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Il avait presque disparu de la vie politique britannique après le Brexit. Nigel Farage caracole aujourd’hui en tête des sondages et pourrait réaliser l’impensable : devenir Premier ministre.
OLI SCARFF / AFP
Reform UK, le parti de Nigel Farage (photographié le 2 mai 2025) frôle les 30 % d’intentions de vote dans les derniers sondages, soit la première force politique du Royaume-Uni.
ROYAUME-UNI - Le ciel est grisonnant en cette matinée du 6 mai 2010 dans le Northamptonshire, au nord de Londres. C’est jour d’élection au Royaume-Uni et Nigel Farage, en campagne pour tenter de décrocher le premier siège au Parlement pour son parti, le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (Ukip), déboule dans un petit aérodrome local avec une idée pour le moins détonante. Il a loué un petit avion deux places et veut déployer au-dessus de sa circonscription une bannière dans le ciel « VOTEZ POUR VOTRE PAYS - VOTEZ UKIP ».
Problème : la banderole s’enroule dans l’avion, et ce dernier pique à près de 130 km/h vers le sol avant de s’écraser. Nigel Farage croit mourir. Quand il rouvre les yeux, son visage n’est qu’à quelques centimètres du sol. Il a des côtes cassées, des contusions pulmonaires, son sang goutte sur l’herbe, mais il est en vie.
Cette histoire résume bien Nigel Farage, l’autoproclamé « M. Brexit » : un immortel de la vie politique britannique. C’est bien son (nouveau) parti, Reform UK, qui caracole aujourd’hui en tête des sondages, entre 26 % et 30 % d’intentions de vote, un an tout juste après la victoire très large du travailliste Keir Starmer aux législatives du 4 juillet 2024.
Il pourrait même remporter près de 270 députés sur 650, selon la dernière enquête YouGov, faisant de lui le leader de la principale force politique du pays. « La possibilité que Nigel Farage devienne un jour Premier ministre, avec une coalition, n’est plus aussi impossible que cela ne le paraissait il y a quelques années », résume auprès du HuffPost Laetitia Langlois, maîtresse de conférences en civilisation britannique contemporaine à l’université d’Angers.
Un discours résolument anti-immigration
Bien malin est celui qui aurait imaginé cela il y a quelque mois encore. Car Nigel Farage est une personnalité à part dans la vie politique britannique. Si Jean-Marie Le Pen était le « diable » de la politique française, l’Anglais de 61 ans a longtemps été perçu comme le « clown » outre-Manche.
Politicien relativement marginal pendant plusieurs décennies avec son parti, son combat politique se centrait surtout sur une défiance exacerbée de l’UE. Son ton, lui, se voulait toujours très incisif, comme lorsqu’il affirma au président du Conseil européen Herman Van Rompuy en 2010 qu’il avait « le charisme d’une serpillière humide », ou que la Belgique était un « non-pays ».
Il y eut ensuite évidemment le Brexit, dans lequel il joua un rôle immense. Et notamment dans l’infusion d’une rhétorique xénophobe et raciste dans la politique britannique, comme lorsqu’il affirmait que « si le Royaume-Uni reste dans l’Union européenne, les femmes risquent d’être victimes d’agressions sexuelles de masse perpétrées par des bandes d’hommes immigrés ». « Nigel Farage a gagné en popularité et en influence à partir du moment où il a axé son discours sur l’immigration. Tant qu’il restait juste sur un discours anti-Europe, ça ne fonctionnait pas », souligne Laetitia Langlois.
Une nouvelle place sur la scène politique britannique
Mais depuis le Brexit, Nigel Farage cherchait sa voie. Annonçant avoir achevé sa « mission » en 2016, il quitte la présidence du Ukip, puis annonce son retrait de la vie politique britannique en 2021. Il en profite alors pour devenir l’une des figures de la chaîne conservatrice GB News, une sorte de CNews britannique. Il va même jusqu’à apparaître dans une émission de téléréalité en 2023, Je suis une célébrité… sortez-moi de là !
Mais la politique n’était jamais très loin. Avec les élections générales en perspective, il fait son grand retour en 2024 au sein de Reform UK, le nouveau parti d’extrême droite dont il avait soutenu la fondation en 2019. Le voilà lancé en juillet dernier pour sa... 8e tentative pour devenir député. Ses sept précédentes tentatives avaient été soldées d’un échec cuisant, la huitième est la bonne. Le voilà élu à la Chambre des communes avec quatre autres députés Reform UK, une grande première.
Un choc dans le pays, et un tournant pour Farage. « Quand il était leader du Ukip, c’était une influence politique, une voix très influente dans le débat politique. Mais aux élections législatives, il ne faisait pas peur », rappelle Laetitia Langlois. Cette fois-ci, il est même annoncé un temps devant les Conservateurs dans les sondages, avec un discours plus populiste que jamais, toujours autant centré sur le rejet des élites et de l’immigration.
Sa victoire ou l’échec des autres ?
Mais peut-on vraiment dissocier la popularité actuelle de Nigel Farage des erreurs de ses rivaux ? Cette figure d’extrême droite prospère notamment sur les vestiges du parti conservateur, au plus bas de sa popularité après quatorze ans au pouvoir. « Les Tories ont tellement couru après le Ukip puis Reform UK que les électeurs préfèrent maintenant l’original à la copie. C’est un peu comme en France, où les Républicains ont perdu beaucoup de leur pouvoir politique et de leur influence au profit du RN », explique Laetitia Langlois.
Mais de l’autre côté, le Labour ne s’en sort pas forcément beaucoup mieux. Après la longue traversée du désert des travaillistes, beaucoup d’espoirs reposaient sur le nouveau Premier ministre Keir Starmer, qui dispose d’une majorité très large à la Chambre des communes (411 députés sur 650). Mais il a très vite chuté en popularité, entre propositions impopulaires – suppression de l’aide au chauffage pour les retraités ou réduction de l’aide aux personnes en situation de handicap – et des soupçons de corruption venant très vite entacher son image de politicien intègre. Lui aussi tient d’ailleurs un discours très dur sur l’immigration, disant notamment en mai dernier que le Royaume-Uni risquait de devenir une « île d’étrangers », et assume clairement de faire de Nigel Farage son principal opposant, le légitimant encore davantage.
En face, l’intéressé ne s’embarrasse pas de nuances. Il résume sa pensée à des propositions simplistes : gel complet de l’immigration jugée « non essentielle », abandon des objectifs de neutralité carbone pour relancer les mines de charbon, nationalisation d’usines. Surtout, il s’érige plus que jamais en leader des « laissés-pour-compte » face aux élites des partis traditionnels. Une recette bien connue. « Nigel Farage, c’est l’homme qui parle pour ceux qui ont été privés de voix, et c’est vrai que ça plaît beaucoup à un certain électorat britannique qui se sent délaissé et abandonné. Parce que le Royaume-Uni est un pays qui souffre socialement, et qui se retrouve dans sa verve », juge Laetitia Langlois.
Les prochaines élections britanniques sont encore bien loin (au plus tard en 2029). Mais il est clair que Nigel Farage dispose aujourd’hui d’une influence qu’il n’a peut-être jamais eue, même durant le Brexit. Et les États-Unis de son ami Donald Trump, chez qui il se rend régulièrement depuis 2016, l’ont bien prouvé : fracturer un paysage politique historique n’est pas une mission impossible.