NE LAISSER PAS LE 5G DETRUIRE VOTRE ADN Protéger toute votre famille avec les appareils Quantiques Orgo-Life® Publicité par Adpathway
La humez-vous dans l’air du temps ? Cette tendance à vouloir engourdir nos ambitions de décarbonation au profit d’un allègement des pressions financières ? Dans la foulée de l’abandon de la taxe carbone par le premier ministre canadien, Mark Carney, le Québec se tâte l’opinion publique. Certains voudraient laisser tomber un système pourtant reconnu mondialement comme l’une des meilleures manières de combattre les émissions de gaz à effet de serre (GES). Le Québec doit conserver son caractère environnemental distinct et maintenir sa bourse du carbone, envers et contre l’électoralisme ambiant.
Un sondage Léger publié cette semaine dans les médias de Québecor a relancé l’idée de faire comme tout le reste du Canada, et d’abolir le système de tarification du carbone fièrement mis en vigueur par le Québec en 2007, avant le reste du pays. Interrogée de manière très précise sur sa volonté de maintenir ou non une taxe carbone au Québec, une majorité de répondants (56 %) a affirmé qu’il fallait y mettre fin. Signe peut-être du manque de pédagogie qui a entouré ce système dont on devrait s’enorgueillir, 68 % des répondants aimeraient que la part de la taxe carbone payée à la pompe — actuellement environ 10 cents le litre d’essence — soit très clairement indiquée sur leur facture. Voilà qui est intéressant. Plus de transparence dans ce système d’impôt environnemental permettrait peut-être une plus grande acceptation ?
Le changement de cap apparent des Québécois n’est pas totalement incompréhensible. On ne peut pas les blâmer de vouloir eux aussi réfléchir à cette taxe carbone, qu’on ne comprend peut-être pas collectivement de la manière la plus précise. Le Canada vient tout juste de remiser sa taxation carbone, sous la baguette d’un Mark Carney qui n’a rien fait encore pour nous convaincre que la lutte contre les changements climatiques constitue une de ses grandes priorités. En outre, comment reprocher à des automobilistes — oui, l’auto fait encore partie du paysage, malgré des efforts notables en matière de transport collectif et autres modes de déplacement — de rager de devoir payer entre 20 et 40 cents de plus le litre d’essence que partout ailleurs au Canada, en ces moments difficiles pour le portefeuille ?
Malgré ces sentiments légitimes, le Québec ne doit pas fléchir. Dans le tumulte politique des derniers temps, quelques signaux sont de nature rassurante. Comme la motion de Québec solidaire adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale le 8 avril dernier sur le maintien de la bourse carbone au Québec. Ou encore la réaffirmation ferme faite cette semaine par le premier ministre québécois, François Legault, et son ministre des Finances, Eric Girard, qui croient encore aux bénéfices d’une participation du Québec au marché du carbone. Profitant d’une élection partielle dans Arthabaska, où il espère rafler un siège, le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, avait carrément demandé au gouvernement de sortir du marché au plus vite, pour que les Québécois paient moins cher leur essence. Dans la foulée, le Parti québécois avait demandé une réduction de la taxe sur l’essence, ce que la Coalition avenir Québec a refusé.
Le système de taxation du carbone n’est pas parfait, mais c’est de loin l’un des meilleurs outils qui existent pour parvenir à réduire les GES. En adhérant à l’Accord de Paris, le Québec s’est engagé à réduire de 37,5 % ses émissions de GES d’ici à 2030, par rapport au niveau de 1990. À partir des données de 2022, il calcule qu’il a réussi à le faire à hauteur de 19 %, notamment grâce à la bourse carbone ; il prévoit que, d’ici 2030, cette bourse comptera pour 25 % de sa cible de réduction. Puisque le secteur des transports pèse encore très lourd dans le bilan des GES — 43,3 % des émissions en 2022 —, il serait totalement contre-productif de reculer sur le principe d’une taxe sur l’essence.
Pour ne pas fléchir face à nos propres ambitions, résister aux tentations qui se déploient depuis peu devra demeurer le mot d’ordre. Le Québec peut être le dernier à imposer la taxe carbone au Canada sans que cela soit une tare — ça devrait plutôt être un objet de fierté politique. En élisant comme président un Donald Trump climatosceptique, les Américains ont permis une certaine libération de la parole antiécologique qui a soudainement décoloré certaines de nos visées. Dans une longue entrevue accordée récemment à l’animateur de Contact, Stéphan Bureau, un François Legault très enthousiaste par rapport au potentiel énergétique du Québec concédait lui-même que Donald Trump avait un peu renversé le cours des choses et créé des occasions.
« Il y a des projets comme ceux-là [pipelines de gaz ou de pétrole passant par le Québec] qui étaient impensables avant Trump, a expliqué M. Legault. Mais là, il y a une ouverture, je sens que c’est en train de bouger. » La transition vers les énergies propres tolérera bien sûr encore un certain usage des énergies fossiles, cela va de soi, mais au point où on se lance dans la construction de nouveaux pipelines ? Pour adhérer aux mesures mises en marche par le Québec dans sa route vers la décarbonation, les Québécois auront besoin de transparence, mais aussi d’une certaine cohérence dans les actions.
Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.