de fortes divergences au sein du monde universitaire en proie à des logiques d’instrumentalisation politicienne. En effet, des universitaires s’hétéro-désignent négativement (« islamophobes » versus « islamo-gauchistes ») et s’accusent mutuellement de confondre savoir scientifique et militantisme idéologique. D’une part, des universitaires estiment que les déclarations et mesures législatives destinées à lutter contre l’islamisme sont un prétexte contribuant à stigmatiser et à ostraciser tous les musulmans victimes d’« islamophobie ». Pour ces universitaires, ce sont d’abord les discriminations systémiques antimusulmanes qui sont un problème pour la cohésion sociale et peuvent alimenter des processus de repli communautaire, voire de radicalisation.

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Dans cette optique, l’« islamo-gauchisme » n’est donc pas une réalité scientifique mais fait partie du répertoire de l’extrême droite. D’autre part, dans un contexte d’expansion de l’islam politico-religieux à l’échelle mondiale et de ghettoïsation des quartiers (im)populaires, sans nier l’existence dans certains cas d’un racisme antimusulman, des chercheurs en sciences sociales considèrent que la négation du développement de l’islam politique sur le sol national participe à légitimer les phénomènes de séparatismes, de replis, voire de violences identitaristes.

Pour ces chercheurs, il est nécessaire d’étudier les processus et les acteurs promoteurs de logiques antirépublicaine et antilaïque, notamment les djihadistes commettant des tueries, les salafistes prônant le séparatisme et les Frères musulmans usant de stratégies de conquêtes qui contribuent tous à la fragmentation sociale nationale. Dans cette perspective, l’« islamo-gauchisme » n’est pas revendiqué et confondu avec un concept scientifique mais assumé pour désigner une réalité politique inquiétante : l’alliance stratégique entre des organisations islamistes, identitaristes et d’extrême gauche partageant des convictions anti-universalistes.

Max Weber et la recherche

L’injonction paradoxale dans laquelle se trouvent les chercheurs en sciences sociales souhaitant faire honnêtement et rigoureusement leur métier de « travailleurs de la preuve » s’illustre donc particulièrement dans les polémiques médiatiques et politiques à propos de l’existence d’une dynamique islamiste et « islamo-gauchiste » dans la société.

Ces épisodes politico-médiatiques ont néanmoins un mérite : celui de réveiller un débat très ancien au sein des sciences sociales. En effet, entre 1917 et 1919, le sociologue allemand Max Weber s’interroge sur les différences entre le « savant et le politique ». Il décrit la spécificité des acteurs politiques amenés à articuler l’« éthique de conviction » et l’« éthique de responsabilité » ainsi que celle des savants enjoints à construire une « neutralité axiologique » pour objectiver leurs travaux de recherche. Pour Max Weber, adopter une posture de neutralité axiologique ne consiste cependant pas pour le chercheur à nier toute valeur ou idées de sa part mais bien plutôt à les affirmer préalablement. Selon le sociologue allemand, la neutralité consiste à expliquer clairement les présupposés à partir desquels on opère une sélection des faits.

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Par conséquent, l'objectivité dans les sciences sociales consiste à assumer la subjectivité des choix, c’est-à-dire le rapport aux valeurs qui conditionnent l'orientation donnée à un travail de recherche. Il revient alors aux chercheurs, en particulier lorsqu’ils travaillent sur des sujets chauds et sensibles, non pas de sombrer dans l’invective, l’indignation morale et les attaques ad hominem mais d’interroger sans cesse leur positionnement scientifique vis-à-vis de leurs convictions politiques et idéologiques.

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