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Le nouveau livre de Juan Gabriel Vásquez part d'un constat aujourd'hui largement partagé : la fiction, le roman, perd peu à peu de sa place au profit de livres basés sur l'expérience personnelle, le témoignage. "Un léger décalage est survenu dans la relation existant entre nos fictions et la société au sein de laquelle nous les écrivons", écrit-il. Or, ajoute-t-il, "il existe un lien direct entre la place occupée par la fiction dans une société et la bonne santé de sa démocratie."
L'écrivaine Zadie Smith tirait déjà la sonnette d'alarme en 2019 en écrivant : "Il est possible que la totalité du genre que nous appelions fiction soit en train de disparaître. "
Une des dérives s'attaquant à la fiction et que pointe Juan Gabriel Vásquez est l'anathème lancé au nom de "l'appropriation culturelle" par divers groupes : "Que sais-tu de moi ? Comme oses-tu imaginer que tu peux me comprendre et, pire, que tu peux t'exprimer à ma place ? "
"Les Réputations", un dessin peut tuer un hommeÀ ce compte-là, dit-il, Marguerite Yourcenar n'aurait jamais pu écrire Les Mémoires d'Hadrien et se mettre dans la peau d'un homme romain du IIe siècle.
Juan Gabriel Vásquez a une culture formidable qu'il met au service de son argumentation. Né à Bogotá, en Colombie, en 1973, il est l'auteur de six romans (Le dernier était Une Rétrospective en 2022), de deux recueils de nouvelles et de plusieurs essais littéraires.
Tout ce qui a trait à l'être humain est mystérieux et constitue une énigme appelée à être résolue.
Dans nos Ardennes
Né dans une famille bourgeoise et anglophile, il part à Paris devient parfait francophone et vient même vivre quelques mois dans les Ardennes belges avant de s'installer à Barcelone et de retourner en 2012 en Colombie.
Son essai sur l'art du roman s'intitule La Traduction du monde et reprend quatre conférences qu'il donna à l'université d'Oxford en octobre 2022.
Son livre est passionnant et vole haut, porté par sa formidable érudition, convoquant des écrivains comme Cervantès, Conrad, Defoe, Kundera, García Márquez, Proust, Tolstoï, Tchekhov, Yourcenar et bien d'autres.
Il démontre que le roman reste indispensable pour permettre de mieux comprendre l'autre, d'aller sonder dans le mystère d'autres existences, d'autres histoires, de comprendre ce qui émerge chez l'autre de ce qui est normalement caché. La fiction littéraire, a la capacité de rendre accessible le point de vue d'autres que soi-même, elle nous permet de vivre d'autres vies. A être plus humains.
Kundera et Proust
Dès l'entame il en réfère à Kundera qui privilégiait "la sagesse de l'incertitude" à toutes les pseudo-vérités, aux "petits fondamentalismes" des réseaux sociaux, par exemple.
"Une Rétrospective", au milieu des fanatiques de MaoSeuls les poètes et les romanciers peuvent arracher un peu de la vérité de l'autre, approcher l'"incertitude" de l'autre, décentrer le regard. Cela vaut autant pour mieux comprendre nos histoires individuelles que les mouvements collectifs. Il explique ainsi que l'Histoire officielle n'explique pas pourquoi tant de révolutions pleines d'éthique et d'espoir tournent à un cauchemar alors que la fiction peut nous aider.
Il convoque aussi la peinture citant par exemple Les Ménines de Vélasquez où l'on voit le peintre qui nous regarde semblant vouloir faire notre portrait alors qu'un miroir à l'arrière montre que son sujet est les souverains espagnols. Vélasquez nous fait entrer dans le sujet même du tableau.
Finalement, écrit Juan Gabriel Vásquez, et c'est fondamental, "la fiction n'a rien d'autre à proposer qu'un accès direct aux vies d'autrui, une rupture avec les limites de nos frontières étriquées, la camisole de force de notre propre expérience. Elle est un lieu de résistance contre la manipulation, la falsification et le mensonge ; la résistance de la mémoire contre l'oubli, de la complexité contre le fondamentalisme."
La fiction "n'a à offrir que la liberté. Elle n'a rien de plus à offrir qu'un espace où règne l'ironie et où l'ambiguïté fondamentale de la vie humaine se cherche au lieu de se méfier."
Proust l'écrivait : "Le seul véritable voyage ce ne serait pas d'aller vers de nouveaux paysages mais d'avoir d'autres yeux, de voir l'univers avec les yeux d'un autre, de cent autres, de voir les cent univers que chacun d'eux voit, que chacun d'eux est."
⇒ La traduction du monde | Essai | Juan Gabriel Vásquez, traduit de l'espagnol (Colombie) par Isabelle Gugnon | Seuil, 160 pp., 20,50 €, numérique 15 €
EXTRAIT
"Personne n'essaie d'inventer un monde s'il est satisfait de celui qui existe déjà. Le romancier, du moins dans ce sens, est toujours en quelque sorte un révolté, et le roman tel que je le conçois toujours un acte de révolte. Les manifestations de cette rébellion sont multiples, mais ne sauraient selon moi être dissociées de la manière dont le roman réagit face au monde et à ses postulats."
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