Les lamidos du nord du Cameroun peuvent-ils encore faire gagner Paul Biya lors de la présidentielle d’octobre 2025 ? Ces chefs traditionnels détenteurs de pouvoirs coutumiers et religieux voient leur autorité s’éroder dangereusement sur le terrain, remettant en question leur capacité historique à mobiliser massivement les électeurs du septentrion. Cette interrogation cruciale agite les couloirs du pouvoir alors que l’échéance électorale approche.

Depuis novembre 2022, la visite de Franck Biya aux cours royales de Garoua et Rey Bouba alimente encore les conversations politiques. Cette démarche présumée de quête d’adoubement confirme l’importance stratégique que le pouvoir accorde toujours à ces figures ancestrales.

Érosion progressive : autorité traditionnelle contestée

« Les Camerounais se sont rendu compte que ces chefs ne défendaient ni les populations ni leurs villages, mais uniquement leurs positions », dénonce Célestin Yandal, maire de Touboro et cadre de l’UNDP. Cette critique illustre parfaitement la défiance croissante des populations envers leurs dirigeants traditionnels.

Les zones d’influence des lamidos demeurent paradoxalement parmi les moins développées du pays, malgré leur influence politique présumée. L’insécurité liée à Boko Haram et aux coupeurs de routes aggrave cette situation précaire que ni les potentats locaux ni le pouvoir central ne parviennent à résoudre efficacement.

En mai 2025, les incidents récents témoignent de cette dérive autoritaire : les gardes du lamido de Dogba ont empêché un député d’opposition de se rendre dans une école, tandis que le lamido de Bogo interdit toujours la présence du MPSC sur son territoire.

Révolution numérique : jeunesse émancipée défie l’ordre établi

« Les jeunes se sont émancipés, notamment grâce aux nouvelles technologies de communication », observe Justin Bassané, chercheur à l’université de Ngaoundéré. Cette transformation sociologique majeure remet fondamentalement en cause le système de contrôle traditionnel exercé par les lamidos sur leurs sujets.

La cooptation récente du lamido de Garoua au comité central du RDPC en avril 2025 illustre cette instrumentalisation politique qui dessert finalement leur crédibilité. « Ces dépositaires du pouvoir coutumier sont restés figés dans une vision traditionaliste », poursuit le chercheur.

L’opposition mise désormais sur ce « sursaut populaire » espéré pour contrer l’influence historique des lamidos lors du scrutin présidentiel d’octobre prochain.

Les lamidos survivront-ils à cette révolution démocratique silencieuse ?