Leur tenue est un symbole. Elle a fait d’eux des cibles potentielles pour des terroristes cherchant à s’en prendre à des figures d’autorité. Après les attentats de 2015, les militaires n’avaient plus été autorisés à porter leur uniforme en dehors de leur service, lors de leurs déplacements personnels entre leur domicile et leur lieu de travail. Les règles s’étaient ensuite adoucies en fonction de l’appréciation des officiers généraux commandant les différentes zones de défense qui maillent le territoire, et de la réduction de la menace. En autorisant les militaires à « revêtir l’uniforme » dans le créneau horaire compris entre 7 heures et 22 heures, la note d’instruction datée du 8 avril du général Loïc Mizon, gouverneur militaire de Paris, ne constitue pas une rupture. «Il s’agit de l’actualisation d’une note de son prédécesseur», explique-t-on dans l’entourage du GMP, en renvoyant à une décision similaire du général Le Ray. La nouveauté est dans l’exposé des motifs.

«Face aux évolutions rapides de notre environnement stratégique et aux manœuvres de déstabilisation de nos compétiteurs, le renforcement de la cohésion nationale est crucial», explique le général Mizon dans sa lettre. L’officier est particulièrement sensible à cet enjeu. «La visibilité des armées en île de France est donc primordiale et passe aussi par le port de la tenue militaire hors des enceintes militaires», assure-t-il en recommandant néanmoins la «vigilance» face à un risque terroriste qui n’a pas disparu. «Cette autorisation n’a pas valeur d’obligation», ajoute-t-il pour laisser un libre choix aux soldats : leur appréciation peut varier entre ceux qui revendiquent leur statut avec fierté et ceux qui craignent d’être importunés. D’autres sont aussi soucieux de discrétion et de ne pas être identifiés comme militaires.

«Il faut cesser de se croire en paix à la maison»

Quoi qu’il en soit, le regard sur l’armée a changé. À en croire les sondages, une majorité de Français serait même favorable au retour d’une forme de service militaire. «Les gens sont contents de voir des militaires dans la rue», explique une source militaire. «Ça les rassure», dit-on. La mission Sentinelle, déployée après les attentats, a effectivement contribué à changer le regard de la société sur l’institution militaire. L’armée est une des institutions les plus populaires en France quand tant d’autres sont victimes de défiance. L’état-major veut s’appuyer sur ce capital de sympathie pour renforcer la «résilience» de la nation et susciter des vocations. Face à des périls croissants, l’armée a besoin d’engagés et de réservistes.

Au-delà de la tenue et du symbole, le commandement de l’armée de terre veut aussi changer l’état d’esprit des militaires en instituant une vigilance permanente, en estompant la distinction entre opérations et situation sur le territoire national. «Il faut cesser de se croire en paix à la maison», expliquait récemment le chef d’état-major de l’armée de terre, le général Schill. Pour l’officier, les militaires doivent rester en alerte dans un contexte de guerre hybride, de confrontation permanente. La frontière entre temps civil et temps militaire se brouille.